vendredi 5 juillet 2024 10:23

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Des pistes pour contrer la fuite des cerveaux africains

Comment développer la collaboration entre chercheurs européens et africains sans accélérer l'exode des cerveaux ? L'Association européenne des universités (EUA, 850 universités dans 46 pays d'Europe), qui présente, mardi 28 septembre à Bruxelles, un Livre blanc pour "renforcer la confiance et les échanges entre l'Europe et l'Afrique", veut donner le bon exemple. Les universitaires européens appellent de leurs voeux "une coopération universitaire pour le développement" qui contrecarre le pillage de la matière grise du continent noir actuellement à l'oeuvre.

Alors même que l'Afrique fait face à un déficit considérable d'universitaires (elle forme 2,3 % des chercheurs du monde, soit moins que le Royaume-Uni), elle voit sa population hautement qualifiée s'évaporer. Abdeslam Marfouk, chercheur à l'université de Louvain qui travaille depuis plusieurs années sur la fuite des cerveaux africains estime que plus de dix pays africains ont plus de 40 % de leur main-d'oeuvre hautement qualifiée hors de leur pays : 67 % au Cap-Vert, 63 % en Gambie, 53 % en Sierra Leone... Et près d'un chercheur africain sur deux réside en Europe.

Cette envolée a, peut-être, été freinée par la crise économique et financière. Elle n'en reste pas moins très problématique tant les universités africaines sont confrontées à tous les problèmes à la fois : afflux considérable d'étudiants grâce à un accès à l'enseignement secondaire qui s'améliore, absence d'investissement public qui accroissent les difficultés des institutions à garder leurs équipes et compétition sur les ressources humaines entre les Etats africains.

"La pression sur les universités africaines est énorme", résume le Livre blanc. "Sans laboratoires dignes de ce nom, sans pôle d'excellence, avec des salaires dix, voire vingt fois inférieurs à ceux proposés dans les universités du Nord, on ne peut pas s'étonner de cette saignée des compétences ", estime Abdoulaye Salifou, directeur délégué à la politique scientifique à l'Agence universitaire de la francophonie (AUF).

Cet appel de l'EUA intervient dans un contexte où la coopération institutionnelle est faible. "L'aide de l'Union européenne est concentrée sur les Objectifs du millénaire, la coopération éducative est très modeste et les fonds consacrés à la recherche sont centrés sur l'excellence", résume Kees Kouwenaar, directeur du centre international de coopération de l'université d'Amsterdam qui développe des partenariats de long terme avec des "universités du Sud".

"Ce qui existe est peu visible, très circonscrit et très contraignant", renchérit Pascal Hoba de l'Association des universités africaines. Les bourses de mobilité Erasmus Mundus, qui ont été octroyées à 866 étudiants africains sur plus de 6 000 bénéficiaires depuis 2004, rentrent dans cette catégorie, étant, de l'avis général, "réservées" à une toute petite élite.

Une coopération réfléchie peut-elle freiner ce mouvement destructeur de richesse pour les pays les plus pauvres ? Certains en doutent. Avec le recul, Jamil Salmi, expert de la Banque mondiale, estime que "rares sont les programmes de coopération bilatérale qui incluent la mise en place de moyens - salaires, laboratoires -, qui permettent aux chercheurs et aux enseignants des pays du tiers-monde de revenir au pays dans des conditions favorables".

Ces partenariats de long terme, seuls susceptibles de retenir et de consolider les équipes sur place, existent pourtant depuis longtemps. Et c'est de ceux-là que l'EUA veut s'inspirer, persuadée qu'une coopération bien encadrée vaut mieux qu'une mobilité débridée.

Voilà près de quarante ans que l'université d'Uppsala en Suède déploie son International Science Program (ISP), centré sur la chimie, la physique et les mathématiques, qui cible "non les individus mais les départements des universités", explique Kay Svensson, directeur des relations internationales de l'université.

Sur la période 2003-2008, ISP qui s'est déployé dans douze pays dont dix d'Afrique subsaharienne affiche un bilan plus qu'honorable avec 138 doctorats et 600 masters délivrés et un ""brain drain" ("fuite des cerveaux") de seulement 5 %". Beaucoup plus récent, le programme allemand Exceed, lancé en 2008, s'inscrit aussi dans la durée. Financé par l'office allemand d'échanges universitaires (DAAD), il vient de doter cinq universités allemandes de cinq millions d'euros par an et par université pendant cinq ans pour le développement de projets de coopération dans les domaines de l'eau-assainissement, de la sécurité alimentaire, du travail décent, des ressources naturelles et de la santé.

Autant d'exemples à suivre, prône l'EUA qui doit encore, au-delà des universitaires, convaincre l'Union européenne et l'Union africaine de s'inscrire dans cette perspective.

Source : Le Monde

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