lundi 25 novembre 2024 10:40

L'Allemagne s'inquiète de la montée du populisme

Le président allemand, Christian Wulff, a saisi l'occasion des célébrations du vingtième anniversaire de la réunification allemande, ce week-end, pour s'ériger en rempart contre la montée du populisme outre-Rhin. Alors que l'Allemagne est secouée depuis plusieurs semaines par une polémique virulente sur l'immigration, Wulff a présenté l'intégration des immigrés musulmans comme le prochain grand défi, établissant un parallèle avec la greffe entre les deux Allemagnes. Débarrassée du nazisme, puis du communisme, la nouvelle Allemagne réunifiée est un pays décomplexé qui ne doit pas oublier que la tolérance fait désormais partie de son identité, a lancé le président.

«Nous sommes un peuple. Cet appel à l'unité doit aujourd'hui être une invitation adressée à tous ceux qui vivent chez nous, a souligné Wulff. Le christianisme et la judaïté appartiennent sans nul doute à l'Allemagne. C'est notre histoire judéo-chrétienne. Mais désormais, l'islam aussi fait partie de l'Allemagne.» Il a fustigé le «débat nocif» lancé par Thilo Sarrazin, l'ancien haut fonctionnaire de la Bundesbank poussé à la démission après la publication de son livre choc L'Allemagne court à sa perte, dans lequel il lance des attaques au vitriol contre les immigrés musulmans et défend ses théories sur un «gène juif».

Conservatisme trop tiède

Depuis la fin de la période nazie, l'Allemagne est restée longtemps vaccinée contre les sentiments populistes, alors même qu'ils fleurissaient chez ses voisins. Les partis néonazis n'ont jamais franchi la barre des 5%, qui leur aurait permis d'envoyer un député au Bundestag. La CDU, le parti conservateur d'Angela Merkel, rassemble un spectre assez étendu en partant du centre droit. Mais le débat provoqué par Sarrazin (SPD) a provoqué des divisions en son sein. L'aile droite de la CDU reproche à Merkel d'avoir condamné Sarrazin, en rejetant hâtivement son constat sur l'immigration.

Cela fait plusieurs mois que la droite de la CDU se plaint du conservatisme jugé trop tiède de la chancelière et d'options «trop libérales», qui seraient responsables de la perte de vitesse du parti. Estimant que la bataille se menait au centre, Merkel a négligé cette frange de l'électorat depuis sa campagne électorale de 2009. Rechignant à mettre la main à la poche pour sauver la Grèce de la faillite, la chancelière avait finalement cédé, cet été, en imposant des conditions drastiques. Le sauvetage de la Grèce avait déclenché une vague populiste aux accents eurosceptiques et nationalistes. Plusieurs élus de la CDU sont sortis de leur réserve, portés par la vague de soutien populaire aux thèses de Sarrazin, qui sont rejetées en bloc par tous les partis politiques.

Orphelins du conservatisme

Ainsi, Erika Steinbach, égérie de l'aile droite de la CDU et présidente de la fédération des Allemands expulsés d'Europe de l'Est à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a soutenu très ostensiblement Sarrazin. Avant de s'illustrer en affirmant que la Pologne avait provoqué l'invasion d'Hitler en mobilisant ses troupes en 1939. Critiquée par la direction de la CDU, elle a démissionné de ses fonctions au sein du parti, en affirmant en avoir assez d'y servir de «caution conservatrice». La direction de la CDU s'est finalement résolue à la retenir, pour éviter qu'elle ne crée un parti rassemblant les «orphelins du conservatisme».

Le député berlinois, René Stadtkewitz, a franchi le pas. Exclu en septembre de la CDU pour avoir invité le héraut de l'extrême droite néerlandaise, Geert Wilders, à une manifestation à Berlin, il a créé son propre parti. Stadtkewitz défend la «démocratie directe» et fait de l'immigration son thème prioritaire. À Berlin, ce week-end, Wilders s'est fait acclamer par 600 Berlinois en affirmant qu'une «Allemagne pleine de mosquées et de femmes voilées n'est plus l'Allemagne des Schiller, Bach et Mendelssohn». Avant de fustiger la politique d'immigration d'Angela Merkel.

Selon les sondages, 55% des Allemands considèrent les immigrés musulmans comme un fardeau, jugeant par exemple qu'ils «ont coûté financièrement et socialement beaucoup plus qu'ils n'ont apporté économiquement». Ils sont 60% à donner raison à Sarrazin, dont le livre s'est vendu à plus de 600.000 exemplaires en moins d'un mois. Pour le politologue Gero Neugebauer de la Freie Universität de Berlin, «l'incertitude s'est répandue dans la société allemande avec la crise». «C'est toujours une bonne base pour ceux qui racontent aux gens que leurs problèmes peuvent être résolus avec des solutions simplistes, que les autres n'oseraient pas utiliser, comme jeter dehors les étrangers», affirme-t-il. Mais pour l'instant aucune figure suffisamment charismatique n'a osé s'emparer de la vague populiste, pour transformer l'essai dans les urnes.

Source : Le Figaro

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