L'auteur belgo-marocaine, Yamila Idrissi, dont le livre-témoignage "C'est par l'autre que l'on se connaît soi-même" a été présenté lors du 16è Salon international de l'édition et du livre (SIEL), affirme "écrire pour donner de l'espoir aux jeunes générations issues de l'immigration en Belgique".
Dans un entretien à la MAP, cette avocate et parlementaire, précise que le message qu'elle souhaite véhiculer à travers cet ouvrage, écrit conjointement avec la journaliste belge, Tessa Vermerein, est que le processus d'émancipation d'une femme, issue d'un milieu très défavorisé, est entravé par les circonstances socio-économiques, et non pas par la tradition ou la culture.
Yamila et Tessa, deux femmes que tout semble séparer de prime abord, se rencontrent et parlent de leur trajectoire personnelle d'ascension sociale. "On a découvert beaucoup de parallèles et de similitudes entre nos deux vies respectives", souligne l'auteur, précisant que Tessa Vermerein est issue d'une famille ouvrière flamande et qu'elle-même, vient d'une famille d'émigrés venus s'installer en Belgique dans les années 60.
Partageant la même fougue et la même rage de réussir, chacune des deux auteurs raconte son histoire, son combat pour l'égalité des chances, son engagement dans la vie politique et sa bataille pour défendre ses convictions.
L'idée du livre, explique Yamila Idrissi, est venue après une interview avec Tessa Vermerein. Les deux jeunes femmes réalisent lors de leurs conversations ultérieures qu'elles partagent un même objectif, celui de démontrer aux jeunes belges issus de l'immigration, à travers le récit de leur propre histoire, que l'on peut parvenir à la réussite et la reconnaissance de l'autre. Et c'est ainsi que le livre est né, dit-elle.
"Le 15 novembre 2003, je prête serment en tant que membre du Parlement bruxellois et flamand (...). Je vis dans l'angoisse et n'en dors pas la nuit. J'ignore tout du fonctionnement interne des institutions. Ce que je sais, c'est que je veux y imprimer mon empreinte. Pleine de fougue, je me lance sur les plus farouches de mes convictions: l'emploi et l'égalité des chances", lit-on dans "C'est par l'autre que l'on se connaît soi-même", une ode au combat des préjugés et stéréotypes qui vouaient ces deux femmes à une "mort sociale".
"Mon cadre de référence est très large", explique Yamila Idrissi qui ne veut pas être cloisonnée dans une identité de flamande ou d'origine marocaine, de juriste, de politicienne ou de femme mais tout cela à la fois. Tessa Vermeiren a, quant à elle, travaillé pour diverses maisons d'édition et journaux belges. Elle a été, jusqu'en 2008, rédactrice en chef et directrice de la publication de Knack Weekend. Elle est aussi présidente de Telenet, dont la mission est de contribuer à la réduction de la fracture numérique, en particulier, auprès des jeunes issus de famille défavorisées.
"C'est par l'autre que l'on se connaît soi-même", traduit au français grâce au concours du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME) et le ministère chargé de la communauté Marocaine Résidant à l'Etranger, a été publié aux éditions Le Fennec. La présentation de ce livre témoignage a eu lieu en présence de l'ambassadeur de Belgique au Maroc et du consul général de Belgique à Casablanca.
Source : MAP
Les "Ecritures pionnières", est le thème de la table ronde organisée, mardi soir à Casablanca, dans le cadre du programme culturel de la 16ème édition du Salon international de l'Edition et du Livre (SIEL).
Ce fut l'occasion pour Abdellatif Laabi, Abdelwahab Meddeb, Colette Fellous, Anouar Benmalek et Leila Houari, d'évoquer des tranches de leur parcours littéraire et de leurs expériences en relation avec la génération d'écrivains pionniers maghrébins d'expression française dont Ahmed Sefriou, Kateb Yassine, Driss Chraibi, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib et autres.
Ces pionniers ont constitué un phare pour la littérature maghrébine, en ce sens qu'ils ont forgé le destin d'autres générations d'écrivains, a-t-on estimé, relevant que la multiplicité linguistique et culturelle constitue une richesse immense de l'Afrique du Nord.
De ce fait, a-t-on ajouté, la vitalité de la littérature maghrébine d'expression française n'est plus à démontrer, une littérature qui est devenue, plus que jamais, majeure et transfrontalière.
L'apport des écrivains maghrébins de l'immigration a été également souligné, notamment en ouvrant de nouvelles perspectives aux auteurs.
