Les députés examinent à partir de mardi le projet de loi sur l'immigration qui met en oeuvre l'extension de déchéance de nationalité préconisée cet été par Nicolas Sarkozy, ainsi que diverses dispositions facilitant l'éloignement des étrangers, y compris européens. Présenté en mars par le ministre Eric Besson comme la réponse législative aux désaveux des juges qui avaient libéré 123 Kurdes interceptés en Corse et à la situation des réfugiés de la "jungle" de Calais, le texte a été considérablement musclé après les polémiques sécuritaires de l'été. Premier ajout: l'extension de la déchéance de nationalité aux "personnes qui, dans un délai de 10 ans suivant leur accession à la nationalité", ont été condamnées pour meurtre ou violences contre une personne "dépositaire de l'autorité publique". Cette disposition découle du discours que Nicolas Sarkozy avait prononcé fin juillet à Grenoble, après des violences urbaines qui avaient embrasé le quartier de la Villeneuve. Deuxième ajout, annoncé en commission par Eric Besson, et qui vise implicitement les Roms: les étrangers, y compris ressortissants de l'UE, "abusant du droit au court séjour (NDLR: moins de trois mois) par des allers-retours successifs", pourront recevoir des obligations à quitter le territoire (OQTF). De même, pourront être éloignées "les personnes qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale", une disposition qui va se traduire par un contrôle accru de l'aide médicale d'Etat. Enfin, une troisième disposition élargira les "possibilités de reconduite à la frontière pour menace à l'ordre public, à l'occasion d'actes répétés de vol ou de mendicité agressive". Pour les députés PS, qui entendent ferrailler contre le texte, ces dispositions sont tout simplement non conformes aux droits européen et français. Ce projet, le cinquième en sept ans sur l'immigration, "est la preuve évidente de l'échec de la politique menée" en la matière, dénonce la députée socialiste Sandrine Mazetier. Le texte d'Eric Besson transpose également dans le droit français trois directives européennes. La première met en oeuvre la "directive sanctions", qui vise à lutter contre ceux qui exploitent l'immigration irrégulière. Mais le député UMP Thierry Mariani, auteur il y a trois ans de l'amendement très controversé sur les tests ADN, a fait adopter en commission, contre l'avis du gouvernement, une disposition visant à préserver les employeurs de "bonne foi" qui embauchent des clandestins sans connaître l'illégalité de leur situation: ils ne pourront plus être poursuivis sur le plan pénal. La deuxième directive met en place une "carte bleue européenne" (l'équivalent de la "green card" américaine) pour les travailleurs étrangers hautement qualifiés pouvant justifier d'un diplôme d'au moins Bac+3 ou d'un salaire mensuel d'au moins 3.991 euros. La troisième, dite la "directive retour", ouvre "la possibilité" pour l'autorité administrative d'assortir une décision d'expulsion d'"une interdiction de retour" sur le territoire européen d'une durée de 3 à 5 ans. Là aussi, Thierry Mariani a considérablement durci cette "possibilité" en la transformant, contre l'avis du gouvernement, en "obligation". Faisant valoir que le taux d'échec des mesures d'éloignement "dépasse 75%", Eric Besson a enfin prévu toute une série de dispositions pour parvenir à une meilleure efficacité des procédures.
Source : Le Monde