mardi 24 décembre 2024 18:49

Contre l'immigration clandestine, une chanson sur les «trains de la mort»

 « Le cri strident des roues, serpent d'acier menaçant... La bête du Sud, comme ils l’appellent, rugit et se tortille »: ces paroles sont extraites d'une chanson imaginée par les Etats-Unis sur les « trains de la mort », nom donné aux trains allant du Mexique jusqu’aux Etats-Unis. Objectif: dissuader les jeunes en provenance d'Amérique centrale de franchir illégalement la frontière.

Entretien avec Gaspard Estrada, analyste politique spécialiste du Mexique et des relations entre la France et l’Amérique latine.

JOL Press : Quelles sont les conditions de vie des migrants d'Amérique centrale pendant leur périple jusqu'aux Etats-Unis ?

Gaspard Estrada : Parmi les migrants, de nombreux enfants partent à bord de trains de marchandises – baptisés « La Bestia », « la Bête » en français  - vers les Etats-Unis pour pouvoir renvoyer de l’argent à leurs familles restées sur place. Leurs conditions de vie sont terribles: ils n'ont aucune protection, ni physique ni légale, faisant de ces périples un véritable calvaire.

Il y a eu plusieurs cas de massacres avérés par des cartels mexicains et membres corrompus qui veulent exploiter ces migrants pour leurs activités illégales. Des personnes ont fait des migrants un véritable business. Les migrants sans-papiers sont extrêmement vulnérables et sont dépendants des passeurs pour pouvoir atteindre le rêve américain. Le film « Rêve d’or », à travers le périple de deux pré-adolescents guatémaltèques à bord de « La Bestia », montre avec une grande clarté les nombreux obstacles sur leur route.

JOL Press : D’où viennent –ils principalement ?

Gaspard Estrada : Les Mexicains sont les plus nombreux parmi les candidats à l'immigration aux Etats-Unis : il y a un débat sur le chiffrage et sur la provenance de cette migration car il s’agit d’une immigration illégale, il est donc difficile de chiffrer le nombre exact de migrants d’Amérique Latine aux Etats-Unis.

Bande-annonce du film « Rêve d’or »:

JOL Press : Une chanson sur les « trains de la mort » conçue par les Etats-Unis passe sur les ondes de radio de plusieurs pays d'Amérique centrale. Quelles sont les techniques des organismes américains chargés du contrôle des frontières pour dissuader les candidats à l'immigration ?

Gaspard Estrada : La technique qui devrait être mise en œuvre est de favoriser la croissance de ces pays pour éviter la migration. Il existe des programmes de coopération et d’aide au développement mises en place par les Etats-Unis et par le Mexique pour dissuader les potentiels candidats à l’exil. Ces programmes sont limités car ils sont confrontés à une réalité très concrète marquée par de nombreuses inégalités, et une grande pauvreté dans ces zones-là.

JOL Press: En visite au Texas au début du mois de juillet, Barack Obama a appelé les familles d'Amérique centrale à retenir les jeunes prêts à entrer clandestinement États-Unis. Quel bilan peut-on tirer de sa politique d’immigration  ?

Gaspard Estrada : La situation est bloquée: tous les partis politiques ont en tête les élections intermédiaires de novembre 2016 : c’est à la suite de ces élections que l’on verra si le président Barack Obama aura la marge de manœuvre suffisante pour voter une réforme migratoire, sachant que le temps passe et que le poids électoral des Latinos augmente aux Etats-Unis.

Cela favorise la mise en œuvre de réformes qui ont un impact sur cet électorat, assez clivé en faveur des démocrates. Si les républicains veulent récupérer cet électorat, ils devront envoyer des signaux clairs. Or, pour l'instant, les républicains font obstruction à la réforme migratoire. Le parti républicain devra faire un choix : soit rester campé sur sa position contre la réforme migratoire, soit permettre un accord bi-partisan. Un pas vers cette réforme migratoire serait un élément important pour la fin de la présidence Barack Obama, en 2018.

JOL Press : Les migrants d’Amérique centrale sont-ils aujourd'hui devenus indispensables dans la société américaine ?

Gaspard Estrada: Oui, depuis longtemps. Ils contribuent à l’économie américaine. Parce qu’elle est illégale, la main d’œuvre est bon marché. Ils sont essentiels dans le secteur primaire et dans celui de la construction. Pendant ces trente dernières années, depuis les premières tentatives de régularisation des sans-papiers dans l’Etat de Californie, le poids démographique des Latino-américains a considérablement augmenté aux Etats-Unis ; cela force les responsables politiques a considéré cette communauté avec plus d’attention qu’auparavant.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour

Source : JOL Press

 

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