Cette rencontre a aussi permis un échange de vues entre ces créateurs et un parterre de public passionné de littérature et de poésie autour de questions liées à l'identité, aux exils, intérieur et extérieur, à la communauté en rapport avec les autres communautés, à l'appartenance linguistique, la dépendance, l'originalité, l'authenticité ou encore l'universalité.
La rencontre a été, par ailleurs, agrémentée par des lectures d'extraits de livres d'Abdellatif Laabi, Anouar Benmalek et Leila Houari.
Source : MAP
Une collection inédite de traductions et de publications d'écrivains marocains établis à l'étranger a été publiée, à l'occasion de la 16-ème édition du Salon International de l'Edition et du Livre qui se poursuit jusqu'au 21 février et qui rend hommage aux marocains du monde.
-ES : Fadwa El Ghazi-
Ces publications ont été publiées à l'initiative du Conseil de la communauté marocaine de l'étranger (CCME) et le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, en co-édition avec les maisons d'éditions "La Croisée des Chemins", "Le Fennec", et "Marsam".
Pour les publications traduites du français à l'arabe, il s'agit des ouvrages "Les vertus immorales" de Mustapha Ammi, "L'Amérique latine sous une perspective maghrébine" de Abderrahmane Beggar, "Le Sommeil de l'esclave" de Mahi Binebine et "Chroniques Parisiennes" de Mohammed Bahi.
S'agissant des oeuvres traduites et publiées en langues française, elles concernent "C'est par l'autre que l'on se connaît soi-même" de Yamila Idrissi et Tessa Vermeiren (traduit du néerlandais), "Le statut juridique de l'Islam en Europe", (Actes du Colloque international tenu à Fès les 14 et 15 mars 2009), "Actualité de la pensée d'Abdelmalek Sayad", "Anthologie des écrivains marocains à l'émigration" de Salim Jay et "Je hais l'amour" de Taha Adnane.
Une édition spéciale a été publiée pour rendre hommage au poète, écrivain et prix Goncourt de la Poésie 2009, Abdelatif Laâbi. Il s'agit de deux coffrets de quatre titres en français et en arabe en partenariat avec les Editions "La différence" et "Dar al Ward" en plus de son dernier opus autobiographique "Le livre imprévu" (La Différence, 2010) ainsi que "Un poète passe", (traduit en arabe, Dar El Ward).
Le pavillon des Marocains du monde (270 m2) comprend également une librairie sur l'immigration avec plus de 1.200 titres (livres, études et revues), une première au Maroc.
Une programmation riche et variée allant du livre au cinéma en passant par des rencontres et conférences a été concoctée pour mettre les Marocains du monde au devant de la scène ainsi qu'un site Internet "www.siel2010-migration.com" et une page sur Facebook "Marocains du monde à l'honneur au SIEL 2010" ont été construits à cette finalité.
Source : MAP
"Créer des villes meilleures pour les migrants", est le thème d'une rencontre d'experts internationaux des Nations Unies qui se tiendra, les 18 et 19 février à Barcelone (Nord-est de l'Espagne), indique le Centre UNESCO de la Catalogne (Unescocat).
Organisée par la section des migrations internationales et du multiculturalisme de l'UNESCO, cette réunion vise à définir les politiques et pratiques urbaines orientées vers les dimensions sociale et spatiale de l'intégration des immigrés.
Cette rencontre s'inscrit dans la cadre du projet mis en œuvre par des experts de l'UNESCO et du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) pour la mise en place d'un "kit" des bonnes pratiques d'inclusion et de renforcement de la cohésion sociale.
Ce "Kit", qui sera présenté lors du 5è Forum urbain mondial prévu en mars à Rio de Janeiro, a pour objet d'orienter les gouvernements locaux en matière de politique d'intégration et de sensibiliser les acteurs sociaux, les planificateurs urbains et les Ongs au concept d'inclusion urbaine.
Cette initiative est réalisée en collaboration notamment avec Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), l'ONU, l'UNESCO et l'Université de Venise.
Source: Aufait/MAP
Plus que quelques mois pour l’ouverture à l’exploitation du port roulier de TangerMed. Selon le planning initial, il devrait être prêt au premier trimestre 2010. Les professionnels du transport maritime se tiennent prêts pour le mois d’avril. Du côté de TangerMed, les préparatifs avancent à une vitesse soutenue.
