Homophobie, racisme, course aux chiffres, sexisme: une ex-adjointe de sécurité (ADS), Sihem Souid, publie un rare réquisitoire dénonçant "omerta" et "discriminations" à la police aux frontières (PAF) service de pointe dans le contrôle de l'immigration.
Française d'origine tunisienne, aujourd'hui adjointe administrative à la préfecture de police de Paris, Mme Souid, 29 ans, explique dans un entretien à l'AFP "avoir subi ou vu tellement de choses graves" qu'elle "ne (peut) plus se taire".
Elle sait qu'elle s'expose à une révocation pour avoir enfreint le devoir de réserve, mais dit ne pas pouvoir "cacher plus longtemps des actes illégaux dont (elle a) été témoin".
"Je me battrai jusqu'au bout", lance-t-elle, car il faut briser l'"Omerta dans la police", titre de son livre (le 14 octobre aux Editions du Cherche-Midi).
Interrogés sur le livre, des syndicats de police se disent "prudents".
Par ailleurs l'ancien responsable de la PAF, le commissaire Alain Bianchi, mis à la retraite après avoir été écarté pour "abus de pouvoir", selon Mme Souid, qu'elle met en cause en termes virulents, nie ces accusations. Il a indiqué à l'AFP se réserver la possibilité de porter plainte pour diffamation.
L'éditeur de Mme Souid s'est entouré d'un luxe de précautions afin d'éviter les fuites. Il affirme même craindre une saisie. Celle-ci n'est pas à l'ordre du jour, a répondu à l'AFP la direction générale de la police nationale.
Le livre est une longue série de graves accusations contre une "minorité" de policiers, chargés du contrôle de l'immigration à la PAF.
L'ouvrage fourmille d'exemples dont l'auteur dit détenir les "preuves", mais non publiées en annexes comme prévu initialement.
Sihem Souid, entrée "par vocation" dans la police, s'est retrouvée ADS (anciens emplois jeunes de la police) à la PAF d'Orly -300 policiers sur plus de 7.000 en France - après un passage comme cadre à la Brink's (transports de fonds).
Mais la jeune femme déchante vite, confrontée, accuse-t-elle, à des cas de sexisme, maltraitance d'immigrés, homophobie, passe-droits de la hiérarchie, course effrénée aux chiffres.
"Le langage courant de la PAF, c'est +Je vais contrôler les bougnoules+ ou +Tiens, voilà encore un avion de nègres+", écrit-elle.
Elle cite le cas d'une femme venant de Brazzaville (Congo) interpellée car soupçonnée de clandestinité. Son mari est "victime de violences", elle se retrouve nue dans une cellule au vu de tous, filmée par un policier avec un portable.
Il y a dix expulsions illégales par semaine à Orly, affirme-t-elle, ajoutant que les victimes de "comportements discriminatoires" sont monnaie courante à la PAF d'Orly.
Mme Souid avait pris la tête d'une fronde judiciaire avec six collègues et porté plainte en 2008, notamment pour discrimination. Plainte classée sans suite en 2009.
Sihem Souid affirme avoir porté plainte devant un juge d'instruction et saisi la Haute autorité de lutte contre les discriminations, où son cas susciterait des "réserves", selon des sources proches de cette institution. Une "décision a été prise et va être notifiée aux parties", a simplement déclaré la Halde.
Source : AFP