jeudi 28 novembre 2024 18:36

A l'occasion d'Expolangues, qui se tient du 2 au 5 février 2011 à Paris, Le ministère de la Culture et de la Communication,  délégation générale à la langue française et aux langues de France, organise des conférences sur la langue arabe en France…Suite

Le livre sur les mosquées en Europe que vient de publier en italien, le sociologue italien Stefano Allievi, tente d'expliquer "la singularité" de l'islam par rapport aux autres cultes religieux en Europe.

Dans ce livre "La guerre des mosquées. L'Europe et les défis du pluralisme religieux", Stefano Allievi, professeur de sociologie à l'université de Padoue, affirme que ces espaces de prière pour les musulmans sont sources de conflits partout dans le vieux continent.

"La mosquée est la pomme de discorde entre les musulmans qui ont immigré en Europe d'une part, et entre les institutions européennes et les citoyens de l'autre", estime l'universitaire, relevant que "la construction de nouvelles mosquées pose problème, en plus de celui lié à la gestion des mosquées qui existent déjà depuis des années".

"Partout en Europe, la question des mosquées s'accompagne de conflits, de débats, de prises de position. Mais l'islam n'est pas juste un minaret ou une salle de prière. C'est aussi le voile, le boucher halal, le fidèle qui s'agenouille sur un morceau de carton dans la rue en se tournant vers la Mecque pour faire sa prière", écrit l'auteur dans l'introduction du livre.

L'islam est un mode de vie et, par conséquent, il est l'objet de de débats et de luttes politiques et culturelles, d'où la difficulté, selon l'universitaire, de dépasser la question des mosquées.

Le mérite de ce livre est de fournir "une cartographie rigoureuse" des mosquées en Europe et "une analyse comparative" de la présence des musulmans dans 15 pays européens où la communauté est la plus répandue.

L'auteur, cité par l'agence de presse Ansamed, dira à cet égard, qu'en Europe vivent plus de 16,7 millions de musulmans, pour un total de près de 11.000 mosquées, affirmant avoir pensé découvrir des chiffres nettement moins importants.

"Le recensement de ces statistiques a été une tache ardue, mais elles nous permettent de mieux connaître la réalité de l'islam en Europe", a-t-il affirmé.

Il relève, à titre d'exemple, qu'en Autriche, et en dépit d'une présence musulmane "paisible", il y a aujourd'hui, dans ce pays, "des discussions et des désaccords dans le débat public'', à propos de cette présence.

"Cela a été vu avec le référendum en Suisse en 2009, pour empêcher la construction de minarets", a-t-il fait remarquer, estimant que dans le vieux continent, le culte musulman est frappé du sceau de "l'exceptionnalisme".
Il relève qu'on a tendance à considérer l'islam comme "un cas exceptionnel, non-standardisé, pas comparable à d'autres religions, qui n'est pas inclus dans le pluralisme religieux''.

L'auteur aborde aussi la notion d'islamophobie pour constater que chaque pays, de l'Italie (où les musulmans sont un million et où il y a trois mosquées reconnues) à l'Espagne, la Grèce, la Bosnie, la Suisse, l'Autriche, de la France à l'Allemagne, la Belgique, la Hollande, la Grande-Bretagne, la Suède et d'autres pays d'Europe du Nord, avait sa "propre manière" de l'exprimer.

En bref, et du fait de l'islamophobie, les musulmans en Europe "ne jouissent pas de la liberté de culte", conclut-il.

Source : APS

Finlande, Danemark, Allemagne : les uns après les autres, les Etats européens suspendent les renvois de réfugiés vers la Grèce à la suite d'une décision de justice qui contraint l'UE à reconsidérer ses règles en matière de traitement des demandes d'asile.

La Cour européenne des droits de l'homme a fait souffler un vent de panique en condamnant vendredi la Belgique à verser 20.000 euros à titre de dédommagement à un demandeur d'asile afghan renvoyé en Grèce conformément à une réglementation de l'Union européenne, dite "Dublin II" : celle-ci prévoit que toute demande d'asile soit examinée dans le premier pays d'accueil dans l'Union européenne.

La Cour a fondé sa décision sur le fait que les demandeurs d'asile sont systématiquement placés en détention en Grèce et sont souvent brutalisés par la police. En outre, très peu de demandes aboutissent.