L’autorité de régulation, l’Agence TMSA, vient d’ailleurs de lancer deux appels d’offres pour compléter le dispositif technique du futur port. Ils portent sur des fournitures et l’entretien des passerelles piétonnes, des rampes RoRo ainsi que la fourniture et l’installation d’équipements pour le contrôle des bagages et la détection de métaux. Au départ, ce sont 6 scanners à rayons X pour le contrôle des bagages appuyés par six autres portiques de détection de métaux à balayage magnétique qui seront installés.
La montée en régime du port roulier interviendra avec le lancement de la campagne MRE au mois de juin. Au départ, ce seront des installations provisoires qui seront affectées en tant que gare maritime au port roulier de TangerMed. En 2012, c’est une véritable gare maritime qui sera aménagée.
En vitesse de croisière, le port aura une capacité de 7 millions de passagers et 2 millions de véhicules par an, soit un volume à terme trois fois supérieur que l’actuel port de Tanger-Ville.
L’investissement est à la hauteur de l’importance de cette installation: 230 millions d’euros, soit environ 2,8 milliards de dirhams. La grosse part ira aux travaux de construction de la digue. Réalisée à 100%, elle a été signée par le groupement piloté par Bouygues-Bymaro et Saipem pour un montant de 1,66 milliard de DH. Le reste de l’investissement concerne une zone de stockage de 20 hectares, les zones d’accès douane et police des frontières ainsi que la gare maritime et autres services aux passagers.
La darse comprendra, à terme, huit postes d’accostage qui permettront d’accueillir simultanément autant de navires. La distance de traversée plus courte entre TangerMed et Algéciras (une heure) permettra en outre une plus grande productivité pour les bateaux. Alors qu’à Tanger-ville, ils ne pouvaient assurer que trois rotations quotidiennes au maximum, à TangerMed,
ils pourront faire jusqu’à cinq rotations, soit 40% de passagers transportés en plus par jour de pic.
Avec la même flotte, TangerMed pourra facilement alors traiter jusqu’à 50.000 passagers par jour car il est prévu des départs toutes les demi-heures, en cas de besoin
Source : L’Economiste
Cette série télévisée fera date, mais n'est pas sans poser des questions. Elle enracine un processus d'intégration à l'heure même où de nauséabondes polémiques traversent le débat public, révélatrices des discriminations encore à l'œuvre. Les trois films, qui suivent une stricte chronologie, portent en effet trois titres en forme d'évolution : Indigènes, Immigrés, Français.
Si cette série est novatrice, c'est qu'elle complète dans une appréhension globale et grand public l'histoire sociale et politique de l'immigration africaine par le point de vue des immigrés eux-mêmes. Les archives historiques, d'une grande richesse et certainement la part la plus intéressante de ces films, alternent avec les témoignages très personnels de personnalités d'origine nord-africaine ou sub-saharienne sans que l'on soit allé chercher forcément, en dehors de l'historien Benjamin Stora, les voix habituelles, les " spécialistes ".
Autre apport d'importance, le rappel si souvent méconnu de l'ancienneté de l'immigration maghrébine : dès la fin du 19ème siècle, des travailleurs de Kabylie avaient participé à la construction du métropolitain et des milliers d'ouvriers marocains et algériens étaient recrutés par les mines du Pas-de-Calais. Il n'était pas non plus inutile de rappeler l'enthousiasme des populations françaises pour les combattants africains de la Grande guerre même si des explosions xénophobes vinrent les contredire en 1917. Le film montre les efforts déployés par l'armée pour respecter leurs coutumes (interdits alimentaires, rites funéraires, lieux de culte) mais aussi pour les parquer afin d'empêcher tout contact entre Français et indigènes.
Ce double mouvement d'accueil et de rejet sera et est encore une permanence de la relation, une relation que le grand public découvre avec étonnement alors même que plus de 400 000 Maghrébins traverseront la mer entre 1921 et 1939. C'est en France qu'émergeront nombre de leaders nationalistes, dans un rapport contradictoire à la France, à la fois terre de savoir et de valeurs mais aussi puissance occupante. Les drames qui marquent les années qui séparent la Seconde guerre mondiale et les Indépendances n'empêcheront pas l'enracinement des populations notamment maghrébines en France, ensuite conforté par le regroupement familial.
