jeudi 26 décembre 2024 19:44

Polémique sur la naturalisation française facilitée pour 200.000 immigrés âgés

Plus de 200.000 immigrés, 210.000 étrangers très précisément, installés en France sont concernés par une disposition législative en cours d'adoption, dont personne ne parle ou presque. On est loin des «quelques milliers de personnes» évoqués par les promoteurs de la disposition visant à faciliter l'accès à la naturalisation française pour les chibanis, (les «anciens», en arabe), ces immigrés installés de longue date dans l'Hexagone.

Le sujet devait être consensuel. Il devient explosif. La gauche pourrait bien avoir choisi, en effet, une voie périlleuse pour faire adopter un texte qui se veut généreux dans son principe. En cause: un amendement glissé subrepticement dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, adopté hier en première lecture à l'Assemblée nationale par un vote solennel, en attendant de passer devant le Sénat.

La disposition (article 28 bis) est censée présenter des garanties: «Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration (…), les personnes qui, âgées de soixante-cinq ans au moins, résident régulièrement et habituellement en France depuis au moins vingt-cinq ans et sont les ascendants directs d'un ressortissant français», stipule l'article en question. Le législateur fixe donc des conditions d'âge, et encadre également les conditions de résidence pour ces parents étrangers d'enfants français.

«L'archétype du détournement de procédure»

Mais voilà: du côté de l'UMP, on tique sur la méthode retenue. «Cette mesure est un cavalier législatif et n'a pas sa place dans le projet de loi portant adaptation de la société au vieillissement», met en garde le député des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti. Selon lui, «le sujet touche aux questions très sensibles de la nationalité, et devrait donc être traité dans un projet de loi portant sur ce thème. Il ne peut pas être évoqué par la voie d'un amendement déposé sur un projet de loi concernant la perte d'autonomie des personnes âgées et aurait mérité une approche plus globale.»

L'élu va plus loin: «Cette mesure modifie le code civil et la Commission des lois devrait être saisie, en liaison avec le Ministre de l'Intérieur, d'autant plus que celui-ci doit soumettre dans les prochains mois un projet de loi sur l'asile et l'immigration à la représentation nationale», assure-t-il. Éric Ciotti prévient même: «l'UMP ne manquera pas de faire un recours contre ce texte devant le Conseil constitutionnel». À l'entendre, «ce qui vient de se produire à l'Assemblée est l'archétype du détournement de procédure législative, un cavalier, pour faire adopter en catimini des dispositions qui mériteraient un examen approfondi, étant donné leur impact.»

Le député socialiste, Alexis Bachelay, qui rédigea en 2013 le rapport de la mission d'information sur les «immigrés âgés» qui justifie aujourd'hui cet article controversé, a estimé, pour sa part, dès son adoption en commission de lois, le 10 septembre dernier, que l'ouverture d'une nouvelle procédure de naturalisation constitue «une avancée importante» pour plus de 200.000 Chibanis. À ce jour, 140.000 ont déjà acquis la nationalité française. Sur les 350.000 immigrés d'un pays tiers à l'Union européenne et âgés de plus de 65 ans, 130.000 sont issus d'Algérie, 65.000 du Maroc, 40.000 de Tunisie.

Aucune étude d'impact sérieuse

Même si les membres de l'UMP associés à la mission Bachelay avaient entériné l'an dernier les conclusions de son rapport, ce parti d'opposition n'en demeure pas moins réservé sur les moyens employés par la gauche aujourd'hui pour faire passer cette mesure. «Légiférer sur des sujets extrêmement sensibles qui touchent à la nationalité» devrait passer par d'autres textes de lois et être traité avec le ministre de l'Intérieur, avait déclaré, le 10 septembre dernier, le député UMP Patrick Hetzel.

Son collègue Éric Ciotti renchérit: «Il n'existe aucune estimation chiffrée du coût de cette nouvelle mesure pour nos finances publiques, alors que le gouvernement exige tant d'efforts de la part des Français. Les déficits, notamment celui de la sécurité sociale, atteignent des records. Or, la majorité actuelle ouvre là de nouveaux droits à des étrangers sans aucune concertation, ni estimation préalable du coût pour la société française.»

Selon lui, «l'immigration non maîtrisée aboutit à la faillite progressive de notre modèle d'intégration et d'assimilation républicain. La France est aujourd'hui l'un des pays les plus généreux en matière d'acquisition de la nationalité, mais force est de constater que le consensus autour de cette générosité est aujourd'hui rompu.»

L'adoption de l'amendement Chibani ne répond, affirme-t-il, «ni à la volonté des Français (66 % des Français pensent qu'«il y a trop d'étrangers en France»), ni à ce qu'exige la rigueur dans la gestion des finances de l'État.» Le député ajoute: «Sur le fond, qu'on puisse donner la nationalité française à plus de 200.000 personnes, sans véritable débat, me choque profondément.» Une sérieuse polémique en vue pour une disposition dont les défenseurs prétendaient qu'elle avait une simple «portée symbolique».

18/09/201,  Jean-Marc Leclerc

Source : Le Figaro

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