La décision fait désormais jurisprudence et tous les demandeurs d'asile renvoyés en Grèce par d'autres pays européens en vertu de la réglementation sont pratiquement assurés d'avoir gain de cause s'ils saisissent la justice.

En ordre dispersé, les Etats de l'UE décident en conséquence de traiter les demandes incombant normalement à la Grèce.

"Les gouvernements ont la trouille, car des milliers de plaintes pourraient être déposées", a commenté lundi un responsable européen sous couvert de l'anonymat.

Après le Danemark dimanche, la Finlande a renoncé lundi à renvoyer les demandeurs d'asile arrivés sur son territoire via la Grèce. La Suède avait pris les devants en novembre 2010.

L'Allemagne avait suivi, en décidant de suspendre les renvois pendant un an. L'Autriche a pour sa part vu sa marge de manoeuvre en matière de renvois limitée par la Cour Constitutionnelle.

"Beaucoup d'autres pays devraient suivre", a prédit le responsable européen.

La Grèce se frotte les mains d'être ainsi soulagée. La secrétaire d'Etat chargée de l'Immigration, Anna Dalaras, a salué lundi l'"approche positive" des partenaires européens sur "la question de la levée de Dublin II".

Avec des dizaines de milliers d'Afghans ou d'Irakiens entrés ces dernières années par la Turquie voisine, le pays s'estime exposé à une charge disproportionnée en matière d'asile et veut remettre en cause la règle actuelle.

La Commission européenne voit ce mouvement conforter aussi sa position. Depuis des mois, elle propose en effet aux gouvernements de réviser les accords de Dublin, mais se heurte au refus de la majorité des Etats, conduits par l'Allemagne et la France.

"La Commission a proposé un mécanisme d'urgence" permettant de suspendre les renvois de demandeurs d'asile dans le pays où ils sont entrés dans l'UE lorsque ce pays est confronté à des difficultés, notamment des afflux massifs, a estimé Cecilia Malmström, commissaire européenne chargée du dossier.

Selon l'Agence européenne de surveillance des frontières extérieures (Frontex), plus des trois quarts des 40.977 personnes interceptées au cours du premier semestre 2010 sont entrées via la Grèce en provenance de Turquie.

Le refus de toute dérogation à la règle du traitement des demandes dans le premier pays de passage bloque aussi depuis un an l'ambitieux projet de doter l'UE d'un régime commun pour le droit d'asile à l'horizon 2012.

"On va voir ce que les Etats vont décider. Maintenant ils ne peuvent plus s'en laver les mains en renvoyant les demandeurs arrivés par la Grèce", a souligné le responsable européen.

L'UE a enregistré près de 250.000 demandes d'asile entre juillet 2009 et septembre 2010. Plus de la moitié -183.000- ont été déposées dans six pays : Allemagne, France, Suède, Belgique, Royaume-Uni et Pays-Bas.

24.01.11

Source : Le Monde/ AFP

Et si penser l'étranger comme un archétype n'était qu'une grossière erreur ? Déjà dans un,essai qui remettait en cause la vision que les Occidentaux ont de l'islam, tissu de représentations qui ignorent la diversité dans le temps et dans l'espace d'une réalité travestie par des enjeuxgéopolitiques, Saber Mansouri avait dénoncé le péril pour l'intelligence de ces réductions qui, depuis le

11 septembre et l'affaire des caricatures de Mahomet, fixent une vulgate aveugle (L'Islam confisqué. Manifeste pour un sujet libéré, Sindbad, 2010).

Elève de Pierre Vidal-Naquet, cet helléniste et arabisant, né à Nefza (Tunisie) il y a quarante ans, a  ainsi déjà remis en cause bien des lieux communs. En tant qu'éditeur, il a lancé chez Fayard la collection « Maktaba » en 2003, destinée à faire connaître des textes inédits de la culture arabo-musulmane.

La ministre de l'apprentissage se félicite de la baisse de l'immigration régulière en France. Sauf que ses chiffres datent d'un an, et que l'octroi des titres de séjour est à la hausse depuis.

«Le nombre de titres de séjour a baissé de près de 4%. […] S’agissant du regroupement familial, il y a un recul de plus de 12%. On est dans une gestion de l’immigration responsable, humaine et choisie.»