La " marche des Beurs " de 1983 révélera non seulement cet enracinement mais aussi le rapprochement des enfants d'immigrés et d'Harkis, confrontés aux mêmes discriminations et se retrouvant dans une culture commune. Les immigrés qui étaient supposés repartir font souche et leurs enfants se réclament de la société française tandis que celle-ci multiplie les signes d'une intégration définitive malgré la récurrence des mises à distance. Les indigènes sont devenus des Français.
En se nommant " Musulmans de France ", cette série risque cependant l'ambiguïté. Rassembler la plupart des immigrés africains sous ce vocable religieux rappelle l'amalgame courant entre Maghrébins et Musulmans dans les déclarations de certains responsables politiques autant que dans les discussions de café. Personne n'ignore que le débat sur l'identité nationale a viré, à la faveur des prises de position sur la votation suisse sur les minarets et le port public du voile intégral, sur une stigmatisation de plus d'un Islam confronté au spectre de l'islamisme.
Certes, la référence religieuse est une permanence de la relation évoquée. La fastueuse inauguration de la Grande Mosquée de Paris en octobre 1926 témoigne de la cohésion entre politique et religieux. Le rôle de pépinière pour les mouvements nationalistes de l'Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA) se poursuivra de sa création en 1927 jusqu'aux Indépendances. Et comme le montre des témoignages durant le film, l'Islam, avec notamment la pratique du jeûne du ramadan, est une référence identitaire souvent plus forte pour les jeunes que pour leurs parents, plus soucieux de se couler dans le moule français.
On comprend la volonté des auteurs de banaliser l'idée que la religion musulmane fait partie de la société française et ne peut être considérée comme une perturbation étrangère. Mais si cette ambiguïté n'est pas seulement celle du titre, c'est que l'approche historique de cette série tient peu compte des questions de représentations imaginaires qui fondent pourtant les discriminations et en montre peu les signes. Elle les aborde certes à la faveur des témoignages et cite des expressions culturelles mais convoque peu cette histoire culturelle que montre, images et son à l'appui, la remarquable exposition Générations encore visible jusqu'au 18 avril 2010 à la Cité nationale de l'Histoire de l'immigration à Paris. Elle ne convoque pas non plus le patrimoine musulman qui est bien antérieur en France comme en témoigne la mosquée de Narbonne du VIIIème siècle, ni la contribution de la civilisation musulmane au cours des âges. Se cantonnant à une lecture sociologique, elle aborde peu les pratiques religieuses actuelles. Enfin, elle parle peu de l'instrumentalisation politique d'une religion pourtant souvent décrite comme une menace.
Source : Africultures
C'était en mars 2009 : un bus transportant 17 ressortissants marocains est arrêté à la frontière franco-espagnole. Les Marocains, qui arrivent d'Italie et souhaitent rentrer au Maroc, sont interpellés, placés au centre de rétention administrative de Perpignan... et expulsés à Casablanca par avion. Puis, l'histoire se répète en avril 2009 : 11 Marocains munis de titres de transport à destination du Maroc sont arrêtés au Perthus, placés au centre de rétention, puis expulsés. A chaque fois, la Cimade (l'association de solidarité active avec les migrants présente à l'intérieur
du centre) a dénoncé "un zèle dicté par la seule po litique du chiffre". Et depuis le 1 er janvier 2010, ces expulsions s'intensifient : la Cimade a constaté qu'en tout 32 ressortissants marocains, qui rentraient chez eux et ne faisaient que transiter par la France, ont ainsi été arrêtés puis expulsés. "Depuis un mois et demi, sur 170 personnes placées en rétention, 32 étaient des Marocains qui rentraient au Maroc : 29 d'entre eux s'y rendaient en autocar, et étaient en possession de billets en bonne et due forme ! Les derniers ont été placés en rétention le week-end dernier, et attendent d'être expulsés par avion ou par bateau" s'indigne Clémence Viannaye pour la Cimade 66. L'association envisage de mener rapidement des opérations médiatisées pour dénoncer ces expulsions qu'elle juge aberrantes.
Source : L’Indépendant
Fatima ne comprend "vraiment pas le tapage" qui a suivi l'annonce de la candidature d'Ilhem Moussaid en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Le simple foulard blanc sous lequel, conformément à ses croyances religieuses, la candidate du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) dissimule ses cheveux, a pourtant relancé les interrogations sur la compatibilité entre islam et laïcité. Et replacé le voile islamique au coeur du débat.
