Une étude comparative révèle que les écarts de réussite scolaire sont plus que jamais liés à l’origine sociale des élèves. Il est également préférable d’être Français de souche qu’enfant d’immigrés.
Mieux vaut avoir des parents cadres ou enseignants, vivre dans une famille unie plutôt que recomposée, et être français de souche plutôt qu’enfants d’immigrés, pour réussir à l’école et avoir son bac. Le constat est aujourd’hui plus vrai que jamais. Une étude (x) vient de révéler que les écarts de réussite en fonction de l’origine sociale s’étaient encore creusés ces dernières années. Dans une note diffusée le 13 septembre, la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Education fait un comparatif entre un panel d’élèves entrés en sixième en 1995, et donc ayant passé le bac sept ou huit ans après, voire plus pour les redoublants, avec un autre groupe d’élèves entrés en 1989. Les tendances qui s’en dégagent sont encore largement valables aujourd’hui, dans la mesure où la proportion des jeunes Français arrivant au bac n’a pratiquement pas bougé depuis 1995 et que la population scolaire a donc peu évolué. Retour sur les quatre principales conclusions.
L’origine sociale pèse de plus en plus lourd
«Un élève dont le père est enseignant a quatorze fois plus de chances relatives d’obtenir le bac que celui dont le père est ouvrier non qualifié dans le panel 1995, contre seulement 9 fois dans le panel 1989» : c’est la tendance la plus inquiétante. L’école arrive de moins en moins à combler le handicap social de départ. Pire : elle creuse les inégalités. En six ans, ce sont les enfants de chefs d’entreprise et d’artisans-commerçants qui ont vu leurs chances d’avoir le bac augmenter le plus, suivis par les fils d’enseignants - les champions toutes catégories de la réussite scolaire -, de cadres et d’ouvriers qualifiés. En revanche, ces chances ont diminué pour les enfants des milieux les plus pauvres - employés de service, ouvriers non qualifiés et inactifs. Dès la sixième, ils se trouvent d’ailleurs distancés : ils sont plus nombreux à arriver au collège avec un an de retard et avec des acquis plus fragiles que les autres.
Les enfants d’immigrés plus ambitieux que les autres
Parmi les élèves entrés au collège en 1995, 10% étaient d’origine immigrée (les deux parents nés étrangers). Leur réussite au bac est inférieure à celle des Français «de souche», ce qui n’est pas vraiment une surprise. Plus que les autres, ils vivent dans des familles monoparentales, situées en outre au plus bas de l’échelle sociale. Souvent, leurs parents ne peuvent pas les aider scolairement. Les enfants perdent parfois pied dès le primaire.
L’étude apporte cependant deux nouveautés. D’abord, la réussite varie sensiblement suivant les pays d’origine : la moitié des enfants d’immigrés maghrébins, portugais et africains décrochent le bac, contre un tiers seulement pour ceux d’origine turque. Une confirmation au passage : les jeunes originaires d’Asie du Sud-Est cartonnent avec 66,8% de bacheliers (toujours dans le panel 1995). Ensuite, souligne l’étude, s’ils avaient des caractéristiques sociales comparables aux autres jeunes arrivant en sixième, «les enfants d’immigrés auraient des chances de devenir bacheliers égales ou supérieures aux autres». La raison : «Un niveau d’ambition scolaire plus élevé, associé à une forte volonté de mobilité sociale», souligne la Depp s’appuyant sur des études précédentes.
Les familles recomposées, un handicap pour le bac
Seuls 51% des lycéens issus de familles monoparentales ou recomposées décrochent le bac, contre 67% de ceux vivant avec leurs deux parents. L’écart s’amplifie avec le bac S (scientifique) : 18,9% des lycéens vivant dans des foyers «classiques» l’obtiennent, mais seulement 8,7% de ceux élevés dans des familles recomposées, et 9,8% de ceux n’ayant que leur père ou leur mère. L’étude se contente de pointer «le désavantage» mais n’avance aucune explication. Le problème est relativement nouveau, et les experts de la Depp, qui jonglent avec les statistiques, ne s’aventurent guère dans la psychologie.
Privé et public à égalité
A priori, le privé fait nettement mieux. Plus de 78% des élèves y ayant fait toutes leurs études secondaires ont le bac, et 25% le bac S, la voie royale pour accéder aux prépas et aux grandes écoles. Or ces taux ne sont respectivement que 67,8% et de 19,2% pour les élèves venus du public. Mais il faut relativiser. A la différence du public, le privé peut sélectionner et recruter des élèves ayant un bon niveau scolaire, ce qui lui garantit un bon taux de réussite au bac. De plus, s’il récupère aussi des élèves en difficulté venant du public, il scolarise des enfants de milieux généralement plus privilégiés. Mais à caractéristiques scolaires et sociales similaires, il n’y aurait aucune différence de réussite, conclut la Depp.
(x) Les statistiques ethniques nationales sont interdites. Il s’agit ici d’un échantillon de 17 830 élèves nés le 17 d’un mois, et dont les parents ont accepté de répondre - 14% ont refusé - à des questions portant entre autres sur leurs origines.
Source : MAP