La question de l’immigration en Espagne a toujours été un sujet de débat à multiple connotations dans les campagnes électorales. Cependant, deux attitudes diamétralement opposées se dégagent dans la lecture des programmes des grands partis pour les élections du 20 novembre. D’un côté, une approche conservatrice, défendue par le Parti populaire et les partis régionalistes, qui prône la main dure à l’égard de l’immigration, un strict contrôle sur les flux migratoires et de sévères conditions pour l’acquisition de la nationalité. De l’autre, une attitude, adoptée par les socialistes et la coalition de la Gauche Unie, s’inspire de la doctrine des droits de l’homme comme source de référence pour faire prévaloir l’égalité des opportunités entre autochtones et immigrés et la souplesse des conditions d’accès à la nationalité espagnole. Dans les deux positions, la défense des intérêts de l’Etat espagnol et la préservation des avantages des nationaux demeurent deux variables primordiales dans les programmes électoraux. Toutefois, à cause de l’acuité de la crise économique, l’immigration est à peine signalée aux meetings et discours des leaders politiques. Elle est mentionnée dans les pages intérieures de ces programmes du fait que les étrangers ne sont pas une cible électorale pour n’avoir pas le droit de voter aux élections générales. Dans le dernier sondage d’opinion du Centre des Recherches Sociologiques (CIS - officiel), la question migratoire se situe au quatrième rang dans la liste des préoccupations des espagnols, bien loin de l’emploi et du chômage. Il est cependant notoire de relever la nette amélioration de l’attitude à l’égard des immigrés de la part des politiques qui abandonnent les discours discriminatoires appelant, comme par le passé, à la fermeture des frontières ou l’expulsion pure et simple des sans-papiers. Dans un pays qui compte 5.730.667 étrangers (12,2% de la population globale) dont 822.000 marocains en situation légale, quelle place est-elle accordée dans les programmes électoraux au futur des immigrés, et, que promettent les grands partis politiques pour garantir leur droit à la pleine citoyenneté? Dans son programme,le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE - au pouvoir), insiste sur l’intégration comme élément essentiel dans la politique de protection des collectifs exposés à la précarité, la vulnérabilité, la discrimination, l’inégalité ou aux comportements racistes. Il propose le développement d’une éducation basée sur la tolérance et l’ouverture sur la diversité culturelle. Les socialistes, rappelle-t-on, avaient autorisé la régularisation en 2005 des sans-papiers et introduit dans la loi sur les étrangers des critères sur l’enracinement social ou professionnel de tous les immigrés. Ils défendent dans leur programme l’homologation des diplômes et titres universitaires des étrangers ainsi que la reconnaissance des compétences des immigrés acquises dans leur pays à l’heure de leur sélection pour un emploi. De même, ils sont favorables à l’amélioration de l’éducation sanitaire et la sensibilisation des femmes immigrées à certaines questions telle la planification familiale. Le PSOE a introduit également une nouvelle proposition appelant à la promotion d’un urbanisme inclusif qui encourage le multiculturalisme, la création d’espaces de convivialité, l’élimination des ghettos ethniques et l’accès sans ségrégation aux biens culturels. Les socialistes se déclarent favorables à la gestion des flux migratoires par le biais d’accords entre pays d’origine et d’accueil des immigrés, dont la concertation sur le retour volontaire et le transfert des immigrés vers de nouvelles destinées.
Le Parti Populaire (PP), réputé pour ses rigides tendances en matière migratoire, promet l’application d’une nouvelle norme durcissant les conditions relatives à l’acquisition de la nationalité espagnole, l’accès au marché du travail. Il prône l’immigration sélective, le contrôle des frontières et l’intégration à travers l’éducation. Il compte par ailleurs introduire une mesure qui impose aux immigrés de passer par une série d’examens exigeant la connaissance parfaite de la culture et des usages espagnols en cas de sollicitude de la nationalité. Le PP prétend également réduire la durée de résidence des immigrés en introduisant, dans son programme, le modèle d’une « immigration circulaire » basée sur des contrats saisonniers, comme c’est le cas des femmes marocaines qui sont engagées pour exercer dans la cueillette des fraises dans la province de Cadix et regagnent le royaume à la fin de leur contrat.
Pour la Gauche Unie-Verts (IU-V), il est indispensable pour l’Espagne de ratifier les conventions internationales sur les droits humains et la lutte contre le racisme et la xénophobie. Dans son programme, la coalition de gauche appelle à l’élimination des mesures ou instruments qui limitent le droit à émigrer, l’internationalisation du contrôle des frontières et des accords sur la dévolution d’immigrés aux pays où les droits humains ne sont pas respectés. C’est l’unique organisation politique qui revendique la fin des rafles racistes dans la persécution des immigrés en situation irrégulière. De même, l’IU-V propose la dérogation de l’actuelle loi sur les étrangers pour lui attribuer une touche progressiste dans l’interprétation des droits, libertés et obligations des immigrés. Elle s’oppose aux normes d’expulsion pour résidence irrégulière et réclame la fermeture des Centres d’Internement des étrangers mais revendique en même temps des facilités d’accès par les immigrés à des papiers en règle. De même, elle invite à reconnaître le droit de suffrage aux immigrés extra-communautaires en situation légale à l’issue d’une résidence de deux ans, en écartant le principe de réciprocité. Elle exige enfin la souplesse des procédures administratives en matière migratoire, l’inscription au recensement municipal et l’homologation des diplômes des étrangers.
L’Espagne, dont plus de 12% de sa population sont nés à l’extérieur, est actuellement démunie d’un modèle migratoire propre comme c’est le cas de la France, du Royaume Unie, du Danemark ou des Etats unis. A cause de la crise économique, les fonds destinés aux programmes d’intégration sociale ont été drastiquement diminués alors que plus d’un million et demi d’immigrés et 3,5 millions d’autochtones sont en chômage. Comme la question de l’emploi et de la gestion des services sociaux sont compétence des gouvernements régionaux et des municipalités, qui sont dans leur majorité dirigés par les conservateurs du PP, il est fort probable que la question migratoire soit traitée dans une approche plus restrictive en termes de droits et avantages. En cette matière, le PP compte appliquer sa doctrine basée sur une immigration ordonnée et sélective.
12/11/2011, Mohamed Boundi
Source : Al Bayane