"Le nombre de filles voilées et qualifiées n'a jamais été aussi important, mais on continue de nous diaboliser", soupire Fatima (elle requiert l'anonymat), 25 ans, licenciée en économie et voilée depuis trois ans. Après des études universitaires en Normandie au cours desquelles son voile n'a posé "aucun problème", elle a souhaité suivre une formation professionnelle. Admise sur dossier dans un Greta, établissement public de formation, elle assure avoir vu son inscription annulée lorsque les responsables ont appris qu'elle portait le voile. "L'une d'elles m'a dit : "Si vous le portez à la pirateà la limite ça peut passer." Mais soit on le porte, soit on ne le porte pas !", s'énerve la jeune femme, qui porte un hidjab (voile) couvrant ses cheveux, ses épaules et sa poitrine. (foulard noué sur la nuque),
Incitée par un conseiller du Pôle emploi, elle a alerté la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde). Cette dernière, saisie d'une vingtaine de cas similaires depuis deux ans, estime que le refus d'inscrire des femmes voilées dans un Greta constitue une discrimination. Munie de ces délibérations, Fatima compte bien se présenter, fin février, au Greta pour y suivre son premier cours de comptabilité.
Perçu par une grande partie de l'opinion publique française comme un symbole d'oppression des femmes, le foulard islamique ne passe pas. L'émergence dans la vie politique, économique et sociale d'une génération de femmes nées ou élevées en France, formées à l'école publique, mais déterminées à afficher leurs croyances, pose pourtant de nouvelles questions à la société. Et amène ces musulmanes voilées à développer des stratégies. Entre compromis et crispations.
Aujourd'hui, la plupart des femmes concernées se dévoilent à l'entrée de leur entreprise ou de l'établissement public dans lequel elles travaillent. Celles qui étaient lycéennes en 2004, date à laquelle la loi a interdit le port du foulard à l'école, ont vécu avec "le voile dans le cartable", le retirant à l'entrée de l'établissement. Elles prolongent cette habitude dans le monde professionnel.
Hakima Aït El-Cadi a fait un choix plus radical. A 22 ans, cette universitaire prometteuse comprend que son avenir professionnel passe par son dévoilement. Voilée depuis l'âge de 16 ans, "pour faire honneur à la tradition familiale et en mémoire d'un père décédé prématurément", plus que par militantisme, elle retire son foulard. Sa famille désapprouve : "Elle a eu l'impression que je "jouais" avec la religion", explique Hakima. Elle-même est alors hantée par la culpabilité. "Pour moi, il y avait toujours eu un lien intrinsèque entre foi et voile", explique la sociologue, aujourd'hui âgée de 34 ans et mère de trois enfants. "Cela prend du temps pour se reconstruire dans sa foi sans le voile."
Malgré cet "effort", elle estime avoir été rattrapée par son passé. En 2007, lors d'un entretien pour un poste à la Sorbonne, le professeur qui l'interroge lui parle longuement de ses "convictions religieuses". Elle porte plainte pour "discrimination religieuse". Aujourd'hui adjointe au maire (UMP) d'Avignon, sans poste universitaire, elle poursuit son "engagement républicain" dans l'arène politique. "Il est difficile de dire aux jeunes filles : "Enlevez votre voile si vous voulez réussir", car la population musulmane, avec ou sans voile, est souvent assignée à son appartenance identitaire", reconnaît-elle. Au-delà de la religion, le seul patronyme suscite encore des discriminations. "Nous devons négocier nos positions, concéder des compromis, nous délester de certaines pratiques", persiste la jeune femme, au risque de déplaire. "Si, un jour, je souhaitais à nouveau porter le voile, je sais que je ne pourrais pas le faire dans le cadre de mes fonctions de représentation."
D'autres, comme Hayette, étudiante en master de droit bancaire, tentent de concilier leur "émancipation sociale avec leurs convictions religieuses". Elles portent un large bandeau couvrant ou "francisent" leur voile en turban. "C'est le compromis que j'ai accepté entre mes croyances et la société française", explique-t-elle. C'est aussi ce que conseille Dounia Bouzar, anthropologue et spécialiste de l'islam, aux jeunes diplômées, au nom de "la capacité d'adaptation" des cadres dans l'entreprise.
Pour l'heure, Fatima juge ces concessions impensables. "On accepte de nous former, mais une fois que l'on est diplômée on nous bloque et on nous force à rester chez nous, ce n'est pas cohérent." Une "incohérence" que certains voudraient voir réglée par une extension de la loi de 2004 à l'université. D'autant que le récent débat sur le port du voile intégral a encore durci les positions, niqab et foulard (hidjab) étant parfois assimilés à un même intégrisme religieux.