INTOX

Face aux discours du Front national, le gouvernement entend opposer son action concrète. Un argumentaire studieusement déroulé le 19 janvier, sur France 2, par Nadine Morano, ministre de l’Apprentissage, sur le terrain favori du Front national, l’immigration : «Face aux incantations [de Marine Le Pen, ndlr], il faut de l’action. Moi, je suis membre du gouvernement, je suis là pour agir et répondre concrètement à des situations. Je vois que le nombre de titres de séjour, je parle d’immigration régulière, a baissé de près de 4%, j’observe aussi que, s’agissant du regroupement familial, il y a un recul de plus de 12%. Donc on est dans une gestion de l’immigration responsable, humaine et choisie.» Une déclaration qui a suscité une réponse immédiate de Marine Le Pen, accusant Nadine Morano de mensonges : «En 2010, le nombre de titres de séjour accordés à des étrangers en France a très fortement augmenté par rapport à 2009 : 182 000 sur les onze premiers mois de l’année, soit près de 200 000 en un an. Cette évolution représente une hausse de 1%, et non une baisse de 4%.»

DESINTOX

Avant d’arbitrer la querelle statistique, notons la première victoire du FN, qui a réussi à imposer sa lecture des chiffres de l’immigration, selon laquelle le recul de l’immigration - même régulière - est en soi la preuve d’une action efficace. Concernant les chiffres eux-mêmes, l’explication de la divergence est aisée à trouver : les chiffres de Nadine Morano sont exacts, mais périmés. Ils correspondent à ceux qui avaient été annoncés il y a un an, le 18 janvier 2010, par l’ex-ministre de l’immigration, Eric Besson. En 2009, le nombre de titres de séjour (qui agrège immigration étudiante, familiale et professionnelle, ainsi que les réfugiés) s’était élevé à 173 991, soit un recul de 3,7% par rapport à 2008. Cette baisse avait été mise en partie sur le compte de la crise économique. Morano s’est-elle réfugiée dans de vieilles statistiques pour nourrir son argumentaire face au FN ? «Non, ce sont les derniers chiffres consolidés. Les chiffres de 2010 ne sont pas disponibles», dit-on au cabinet de la ministre. Ce qui est inexact.

En août, le ministère de l’Immigration a publié des chiffres consolidés pour le premier semestre 2010. Lesquels sont en nette hausse, l’octroi des titres de séjour ayant progressé de 8,3% par rapport au premier semestre 2009. Une hausse due en grande partie à la progression du nombre d’étudiants étrangers. La tendance a été confirmée mi-septembre par Eric Besson, qui annonçait sur les huit premiers mois de 2010 une progression de 9,7% des titres de séjour (122 246 contre 111 393 en 2009). Enfin, début janvier, la presse a publié les données des onze premiers mois de 2010 - chiffres que reprend le FN -, toujours en nette hausse avec 182 000 titres de séjour. Bref, les chiffres que Morano salue comme la preuve de l’action gouvernementale ne traduisent guère la dynamique actuelle. A l’inverse, le FN, trop pressé d’exploiter son thème favori, va un peu trop vite. Les 200 000 titres de séjour sur l’année 2010 que cite Marine Le Pen sont une extrapolation sur la base des données non encore consolidées des onze premiers mois. Il faudra attendre pour confirmation les statistiques définitives.

Source : Libération.fr

Sous un soleil de plomb, Victor, 20 ans,  enjambe la voie ferrée qui traverse la petiteville d'Arriaga, au sud-ouest du Mexique."

J'attends le train de marchandises qui me transportera jusqu 'à la frontière américaine Il, lâche ce jeune Hondurien en réajustant la sangle de son vieux sac à dos…Suite

Maquillé et perruqué, le journaliste allemand Günter Wallraff a pris l’identité de Kwami Ogonno, un immigré somalien vivant en Allemagne. Pour son film, il a travaillé avec une caméra cachée et un réalisateur le suivant à distance.

Après avoir connu la célébrité avec «Tête de Turc», Günter Wallraff a vécu un an dans la peau d’un Somalien en Allemagne. Il en a tiré un film choc sur le racisme.

Kwami Ogonno est un immigré somalien vivant en Allemagne. Parce qu’il cherche un appartement, un boulot, une place de camping ou juste parce qu’il invite une femme à danser, il subit toutes les formes du racisme ordinaire. Les yeux qui se baissent, le rejet, les refus, les insultes. Il est même passé à un cheveu d’être lynché.

