jeudi 4 juillet 2024 16:15

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«Ça m’intéresse, c’est ma ville, c’est normal de participer»

Des habitants de Saint-Denis, Français, étrangers, ou bi-nationaux racontent leur vision du droit de vote.

A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un quart des 106 000 habitants est de nationalité étrangère. Ici, le droit de vote des étrangers aux élections locales, promesse que l'Elysée semble de moins en moins pressé de mettre en oeuvre, n’est pas une mesure anodine. Paroles de Dyonisiens, Français, étrangers ou bi-nationaux.

«Pour être comme mes enfants et pour pouvoir voter»

Larbi a 76 ans. Il a débarqué d’Algérie en France en 1952, à l’âge de 16 ans. Ses parents sont morts en France. Ses huit enfants y sont nés. Eux sont tous Français, comme ses petits enfants. Il y a une douzaine d’années, à l’heure de la retraite, Larbi a voulu demander la nationalité française. «Pour être comme mes enfants et pour pouvoir voter.» Avant, il n’y avait pas vraiment songé. Il est de cette génération qui a longtemps cru repartir un jour au pays. Mais Larbi n’a pas réussi à obtenir sa nationalité, il s’est perdu dans la paperasse et a fini par abandonner. Alors, il compte sur le droit de vote des étrangers. «Même si c’est que local, ça m’intéresse, c’est ma ville, c’est normal de participer.» Le jour où nous l’avons rencontré dans le centre-ville de Saint-Denis, Larbi était avec deux amis, Mohamed, 61 ans et Samir, 56 ans. Tous deux ont obtenu leur nationalité française et votent donc. Mohamed, comptable fraîchement retraité, l’a prise tardivement, à la cinquantaine, justement pour avoir le droit de vote. La promesse de François Hollande concernerait en revanche ses parents. «Ils sont âgés,  mais si c’est pour la mairie, je suis sûr qu’ils iraient voter.» Il ajoute: «Ce sont des gens que la France a ignoré toute leur vie. C’est bien de leur donner ce droit.» Mohamed dit avoir voté à la présidentielle en pensant à cette mesure, «même si ce n’est pas le plus important». «Le gouvernement recule sur beaucoup de chose. Mais ça, c’était quand même une promesse symbolique. S’ils ne la tiennent pas, ça sera mal pris.»

«On a promis ce petit bout de droit à des fins électoralistes»

Malika, 60 ans et sa fille Ryma, 32 ans, qui ont toute deux la double-nationalité française et algérienne, sont plus partagées sur cette promesse. «Je suis très mal à l’aise sur ce sujet, confie Malika. J’ai le sentiment qu’on a brandi une mesure symbolique, sans réellement demander aux personnes concernées ce qu’elles en pensaient. Je ne suis pas sûre que ce soit central pour les étrangers mais les socialistes ont toujours eu ce fantasme. Alors encore une fois, on a promis ce petit bout de droit, à des fins simplement électoralistes. C’était une carotte.» Elle n’est pas étonnée de voir la mesure à nouveau enterrée. Pourtant, si c’étaitvraiment le cas, «ce serait une belle saloperie, avec des contre coups qui risquent d’être nombreux». Ryma, sa fille, pense qu’au lieu de promettre un droit de vote aux élections locales, il aurait mieux valu «réfléchir à comment réellement impliquer les gens qui le souhaitent dans la politique de leur ville». Par ailleurs, pour elle, «le droit de vote des étrangers, c’est comme le mariage homo ou le débat sur le cannabis, on met ça sur la table pour ne pas parler des vrais problèmes». Elle redoute un retour du débat sur l’identité nationale. «On n’a pas voté François Hollande pour subir encore ça.»

«Ils voteront pour celui qui leur promettra des allocations»

Abdelkader, qui vit depuis plus quarante ans en France, ne veut pas entendre parler du droit du vote des étrangers. «Pour voter, faut prendre la nationalité. Un point c’est tout. Sinon, on donne le droit de vote à n’importe qui.» Cet immigré algérien a la nationalité française de longue date. Et c’est important pour lui. «Je suis Français, mes enfants sont Français», répète-t-il. Abdelkader a un discours assez définitif sur les immigrés arrivés récemment en France : «Ils veulent des allocations. Si on leur donne le droit de vote, ils voteront pour celui qui leur promettra des allocations. C’est dangereux.» Il trouve qu’il y a en France trop d’étrangers, trop d’insécurité, trop de laxisme, pas assez d’éducation. Il fait un lien entre tout cela. Il pourrait être électeur du FN, il a pourtant voté à gauche, par principe et habitude. Mais peut-être pour la dernière fois. Car il y a pour ce retraité  «pire» que le droit de vote des étrangers : «le mariage homosexuel».

19 octobre 2012, Alice Géraud

Source : Libération

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