L'Assemblée nationale a voté, mardi 5 octobre, au cours de débats animés qui se sont prolongés en séance de nuit, trois dispositions du projet de loi sur l'immigration qui ont fait l'objet de vives critiques des députés de gauche et de certains députés de la majorité.
Mesure d'éloignement des étrangers
Cette proposition du gouvernement qui vise à faciliter l'éloignement des étrangers, y compris les ressortissants de l'Union européenne, fait partie d'un ensemble de dispositions qui visent plus particulièrement les Roms. Pourront ainsi être reconduites dans leurs pays d'origine les personnes qui, autorisées à un séjour de moins de trois mois, "représentent une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale". Le ministre de l'immigration, Eric Besson, a fait valoir que sa proposition n'était que la transposition en droit français d'une directive communautaire.
Le député UMP Etienne Pinte a fait remarquer que cette directive prévoyait l'obligation, pour l'Etat, de prouver cette "charge déraisonnable" pour les séjours compris entre trois mois et cinq ans. "Le faire sur une période de trois mois serait contraire au droit communautaire", a-t-il estimé.
Droit de séjour des "étrangers malades"
Les députés de gauche et certains députés de la majorité se sont également opposés à la mesure visant à limiter l'accès au séjour aux "étrangers malades", que le rapporteur du texte sur l'immigration, le député UMP Thierry Mariani, avait fait adopter en commission le 15 septembre. M. Mariani a fait valoir que la notion de "non-accès effectif" aux soins dans le pays d'origine, contenue dans la loi Chevènement de 1998, était interprétée de façon "très généreuse" par le Conseil d'Etat, faisant peser une obligation "déraisonnable" sur le système de santé français.
Pour corriger cette "dérive", M. Mariani avait proposé de remplacer cette notion par celle d'"inexistence" du traitement dans le pays d'origine. Dans un souci de conciliation, Eric Besson a proposé de remplacer ce terme par le mot "indisponibilité". "C'est cynique, a lancé Martine Billard (Parti de gauche). Inexistence ou indisponibilité revient au même !" Le centriste Jean Dionis du Séjour, qualifiant la mesure proposée par le projet de "recul", a plaidé en faveur de "ces gens qui nous arrivent très malades". Le villepiniste Jean-Pierre Grand a, quant à lui, accusé le gouvernement de "porter une fois de plus atteinte à l'image de la France".
Les "mariages gris"
La mesure visant à punir les "mariages gris", qui prévoit sept ans de prison et 30 000 euros d'amende, a aussi suscité de nombreuses critiques. "Comment décidera-t-on qu'un étranger a volontairement trompé son conjoint sur ses sentiments ?", a demandé Etienne Pinte, soulignant que "certains couples mixtes sont déjà confrontés à un véritable parcours du combattant".
"Vous allez créer des situations inextricables", a renchéri le député socialiste Christophe Caresche, qui a fait remarquer qu'il serait "difficile, pour un juge, de prouver que la volonté matrimoniale d'un des conjoints était absente". Eric Besson a estimé normal que la pénalisation des mariages "gris" soit plus sévère que celle des mariages "blancs", où la fraude concerne les deux parties.
L'examen du texte sur l'immigration se poursuivra dans la journée de mercredi. Les débats devraient revenir sur une mesure transposant la directive européenne "retour", qui prévoit d'interdire l'entrée sur le territoire européen pendant deux à cinq ans à tout sans-papiers sous le coup d'une obligation de quitter le territoire.
Source : Le Monde