Leurs écritures, essais, romans ou poèmes se sont croisés dans le traitement d’une étape révélatrice du rapport et de l’interaction de la femme avec la société, celle de la maternité, un choix personnel et intime mais qui revêt finalement « une dimension sociale et politique ».
La pensée de la maternité « dans le féminisme blanc », disait Rim Battal, suppose qu’une « femme qui choisit d’être mère abdique du féminisme car elle ne pouvait plus disposer librement de son corps et entrait dans une forme d’aliénation ».
Une perception que Fatima Ouassak a voulu changer en publiant son premier livre, La puissance des mères. Elle y oppose le féminisme français qui « considère que les mères sont ces créatures aliénées qui ne se soucient que de faire à manger aux enfants, comme a pu le soutenir Simone de Beauvoir qui avait ce rapport très méprisant à la maternité », à la sacralité de la place de la mère dans la culture marocaine, « cette personne forte qui peut changer le monde ». Elle explique avoir cherché à apporter cette vision sourcée dans notre culture marocaine afin de protéger ses enfants contre le racisme structurel en France en réconciliant féminisme et maternité.
Parlant de racisme et de féminisme, Fatima Ouassak a d’ailleurs rapporté un fait « sociétal paradoxal ». En pensant à sa mère, elle se demande dans ces récits comment « une femme qui quitte son pays natal, censé être défavorable par rapport à liberté des femmes, où elle pouvait circuler librement, a trouvé sa liberté réduite en vivant dans un pays proclamé terre des libertés, restant enfermée dans un espace très réduit, au fond d’un HLM où sévissait racisme et islamophobie ».
Et ce n’est pas que dans les HLM que la liberté des femmes est compromise, a affirmé Rim Battal. « Comme j’ai grandi au Maroc, j’avais une grande soif de liberté et j’avais, comme beaucoup de jeunes, idéalisé le fait de partir vivre en France, mais j’ai compris après 10 ans à Paris que la liberté des femmes reste très encadrée en Europe et que mes positionnements en tant que femme sont transgressifs et dérangeants même en France ».
Sur un autre registre, le choix de la maternité, « contre-féministe », faisait aussi perdre à la femme des « points sur sa féminité », selon Rim Battal. « On a l’impression qu’une femme enceinte gagne en respectabilité mais perd en termes de désir féminin ». Une réalité qu’elle essaye de changer par ses poèmes qui continuent de présenter la femme, enceinte ou maman, comme un objet de désir et d’attention même si, pour l’instant, elle se réjouit quand même d’avoir gagné en liberté. « En devenant mère je sens que j’ai plus de liberté, surtout chez moi au Maroc. On me fait sentir que je l’ai mérité parce que j’ai donné quelque chose à la société ».
En plus du féminisme, de l’expression du corps féminin ou du rapport de la société à la maternité, les panélistes ont parlé de frontières et de liberté de circulation.
« L’ancrage territoriale est souvent synonyme de xénophobie, mais moi je considère que le besoin de s’approprier une terre est universel », explique Fatima Ouassak. Car « le droit d’accueillir fait partie du droit de circulation et nous sommes, de plus en plus, privés en tant que Français d’origine marocaine de la possibilité d’accueillir chez nous les nôtres, nos grands-parents ou l’artiste du village ».
Pour Rim Battal, cet ancrage s’est fait par la maternité. « En arrivant en France à l’âge de 26 ans, je ne me sentais pas engagée dans les mouvements sociaux mais depuis que j’ai eu mes deux filles en France, je me suis aussi appropriée ce pays car je pense à l’environnement dans lequel elles vont grandir et évoluer ».
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