Au-delà de quelques concessions sur la préférence nationale, rebaptisée "priorité nationale", le projet présidentiel de Marine Le Pen adopte toujours une ligne dure en matière d'immigration.
Samedi, lors de son discours à Paris, la présidente du Front national s'est offert une ovation quand elle a promis la "priorité aux Français" dans l'emploi, les logements et les aides sociales.
Depuis plusieurs mois, Marine Le Pen privilégiait volontiers ce terme de "priorité nationale" à celui de "préférence nationale", y voyant une connotation moins négative pour ce marqueur historique du FN. Son projet présidentiel entérine ce changement, avec une ouverture vers les Européens.
En effet, alors que le projet de 2007 réservait les aides sociales "aux seuls Français", celui de 2012 attribue les "allocations familiales (...) aux familles dont un parent au moins est Français ou européen".
En 1998, lorsque la mairie FN de Vitrolles avait mis en place une allocation réservée aux parents français ou de l'Union européenne, celle-ci avait été jugée illégale par le tribunal administratif de Marseille, et l'édile, Catherine Mégret, avait été condamnée au pénal dans ce dossier.
En matière d'emplois ou de logement social, le nouveau projet du FN précise que les Français passeront en premier, mais "à compétences égales" pour l'emploi et "à situation égale" pour le logement. En 2007, le programme de Jean-Marie Le Pen se proposait d'"affirmer la priorité pour les Français dans l'attribution des logements sociaux", une formulation quasi identique.
Autre concession, "les étrangers qui travaillent et qui cotisent bénéficieront du fruit normal de leurs cotisations", dit le projet 2012. En 2007, les cotisations sociales devaient être "augmentées pour les étrangers" par rapport aux Français, "à prestations équivalentes".
Pour Jean-Yves Camus, chercheur à l'Iris et spécialiste de l'extrême droite, le passage de la "préférence nationale" à la "priorité nationale" est un "changement sémantique important", mais "ça reste juridiquement infaisable, parce que discriminatoire".
Selon lui, en disant que le logement social sera d'abord proposé aux Français, le FN laisse entendre que le "surplus, ce sera pour les étrangers. Or, toute la rhétorique de Marine Le Pen consiste à dire qu'il n'y a plus de surplus".
Pour le reste, les fondamentaux demeurent. Suppression du droit du sol, fin des accords de Schengen, carte de séjour portée de 10 à 3 ans, fin du regroupement familial, retour de la double peine, tous ces points figuraient déjà dans le programme de 2007. En cinq ans, l'immigration légale doit être ramenée à 10.000 par an (contre 200.000 aujourd'hui).
Parmi les nouveautés, Marine Le Pen propose une "renégociation de la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH), et notamment de son article 8 sur le "droit au respect de sa vie privée et familiale", qui protège le regroupement familial.
En matière judiciaire, le "racisme anti-français" serait considéré comme "circonstance particulièrement aggravante" d'un crime ou d'un délit.
"C'est une remise en cause des fondamentaux universalistes, parce qu'on dit qu'il y a des racismes qui sont plus graves que les autres", explique à l'AFP Sylvain Crépon, chercheur à l'université Paris-X de Nanterre et spécialiste de l'extrême droite.
Le code pénal punit déjà plus sévèrement les crimes et délits commis "à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée".
21/11/2011
Source : 20 minutes.fr/AFP