Le premier long-métrage de Kadija Leclere, “Le Sac de farine”, oscille entre ode à la liberté et chronique de village, pour le plus grand plaisir des spectateurs. On a quand même réussi à trouver des défauts à ce melting-pot des genres touchant et drôle.
“Je n'ai pas voulu faire une sociologie du Maroc”, annonce d'emblée Kadija Leclere, la réalisatrice de Sac de farine.
Le film raconte une histoire parmi d'autres, celle de Sarah, 8 ans, retirée d'un foyer catholique en Belgique pour être emmenée au Maroc par son père, qui l'abandonne peu après. Après des années d'adaptation et d'apprentissage du tricot, on retrouve Sarah à 17 ans, ses envies et son franc-parler, dans le Maroc en pleine révolte des “Awbach”...
Kadija Leclere a choisi une histoire personnelle pour porter son premier long-métrage, “enlevée et enfermée pendant deux ans, quatre mois et dix jours” lorsqu'elle était une enfant, à l'instar de son héroïne. Un choix du cœur judicieux puisque ce Sac de farine recèle une profondeur et une vérité dans les sentiments, que l'on ne retrouve que rarement dans le cinéma actuel.
Cette force tient en un plan, celui où l'oncle de Sarah reste médusé que celle-ci ramène le fameux sac de farine pour nourrir la famille, et ne pas usurper sa place autour de la table, grâce à son habilité au tricot.
Une séquence, un titre, qui cependant ne sont qu'un pan de ce film. Car comme souvent dans tout premier long-métrage, la réalisatrice a voulu trop en mettre. Choc des cultures, religion, mariage arrangé, place des femmes dans la société marocaine, révolte sociale, premiers émois, ... cela ressemble à un vide-grenier de thématiques.
Pourtant Kadija Leclere n'est pas la première venue dans le monde du cinéma, avec trois court-métrages à son actif et des années comme directrice de casting, notamment pour Indigènes. Une expérience dans le cinéma qui lui permet d'emporter le spectateur dans son récit.
Un casting inégal
En Belgique, les spectateurs et professionnels ont apprécié ce Sac de farine, à l'atmosphère familiale et familière pour nous. Le film a ainsi été nommé à trois reprises aux 'Magritte', les Oscars du cinéma belge, malgré une photographie de Gilles Porte et Philippe Guilbert très décevante et une mise en scène des plus classiques, qui semble pourtant ici être la bienvenue.
Autre scorie de ce film, le casting dont les acteurs ne sont pas tous au même niveau. Hafsia Herzi surnage, comme toujours, en portant un personnage énergique, tout comme Hiam Abbass, actrice israélienne que l'on voit trop peu. Le choix scénaristique entraîne cependant un manque chez le spectateur, à cause de la trop rapide absence du père, nous privant ainsi de la présence forte et touchante de Smaïn Faïrouze, devenu avec les années un acteur dramatique d'envergure.
Mention spéciale à Rania Mellouli, qui joue le personnage principal à 8 ans. Kadija Leclere en parle comme d' “un talent brut comparable à un Stradivarius”.
Même avec ces quelques défauts, Le Sac de farine reste un film intéressant, rempli d'humanité, et la chronique délectable de ce village marocain soumis aux soubresauts du mécontentement social. À voir dans les salles marocaines dès le mercredi 16 avril. ("Le Sac de farine", de Kadija Leclere, est dans nos salles mercredi prochain. ).
11/4/2014, Mathieu Catinaud
Source : Aufait