Sauf qu’Ogonno n’existe pas: c’est un personnage campé par Günter Wallraff. Sous la teinture et la perruque se cache ce journaliste allemand qui a connu la célébrité dans les années 1980 avec son livre «Tête de Turc». Grimé en ouvrier, il avait vécu et raconté les brimades et terribles conditions de travail de la communauté exilée.

Günter Wallraff n’a en fait jamais cessé de pratiquer ses enquêtes sous couverture, en infiltration, empruntant des identités pour dénoncer les conditions de vie des plus démunis. Mais en se muant en Kwami Ogonno, il a frappé un grand coup, travaillant un an durant avec une caméra cachée et un réalisateur le suivant à distance. Le résultat, «Noir sur blanc», est sorti en 2009 en Allemagne. Et diffusé ce soir sur Arte.

Le film a frappé les spectateurs. Et suscité la polémique. Parce que, pour ses détracteurs, Wallraff campe un personnage caricatural qui se met dans des situations improbables. Ou parce que le journaliste ne tend jamais le micro à des vrais Somaliens vivant en Allemagne.

Wallraff ne semble pas s’en préoccuper. Il poursuit son travail de militant. Continue à se déguiser pour raconter, intimement, le vécu des exploités ou rejetés. Joint hier par téléphone, il se dit fier d’avoir fait des émules. Comme la Française Florence Aubenas, qui a partagé la vie de femmes de ménage travaillant sur un ferry. Ou l’Italien Fabrizio Gatti, qui s’est mêlé à des immigrants africains. Interview.

Günter Wallraff, qu’est-ce qui vous a le plus surpris durant votre enquête?

Que ce qui reste déterminant dans le racisme, c’est la couleur de peau.

Quelle a été la pire situation dans laquelle vous vous êtes retrouvé?

De manière générale, les réactions sont plus violentes en ex-Allemagne de l’Est. A Dresde, dans un train, j’ai vraiment eu peur pour ma vie. J’étais le seul Noir d’un wagon face à des hooligans toujours plus agressifs. Il a fallu que la police intervienne. A l’Ouest, le racisme est verbal, moins physique.

Au quotidien, à quoi ressemble le racisme ordinaire?

Les menaces sont permanentes et les refus sont partout, que ce soit pour un appartement ou pour un emploi.

Ceux qui se montrent hostiles envers vous n’ont pas demandé à être floutés à l’écran, comment est-ce possible?

Leur réaction a été de dire à leurs copains qu’ils passaient à la télé! Ils sont fiers de se prendre pour des acteurs…

Pensez-vous que le racisme augmente?

Disons qu’il n’est pas toujours dirigé contre les mêmes communautés. Depuis la parution de mon livre «Tête de Turc», dans les années 1980, les mentalités ont évolué. En Allemagne, les Turcs sont maintenant par exemple socialement bien établis.

Pensez-vous que le «niveau de racisme» est égal partout en Europe?

En Autriche comme en Allemagne, oui, mais pas à Londres, où les Noirs ne rencontrent aucun problème dans la vie quotidienne. Cette normalité doit aussi exister dans des villes suisses au rayonnement international, comme Genève ou Zurich.

Vous ne cessez de dénoncer le racisme. Mais il y a bien dû avoir aussi des gens sympas avec vous lorsque vous étiez grimé?
Mais oui. A Munich, un homme s’est interposé alors que j’étais pris à partie dans un restaurant. Mais c’était un étranger qui avait connu les mêmes difficultés d’intégration.

Au final, avec toutes vos enquêtes sous couverture, ne donnez-vous pas l’impression que nous sommes tous xénophobes?

En aucun cas! Ce n’est en tout cas pas mon intention. J’affirme même que la majorité de la population n’est pas raciste: sa vision est internationale et elle n’a que faire du nationalisme. Ce qui n’empêche pas qu’il existe une minorité puissante qui sait se faire entendre.

Depuis des décennies, vous vous glissez dans la peau d’étrangers, de démunis, de petits. Et dressez toujours un constat terrible. N’est-ce pas déprimant?

J’ai 68 ans, mais avec ma perruque, j’en faisais 20 de moins, pas de quoi déprimer! Sérieusement, ce rôle m’a fait entrer dans un autre monde. En sortir implique pour moi six à sept semaines de cauchemars, mais pour améliorer l’intégration, j’accepte de mettre ma vie en jeu. Et ma satisfaction, c’est aussi d’avoir fait des émules, que ce soit en France et en Italie.

