Assis dans sa petite chambre du foyer Adoma (ex-Sonacotra), Jamal déplie puis range méticuleusement les documents et courriers. Toute sa vie française douloureuse, son itinéraire chaotique du Maroc jusqu'à La Paillade, tient dans ces quelques écrits officiels.
En 1998, Jamal, 47 ans, travaille dans une société de nettoyage et obtient la nationalité française avant de tomber malade, gravement. Des troubles psychiatriques semblent lui tenailler le ventre et nourrissent ses angoisses, son état dépressif. Une expertise conclut à une invalidité de 80 %. Le projet de trouver un logement et de faire venir sa femme et ses deux enfants, restés au Maroc, s'avère progressivement beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.
Aujourd'hui, presque dix ans après son interruption de travail, l'homme
a désormais le sentiment d'être « devenu prisonnier » de sa chambre, d'une situation en forme d'impasse. « Je pense beaucoup à ma famille. Maintenant, j'ai besoin de ma femme, je me sens isolé ici. Une fois, je suis resté deux mois sur mon lit. J'ai perdu 13 kg », explique-t-il alors que son état de santé ne s'est pas amélioré et exclut, selon lui, un retour vers les montagnes marocaines, où vit sa famille.
Depuis 2007, Jamal a entrepris de multiples démarches pour tenter d'obtenir un logement dans le parc social, la première étape indispensable pour envisager un regroupement familial. Sans succès. « Même mon médecin estime qu'il faut que je sorte du foyer, que ce sera mieux pour moi. » Son recours devant la commission de médiation du droit au logement opposable (Dalo) a également été rejeté, au motif, notamment, que sa chambre du foyer n'avait pas de caractère insalubre... Sollicitée, la conseillère municipale Amina Benouargha-Jaffiol s'est faite l'interprète de Jamal auprès des bailleurs sociaux mais sans plus de résultat qu'André Vezinhet, qui avait effectué les mêmes démarches. « Cela fait trois ans que je fais les renouvellements de dossiers. Rien ne bouge, je ne sais plus comment ça marche », regrette encore le résidant malgré lui. Au fil des mois, cette situation totalement « bloquée » a ému des responsables d'associations de La Paillade qui tentent, elles aussi, d'interférer pour lui trouver un appartement. Jamal conserve soigneusement chacun de leur courrier, dans l'attente qu'un rendez-vous s'achève enfin, sur une avancée positive. Il le dit à demi-mot : il ne se voit plus vieillir avec la maladie dans sa chambre de foyer.
Source : Midi libre