lundi 25 novembre 2024 03:36

Les communautés africaines au cœur des changements universels

Cette édition du Salon international de l’édition et du livre (SIEL) se tient dans un contexte unique et inédit. Elle sera le premier évènement d’envergure internationale qu’abrite notre pays après deux ans de suspension due aux répercussions de la pandémie du Covid-19, avec une large affluence du public marocain et étranger. Une belle façon de célébrer l’inspirant succès du Royaume, sous la Direction Avisée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, à surmonter les entreprises les plus périlleuses insufflant une renaissance de la vie culturelle et intellectuelle marocaine, cette fois à partir de Rabat, ville lumière, capitale de la culture dans le monde islamique et capitale culturelle de l’Afrique, ce qui la qualifie exceptionnellement cette année à accueillir la plus grande manifestation culturelle du continent.
Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) a choisi d'axer sa participation à l'actuelle édition du SIEL sur le thème « l’Afrique aux yeux de ses communautés », dans l’objectif et avec la volonté de placer la question des migrations africaines au centre du débat sociétal et de l'actualité culturelle et intellectuelle de cet événement mondial qui a choisi cette année l'Afrique comme invitée d'honneur.


L’Afrique fait partie des thématiques prioritaires pour le CCME qui avait décidé, de par l’ancrage de l’affluent africain dans l’identité marocaine, de consacrer sa participation au SIEL de 2014 à l’Afrique, étant un continent aux sources de la mobilité humaine. En complément des acquis cumulés par les différents travaux entrepris en ce sens, le conseil entend approfondir le débat sur les défis contemporains de la migration africaine, notamment en Europe, dans le contexte des profondes mutations politiques et culturelles qui traversent ses sociétés ou la question migratoire, en l’occurrence africaine, devient un sujet de premier ordre, le pivot des conflits politiques et des programmes électoraux.
Les débats sur l'immigration en Europe ces dernières années témoignent de la domination du nationalisme en raison de la montée des vagues d'extrême-droite et de la renaissance des théories idéologiques conservatrices qui rejettent le pluralisme et prônent l'introversion comme mode d’emploi, faisant croire que les immigrés sont une menace pour l'existence et la culture des sociétés européennes en s'appuyant sur des arguments trompeurs et des données erronées qui ont pourtant été démenties par toutes les statistiques officielles des institutions internationales.
La migration est un bien ancien phénomène mais son traitement subit actuellement une amplification injustifiable. Si l’on se tient aux faits réels, les migrants ne constituent que 3,5% de la population mondiale, donc 96% des de cette dernière vivent dans les pays où ils sont nés. De plus, les migrants africains ne représentent que 14% des migrants dans le monde, une proportion bien moins importante que celles de la migration européenne (24%) et asiatique (41%), sachant que plus de 60% de la migration dans le continent est intra-africaine. Ainsi, adopter une approche objective et scientifique dans le traitement de la migration africaine, que ce soit lors des élections ou dans les débats médiatiques, constitue l’un des plus grands défis à surmonter.

D’autre part, une appréhension précise du phénomène migratoire nécessite d’approfondir la compréhension de plusieurs mutations qui y sont liées. La structure de la migration a connu une transformation radicale en termes de composition, puisqu’elle n’est plus entreprise uniquement par une main d’œuvre d’ouvriers en vue d’un retour aux pays d’origine, mais est devenue une migration enracinée qui a engendré des élites intellectuelles et scientifiques se hissant à des rangs bien élevés dans leurs domaines de compétence. Cette intelligentsia exprime alors des attentes qui dépassent les seuils des premières générations, son interaction sociale ne se limite plus aux services pour migrants ou travailleurs dans les pays d’accueil mais s’étend aux institutions de l’état puisqu’ils jouissent de la pleine citoyenneté et détiennent deux nationalités ou plus. Plus que cela, ces élites sont devenues à même d’élaborer des visions et théories questionnant les structures intellectuelles et philosophiques de l'État et de la société.
Aussi, aborder la question de l'immigration africaine ne peut se faire isolément de la problématique de notre époque, celle de la course internationale pour attirer les talents hautement qualifiés dans des domaines pointus comme la santé, l'ingénierie, l'agriculture et les technologies modernes. Une des problématiques modernes et complexes qui creusent aujourd’hui le fossé entre les pays développés et les pays en voie de développement menacés de perdre leurs compétences en raison des tentations et des possibilités d’ascension professionnelle et financière offertes par les pays du Nord.
Enfin, la pandémie du Covid-19 a également eu un impact profond sur le monde de la migration. Pour la première fois dans l'histoire contemporaine, les mouvements de personnes se heurtent aux mesures de fermeture dans tous les continents puisque presque tous les pays du monde ont imposé une quarantaine générale. Les immigrés en Europe ont vécu une période des plus difficiles car ils représentent l'un des groupes fragiles vulnérables, mais ces conditions d’une extrême difficulté ont surtout été l’occasion pour eux de faire valoir leur valeur ajoutée et d'affirmer que tous les composants de la société plurielle contribuent, chacun grâce à sa singularité, au destin de l'humanité. Les communautés immigrées travaillant dans des secteurs vitaux se sont retrouvées en première ligne pour fournir des services de base à la communauté de résidence, et soutenir matériellement et moralement les membres de leurs familles dans les pays d'origine, à travers des transferts financiers et des initiatives civiles intercontinentales.
Ces transformations et contractions vécues par la communauté immigrée, dont la communauté marocaine et toutes les communautés africaines, doivent être appréhendées selon une approche globale, scientifique et objective afin de comprendre la réalité migratoire contemporaine sous tous ses angles et anticiper les réponses aux enjeux et défis de l’avenir. Il faudra avant tout mesurer la richesse culturelle et intellectuelle que la migration africaine a produite et valoriser la contribution des migrants africains au développement, que ce soit dans les pays d'accueil ou dans les pays d'origine. Le but final est d’élaborer une vision unifiée impliquant tous les acteurs civils de la migration africaine afin de réussir le processus d'intégration et de coexistence et de changer les mentalités réductionnistes de certains groupes des sociétés occidentales.

A cet effet, le stand du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger vous propose, au Salon international de l'édition et du livre de Rabat, une programmation intellectuelle et culturelle riche et diversifiée sur divers aspects de la migration africaine, tout en présentant un ensemble important de publications récentes du Conseil sur plusieurs sujets liés à la migration. La programmation ne se limite pas uniquement à l’espace du stand mais s’étend à des activités culturelles et intellectuelles dans d’autres espaces, en partenariat avec des institutions académiques et d'organismes civiques, pour faire de notre participation à l'édition de cette année une contribution unique au rayonnement de Rabat, capitale des lumières.


Abdellah BOUSSOUF
Secrétaire général du CCME

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