Source : Le Matin.ch

Malgré les politiques de quotas, la répression liée aux suites du 11 septembre et l’inaction de Barack Obama, les immigrés illégaux ont plus de facilités pour vivre et travailler aux États-Unis que dans certains pays d’Europe. Originaires du Mexique, d’Afrique ou d’Europe de l’Est, de nombreux migrants arrivent chaque année pour fuir la pauvreté. REPORTAGE.
La silhouette d’Ali * se dessine dans l’encoignure de la porte arriè­re de l’épicerie « C’est bon chez convé­nience », à Staten Island, face à Manhattan. Son collègue Ahmed * trépigne. Il est midi passé et l’homme attend pour aller se coucher. Son service de douze heures s’est achevé il y a une vingtaine de minutes et le sommeil le tiraille. Originaire du Yémen, Ahmed est arrivé aux États-Unis il y a un peu plus de cinq ans.

RÊVE AMÉRICAIN
Au début, il est venu comme beaucoup d’immigrés avec un visa de trois mois, juste le temps de se faire un peu d’argent. Puis les mois et les saisons ont passé et Ahmed est resté. Son visa ayant expiré, l’homme est aujourd’hui considéré comme un immigrant illégal.

« La notion de rêve américain fascine les étrangers dont le niveau de vie dans leur pays est relativement faible, analyse James Griffin, professeur de droit à l’Université du Michigan aux États-Unis. Tout le monde peut travailler, avec ou sans papiers. Les salaires sont souvent bien supérieurs à ceux que ces hommes pourraient gagner chez eux. »

Impatient de gagner son lit, Ahmed échange brièvement quelques mots avec son compatriote avant de lui remettre les clés de la caisse. Enfin seul, Ali tourne machinalement le bouton de la radio Al-Jazeerah et sourit.

Derrière une apparence sereine, certaines blessures du passé ne semblent pas cicatrisées. « À Sana’a, au Yémen, la vie était difficile. Nous vivions dans une petite maison avec mes parents, ma femme et mes neuf enfants. Mon maigre salaire ne me permettait pas de tous les nourrir, explique-t-il. Grâce à l’argent que je gagne ici, mes enfants peuvent désormais aller à l’école et ma famille a pu déménager dans une maison plus grande. »

Ahmed et Ali cohabitent dans une petite piè­ce, sans confort ni sanitaires, à l’arrière du ma­gasin. Le patron, « un Égyp­tien honnête », comme le définit Ali, prélève aux deux hommes 100 dollars par semaine sur leur salaire pour le loyer.

« Cette situation est provisoire, assure Ali qui tente lui-même de se convaincre. Nous allons très vite repartir. » En attendant ce jour, les deux hommes travaillent dou­ze heures par jour, sept jours par se­mai­ne, sans repos, ni congés pour 2 000 dollars à la fin du mois. Ils vivent sobrement, pas ou peu de sorties, à l’exception de quelques compatriotes avec lesquels ils se retrouvent pour fumer.

César *, un jeune Mexicain de 27 ans, est arrivé aux États-Unis il y a six ans. Extrêmement méfiant, le jeune homme ne s’étend guère sur sa situation de clandestin ( il ne possède aucun permis d’entrée ). Intendant dans un immeuble, il travaille six jours et demi par semaine, entre dix et douze heures par jour.

Il occupe une petite chambre sans fenêtre dans le sous-sol de l’immeuble et sous-loue son lit à Iban*, un jeune cubain qui travaille la nuit dans un restaurant. La salle-de-bain et la cuisine sont sur le palier. César envisage de se marier pour obtenir des papiers. Un mariage blanc qui n’est pas du goût de ses parents restés au Mexique.

« C’est une fille de ma communauté. Elle est très belle, mais elle ne veut pas réellement de moi. Elle fait cela pour l’argent », raconte César un brin complexé. Sa mère lui a défendu d’épouser cette femme qu’elle qualifie de « prostituée ». Tiraillé entre la nécessité de régulariser sa situation et la volonté familiale, le jeune homme ne veut pas être puni par « le Dieu de ses parents », celui qui a, selon lui, protégé sa vie jusque-là.

