Le parti démocrate de Suède joue sur le rejet de l’islam, dans un pays qui compte 18 % d’habitants d’origine étrangère
Passera, passera pas ? Alors que le gouvernement suédois sortant, dirigé par le conservateur Fredrik Reinfeldt, semble bien parti pour être reconduit par les électeurs, dimanche, les regards se tournent vers sa droite.
Pour la première fois depuis les années 1930, un parti ayant ses racines dans la mouvance nazie est en passe d’entrer au Parlement. Depuis des mois, cette formation, baptisée Démocrates de Suède (SD), est créditée de plus de 4 % des intentions de vote, soit au-dessus du seuil minimum pour être représenté. Un sondage publié hier lui accorde 7,5 % des voix.
« Tous ses électeurs potentiels ne sont pas des nationalistes ethnocentristes et xénophobes, il attire aussi un courant anti-establishment qui existe depuis longtemps en Suède », analyse Anna-Lena Lodenius, coauteur dans les années 1990 d’un livre sur l’extrême droite en Scandinavie avec Stieg Larsson, le journaliste ayant écrit plus tard la fameuse trilogie policière Millenium.
Une montée dans les sondages
« Le parti vient en droite ligne de la mouvance brune et s’il a évolué depuis, ses origines continuent à le marquer », ajoute Anna-Lena Lodenius. Dans un livre publié cette année, deux journalistes de la revue antiraciste Expo, fondée par le même Stieg Larsson, rappellent que Jimmie Åkesson, l’actuel chef des SD, y a adhéré (très jeune) dès 1994. Ce qui n’était encore qu’un groupuscule avait alors à sa tête un nazi notoire.
D’allure nettement plus présentable, Jimmie Åkesson, âgé désormais de 31 ans, a fait beaucoup d’efforts pour débarrasser sa formation de ses scories les plus saillantes.
Non sans succès, puisqu’elle a réussi, au cours de la campagne électorale, à entrer dans la cour des « grands ». En partie grâce à sa montée dans les sondages, mais aussi grâce à certains médias et responsables politiques qui ont estimé que, dans un pays prônant la liberté d’expression, il n’y avait pas de raison de boycotter les SD.
Une hostilité envers l'islam
Ainsi Jimmie Åkesson a-t-il pu, fin 2009, s’exprimer longuement dans l’un des quatre principaux quotidiens du royaume, sous le titre « Les musulmans sont notre plus grande menace venant de l’étranger. » Le lendemain, il en débattait sur une chaîne de télévision publique avec la ministre (centriste) de l’économie.
Les SD ne font pas mystère de leur hostilité envers l’islam. En témoigne la publicité qu’ils ont voulu diffuser fin août sur la principale chaîne de télévision privée : une retraitée bousculée par des femmes tout de noir voilées au moment d’atteindre le guichet des aides sociales.
TV4 a refusé au prétexte que le film tombait sous le coup d’une loi contre l’incitation à la haine raciale. « Ce n’est pas être raciste que de vouloir réduire l’immigration », a rétorqué Jimmie Åkesson.
Ce message, sur lequel ils appuient l’essentiel de leur argumentation, a permis aux SD de faire élire des représentants dans la moitié des communes du pays, en particulier dans le Sud.
"L'intégration laisse à désirer"
Au niveau national, ils ont obtenu 2,6 % aux législatives de 2006 et 3,3 % aux européennes de 2009. Cette progression traduit le malaise grandissant d’une partie de la population suédoise de souche face au phénomène de l’immigration.
« Le pays, qui n’a pas eu de colonies, est resté longtemps homogène », pointe Anna-Lena Lodenius. Aujourd’hui, environ 18 % de la population est d’origine étrangère. Des mosquées avec minarets ont été bâties à Stockholm et ailleurs. Et l’intégration laisse à désirer, comme le montrent de réguliers incendies de voitures dans des banlieues certes proprettes, mais qui s’apparentent à des ghettos.
Si les SD parviennent à entrer au Parlement, la Suède ne sera plus une exception en Europe. Sans descendre jusqu’aux Pays-Bas, en Belgique ou en France, le Danemark et la Norvège ont cédé depuis une bonne décennie aux sirènes d’un populisme de droite teinté de xénophobie.
D’ores et déjà, des Suédois s’inquiètent d’un scénario à la danoise : un gouvernement minoritaire de centre droit devant s’appuyer sur les SD au Parlement, moyennant des concessions en matière d’immigration.
Source : La Croix