Fatima, qui avec son voile a pu effectuer un stage au service comptabilité d'une grande entreprise automobile, ne désespère pourtant pas de trouver des employeurs "ouverts", pour ne pas rejoindre ces "femmes surdiplômées qui acceptent des emplois non qualifiés, dans le ménage ou le télémarketing". Là où la visibilité de l'islam ne pose pas problème.
Lila Charef reconnaît la difficulté d'expliquer de tels choix à l'opinion publique non musulmane. "Mais il y a un moment où une personne ne peut plus supporter que l'on porte atteinte à ses convictions religieuses", explique la jeune femme, juriste au Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF). Avant de porter le voile, elle a exercé trois ans comme avocate à Paris. "Avant de quitter le barreau, je pensais à me voiler mais, d'une part, je n'étais pas prête et, d'autre part, j'étais consciente des difficultés que cela entraînerait dans le monde professionnel", témoigne-t-elle. Aujourd'hui, elle reçoit des plaintes de femmes voilées à qui l'on refuse des formations, l'inscription en club de gymnastique, l'accès à la banque ou à l'auto-école. "Quand elles essayent d'exister socialement, elles rencontrent des difficultés, que ce soit dans le travail, pour des stages, pour les loisirs même", relève-t-elle.
Les plus attachées à leur voile se replient sur leur foyer ou sur des emplois communautaires, dans les commerces, les associations ou les entreprises familiales, comptant sur la solidarité musulmane. Le réseau, tel qu'il est organisé par l'association Les dérouilleurs, constitue une nouvelle étape dans cette culture d'entraide. L'association, ainsi nommée pour faire pièce au cliché des "jeunes qui rouillent au pied des immeubles", rassemble des cadres et des diplômés de culture musulmane.
Rédactrice en chef de Salam News, "le premier gratuit des cultures musulmanes", Hawwa Huê Trinh Nguyên n'est pas loin de s'énerver du repli auquel se résignent certaines femmes voilées. Française d'origine vietnamienne, convertie à l'islam depuis vingt ans, cette surdiplômée a, à l'époque, pourtant fait ce choix. "Je me suis désengagée de la vie professionnelle au profit de la famille et de mes enfants, assume-t-elle, afin de me mettre en conformité avec une certaine conception de l'islam." A 26 ans, peu après son mariage, elle se voile, pour "être tranquille par rapport à sa belle-famille et aux hommes".
Sous son foulard coloré porté en turban, elle regrette "la focalisation des débats sur le voile". "La question est plutôt celle de la place de la femme dans l'islam, dans la société, dans l'entreprise", insiste la jeune femme, qui reconnaît au passage "l'interprétation machiste" du Coran qui prévaut encore souvent chez les musulmans. Après avoir travaillé des années dans l'édition à son domicile, Hawwa a repris un travail "normal", une fois ses quatre enfants élevés. Son parcours ne l'empêche pas de pousser les nouvelles générations à prendre leur place dans la société. "Si elles portent le foulard aujourd'hui, c'est qu'elles sont courageuses", estime la quadragénaire. Quand des stagiaires voilées postulent à Salam News, elle leur conseille d'aller plutôt voir... à L'Equipe. "Je leur dis : "Ouvrez les portes, enfoncez-les, allez là où on ne vous attend pas." Sinon, elles vivront une grande frustration. Or, avec ou sans voile, le but c'est d'être épanouie !"
"L'islam français est en train de se mettre en place, poursuit-elle, c'est pour cela qu'il y a des blocages ; mais il finira par acquérir une certaine normalité." Dans ce contexte, même si elle aussi s'agace de la polémique suscitée par la candidate du NPA "réduite à son foulard", elle estime qu'Ilhem Moussaid "peut contribuer à changer l'image de l'islam".
Aujourd'hui, alors que la loi n'encadre le port du foulard qu'à l'école et pour les agents du service public, la société s'en remet à la jurisprudence et à la Halde, pour répondre à ces nouvelles situations. Une des délibérations de la Haute Autorité a quasiment réglé les contentieux liés à l'accompagnement des sorties scolaires par des mères voilées. Dans les entreprises, la prise en compte du foulard varie selon les secteurs professionnels et le degré de réflexion sur l'accueil de la diversité. Dans la sphère politique, le cas d'Ilhem Moussaid pourrait, lui, relancer le débat sur la présence de femmes voilées dans les assemblées représentatives.
Source : Le Monde
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