À l’âge de 21 ans, César a franchi, à pied et de nuit, la frontière qui sépare son pays des États-Unis. « Dieu m’a protégé, confie-t-il. Il m’a permis d’arriver ici et de trouver un travail pour nourrir ma famille. Je crois qu’il est là pour les clandestins. »

Anita * n’a pas eu la chance de César. La jeune femme a été arrêtée, en août dernier, au volant de son véhicule dans la banlieue de Washington. Originaire du Mexique, elle est arrivée avec ses parents à l’âge de cinq ans. Âgée aujourd’hui de 27 ans, elle ne se souvient ni de son pays, ni de sa langue maternelle qu’elle refusait de parler avec ses parents.

Diplômée de sociologie et extrêmement impliquée dans l’église catholique de Washington, Anita a ouvert, il y a quelques mois et avec l’appui de sa paroisse, un centre d’aide chrétien pour les illégaux. « Qu’elles soient catholiques ou protestantes, les Églises soutiennent les étrangers sans papiers, explique James Griffin. Outre les besoins de première nécessité, beaucoup d’églises mettent à la disposition des illégaux des logements et des services d’assistance juridique. »

MOBILISATION

Après l’arrestation d’Ani­ta et sa condamnation à quitter le territoire trois mois plus tard, plusieurs églises de Washington et de New York (où la jeune femme travaillait deux jours par semaine) se sont mobilisées pour lui venir en aide. « Malgré toutes nos prières et les appels répétés de l’Égli­se et de ses membres aux autorités locales, Anita a quitté le territoire fin octobre », précise Marie *.

Les deux femmes se sont rencontrées lors d’un week-end spirituel dans le Nord de l’État de New York. « L’Église perd un membre actif et notre communauté une amie de foi, témoigne Marie. Lors de notre dernier échange par mails, Anita me faisait part de sa difficulté à vivre dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Elle me disait qu’elle ne se sentait pas prête à tout reconstruire. Mais c’est une jeune fille intelligente et extrêmement forte et toutes nos prières l’accompagnent. »

Éva Patterson est depuis dix ans avocate spécialiste des questions d’immigration. Elle dénonce l’échec des pouvoirs publics face aux sans-papiers. « La plupart des immigrés travaillent et sont pleinement intégrés dans la société américaine », précise-t-elle.

Il y a quelques mois, elle a sauvé Lejla, une jeune femme de 34 ans originaire de Bosnie, qui est arrivée aux États-Unis avant les attentats du 11 septembre 2001. « J’étais venue ici pour travailler et étudier, devenir un jour avocate », raconte Lejla.

Son rêve a viré au cauchemar lorsque faute de papiers la jeune fille a opté pour un mariage blanc. « Beaucoup de personnes ont recours à ce type de contrat, précise l’avocate. Moyennant une importante somme d’argent, les étrangers sans papiers obtiennent à l’issue de leur union et dans un délai allant de un à cinq ans, une carte de ré­sident permanent. Ça ressemble un peu au film Green Card avec Gérard Depardieu et Andie MacDowell, sauf que ça ne finit pas toujours aussi bien. »

MARIAGE BLANC

Lejla s’est mariée en 2006 en échange de 15 000 dollars. Au début, tout se passait bien. En compa­gnie de sa jeune épou­se, le faux mari américain se rendait au tribunal une fois tous les deux mois pour son rendez-vous avec la juge chargée des questions d’immigration.
« Chacun vivait de son côté et tout allait bien », raconte-t-elle. Toutefois, « après deux ans de procédure, face à la lenteur bureaucratique et aux questions souvent soupçonneuses de la juge, mon faux mari a commencé à s’impatienter, puis à paniquer. Il me réclamait plus d’argent, beaucoup plus d’argent. »

Lejla, alors standardiste dans une agence d’assurance, a multiplié les petits boulots le soir et le matin. « Ne pouvant plus payer, il a commencé à être violent, très violent… » Les sanglots étouffent la voix de Lejla. Son avocate poursuit le récit. « Lorsqu’il a commencé à l’agresser sexuellement, Lejla a fini par se rendre à la police. Malgré les menaces répétées de son mari qui lui disait qu’elle irait à Guantanamo, à cause de sa foi musulmane, Lejla n’a pas cédé. Elle a été très courageuse. Dans ce pays, beaucoup trop de personnes jouent avec la peur des immigrants illégaux. »

Éva Patterson regrette que malgré ses promesses, Barack Obama tarde à s’atteler à ce dossier (Lire ici). « Les mariages blancs sont extrêmement dangereux. Personne ne connaît les réelles raisons qui poussent un citoyen américain à se marier avec des étrangers sans papiers », précise l’avocate qui réclame une loi pour protéger les immigrés sans papiers. Lejla, qui possède des papiers en règle, envisage de devenir avocate comme celle qui lui a « redonné le sourire ».

