jeudi 28 novembre 2024 17:01

Ces bâtisseurs de la France. Les oubliés de l'histoire

Voici le récit de ces migrants envoyés en France par manque de main-d’œuvre à la fin de la Première Guerre mondiale, afin de construire le pays. C'est aussi le cas dans pas mal de pays européens. Mais aussi l'histoire d'une colonisation qui a tenté de piller les richesses de tout un pays en réduisant sa population à l'esclavage. C'est le cas de l'Algérie colonisée durant plus de 132 ans et qui a vu ses enfants partir à l'Hexagone, enrôlés de force et servir plus tard comme contingent pour attaquer d'autres pays comme l'Indochine.


Les oubliés de l'histoire est le récit de Mohamed Hamoutène qui s'est attelé à annoter ses souvenirs d'enfance sur papier. C'est ainsi que s'ouvre cet ouvrage de 202 pages. Un narrateur intradiégétique raconte par l'emploi du pronom personnel singulier, je, quand allongé sur une natte, il écoutait vers l'âge de 7 ou 8 ans, pendant les soirs d'été, une fois la nuit tombée, les récits passionnants du père et du grand-père. «Inspiré, il fermait les yeux quelques instants comme pour rassembler des souvenirs lointains»... «Il racontait la vie de gens morts depuis longtemps et les nommait comme pour les appeler à témoigner. Il se souvenait particulièrement d'une fièvre qui avait secoué toute la région au début du XXe siècle. C'était l'époque où les gens commençaient à partir en groupes au pays du «roumi» - (...) mon grand-père entamait ainsi ce récit qui remontait 30 ans plus tôt» peut-on lire à la page 09 et 10 du livre. Ainsi, le grand-père, commence à raconter comment cinq jeunes hommes sont partis à Marseille à la recherche de travail, comment ils sont accueillis par un Italien qui les aidera au tout début avant d'être embauchés qui dans une entreprise, qui sur un quai. Des péripéties faites de besogne et de sacrifice, mais de joie éphémère aussi et de désir ardent de retour au pays. Certains réussiront à le faire. Ils trimaient toujours dur pour pouvoir économiser de quoi envoyer au bled. D'autres mouraient bêtement lors d'un accident de travail. Le livre de Mohamed Hamoutène est rempli de ces fantômes d'Algériens partis tenter leur chance de l'autre côté de la Méditerranée et d'autres envoyés quasiment de force en France. Si le livre raconte la misère et la déchéance pour certains, il écrit aussi comment des Algériens vont parvenir à atteindre la connaissance nécessaire qui les aidera à nourrir leur conscience nationaliste et plus tard rentrer et s'enrôler dans les camps de l'armée algérienne ou monter au maquis.

Le récit fait de voyage, de discussions interminables dans des bars de fortune dévoile comment ces Algériens vont ainsi constituer une forte base de militants qui seront à même de soutenir aussi leurs familles et amis restés en Algérie et résister face à l'adversité.

A la Seconde Guerre mondiale, l'arrivée des algériens en France s'intensifie et le rapport de force semble évident alors que des Algériens paradoxalement parvenaient pour certains à bien s'en sortir. «Paris était définitivement «colonisé» par nos immigrés» écrit à la page 94 notre auteur et de renchérir à la page 95: «Après la destruction massive que connut toute l'Europe, c'était la reconstruction à outrance.
En France, comme ailleurs, la demande de main-d'oeuvre augmentait tous les jours. L'immigration algérienne était la manne toute trouvée. En effet, l'idée qui avait germé chez les responsables français était d'ouvrir des écoles professionnelles spécialement adaptées aux immigrés pour avoir sur place des ouvriers qualifiés. C'était la naissance des fameux Cfpa dont certains furent créés même en Algérie. (...) l'idée avait bien fonctionné et c'est ainsi que des milliers d'Algériens furent employés dans le bâtiment jusqu'à nos jours».

Si la lutte en Algérie prenait forme, les Algériens de France savaient eux aussi que l'heure de la victoire était proche. En racontant l'histoire des migrants en France, le livre opère aussi un parallèle avec l'évolution historique de l'Algérie et l'avènement de l'indépendance, avec la formation du Mtld, du PPA, les événements du 17 octobre 1961.

Ce livre n'est pas seulement un portait sociologique de la population algérienne en France, mais aussi un kaléidoscope de ce qu'a pu être aussi l'Algérien de part et d'autre de la France, bien que l'idée principale est la redevance de la France à nos braves ouvriers algériens, mais pas seulement, mais à toute l'Afrique, et ces populations qui ont contribué à la bâtir à nouveau. Que d'anecdotes renferment ce bouquin riche en images descriptives et en émotion.

30 Janvier 2014, O. HIND

Source : lexpressiondz

 

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