Éva Patterson est arrivée de Hongrie à l’âge de 20 ans. Elle aussi, elle a choisi de se marier pour pouvoir étudier et obtenir des papiers. Il y a quelques mois, elle a succombé au charme d’Alejandre *, un Kosovar de 45 ans.

« Il est venu me demander de l’aide. Il m’a raconté sa vie, ses parents malades, son statut de médecin à Pristina, puis la guerre et sa fuite aux États-Unis. Il est ici depuis dix-sept ans, je n’ai pourtant rien pu faire pour lui. Avant les attentats du 11 septembre, certains illégaux obtenaient des permis de séjour après avoir passé dix ans illégalement sur le sol américain. Aujourd’hui les lois se sont durcies », explique-t-elle.

Alejandre travaille la nuit comme garde malade dans un grand hôpital new yorkais et le jour comme chauffeur de taxi. Il dort peu, économise tout son argent qu’il envoie à ses parents et rêve du jour où il n’aura plus besoin de se cacher pour éviter les contrôles d’identité.

Il y a quelques se­maines, Alejandre a appris que sa mère était mourante. Il a décidé de quitter les États-Unis pour tenir, une dernière fois dans ses bras celle qui lui a donné la vie. Malgré l’amour qu’elle porte à cet homme, Eva a refusé de le suivre. « J’ai tout sacrifié pour en arriver là où je suis aujourd’hui. Je ne me suis pas sentie prête. Alejandre est parti et il lui est interdit de revenir sur le territoire américain pendant les dix prochaines années », conclut celle qui envisage de tout quitter pour le retrouver.
Comme beaucoup d’hommes originaires du Moyen-Orient, Hassan * travaille pour une épicerie dans un quartier de Brooklyn. Âgé d’une quarantaine d’années, l’homme se définit comme apatride.

« Je suis Palestinien, né sans terre, ni nationalité. J’ai grandi dans un camp de réfugiés en Jordanie. J’ai passé mon enfance dans cet endroit tenu par l’ONU, j’y ai rencontré mon épouse et nous avons eu cinq enfants. Il fallait des papiers pour entrer et sortir et des autorisations pour obtenir des aliments », confie l’homme.

Il y a cinq ans, Hassan a choisi de quitter son pays et sa famille pour venir s’installer clandestinement aux États-Unis. Arrivé légalement avec un visa de six mois, il n’est jamais reparti. « J’ai préféré l’illégalité américaine à la vie forcée qui se jouait dans les camps », avoue-t-il, arborant un sourire malgré les difficultés.

ASILE
Hassan travaille quatorze heures par jour pour quatre cents dollars par semaine. Grâce au soutien d’un ami palestinien et d’un avocat israélien, il a bien tenté de régulariser sa situation en demandant l’asile politique. Faute d’une réelle nationalité palestinienne et possédant des papiers jordaniens, sa demande a été rejetée.

L’été dernier sa famille est venue lui rendre visite. Son épouse a laissé à Hassan leur fils aîné de 15 ans. Sa vie a alors changé. Il s’est senti moins seul, même s’il reconnaît que les premières semaines avec l’adolescent, qu’il n’avait pas vu depuis longtemps, n’ont pas été faciles.

« Je commence le matin à 7 heures et finis le soir à 21 heures. Je sais d’où je viens et je ne voulais pas que mon fils soit illettré comme ses parents. » Il y a quelques semaines, Hassan a pris la décision de faire venir son deuxième fils de 13 ans.

« Il est extrêmement difficile pour mon épouse d’élever nos enfants dans le camps, surtout depuis que je suis parti. Et puis, je préfère que mes enfants aillent à l’école, même illégalement, plutôt que de traîner toute la journée dans le camp », confie celui qui va devoir augmenter son temps de travail pour l’éducation de ses deux enfants.

Hassan rêve du jour où il fera venir toute sa famille. « D’ici là, dit-il en levant les mains vers le ciel, Obama aura réformé l’immigration, inch' Allah. »

Par Vanessa Gondouin-Haustein

Source : Témoignage chrétien

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