Fini l’époque où il allait braconner sur les terres de la gauche, en se disant à titre personnel favorable au vote des étrangers aux élections locales. Devant les maires de France conviés à l’Elysée, Nicolas Sarkozy s’en est pris mercredi 23 novembre à la proposition de loi du Sénat visant à accorder le droit de vote aux étrangers aux élections municipales. « Une telle proposition me paraît hasardeuse. Elle présente le risque de diviser profondément les Français au moment, où plus que jamais, nous avons besoin de nous rassembler », a expliqué le candidat non déclaré de l’UMP sous les applaudissements. « Le droit de voter et le droit d’être élu, dans nos territoires, doit demeurer un droit attaché à la nationalité française » et étendu aux ressortissants européens pour les élections municipales et européennes.
En octobre 2005, juste avant les émeutes de banlieues, celui qui était alors ministre de l’intérieur tenait un discours radicalement différent dans un entretien accordé au Monde. « A titre personnel, je considère qu'il ne serait pas anormal qu'un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France, puisse voter aux élections municipales », expliquait M. Sarkozy, qui disait vouloir « renforcer la chance de l'intégration pour les étrangers en situation légale. Le droit de vote aux municipales en fait partie ».
Le candidat, alors, n’avait pas peur de brusquer son camp, comme il l’avait fait en abolissant lors de son arrivée place Beauvau la double peine, prévoyant l’expulsion des étrangers ayant purgé leur peine de prison. « Je ne demande pas à mon parti d'être d'accord avec moi sur tout. Et j'ai la liberté de ne pas être d'accord avec lui sur tout », expliquait encore en 2005 M. Sarkozy.
Mais 2007 n’est pas 2012. L’ouverture à gauche du début du quinquennat a désorienté la droite, sans ouvrir de perspective au centre. M. Sarkozy veille à rassembler son camp et à cliver le débat politique. Soutenu par les députés de la Droite populaire, il veut récupérer les électeurs tentés par le front national, alors que selon le politologue Patrick Buisson, conseiller de M. Sarkozy, l’immigration est devenu pour la première fois une préoccupation supérieure à celle de la délinquance. M. Sarkozy espère l’emporter face à M. Hollande, qui, selon M. Buisson, ne mordrait plus sur le centre ni sur les classes populaires, dont M. Sarkozy pense qu’elles feront l’élection. « François Hollande est redevenu candidat du PS », assène M. Buisson.
M. Sarkozy saisit aussi la proposition de loi du Sénat, pour faire toucher du doigt aux Français par avance ce que signifierait l’arrivée de la gauche au pouvoir. Il essaie ainsi de retourner à son profit le basculement de la Haute-Assemblée en en faisant un épouvantail.
Il n’est pas question, pour l’heure, de donner un coup de barre majeur à droite, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en juillet 2010 avec son discours de Grenoble sur la déchéance de la nationalité et les Roms. Il n’empêche, le chef de l’Etat multiplie les sujets d’affrontement avec la gauche, comme en atteste sa sortie contre la fraude aux prestations sociales, qui n’a été accompagnée d’aucune mesure concrète vraiment nouvelle.
Cette tactique serait d’autant plus fructueuse, selon le député de la Drôme Hervé Mariton, que la campagne marque, selon lui, « la fin des consensus » entre la gauche et la droite sur quelques sujets majeurs, qui vont au delà de l’économie et du social : la perspective proche qui régnait avec le PS sur le nucléaire n’existe plus et M. Sarkozy se déplacera vendredi au centre nucléaire de Tricastin à Pierrelatte, compte enfoncer le clou. M. Mariton accuse de vouloir faire de la défense une variable d’ajustement budgétaire. La droite compte attaquer la gauche sur sa politique familiale, en contestant l’individualisation des droits et la remise en cause partielle du quotient familial née de la fusion programmée de l’impôt sur le revenu et de la CSG. M. Mariton note que les lois bioéthiques n’ont pas été votées à l’unanimité. L’Elysée ne compte pas sortir du bois sur le mariage homosexuel, même si les Français s’y déclarent favorables dans les sondages: une ouverture sur ce point rapporterait très peu à M. Sarkozy et lui coûterait très cher auprès de l’électorat catholique traditionnel.
Enfin, M. Sarkozy a fait des droits d’auteurs et de Hadopi un combat personnel, qui l’oppose à la gauche. C’est dans ce domaine que M. Sarkozy veut apparaître moderniste. Il entend aussi mettre à dispositions des Français toute une série de banques de données publiques en provenance des administrations, pour donner un sentiment de transparence par la preuve et atténuer son image autoritaire.
23/11/2011, Arnaud Leparmentier
Source : Le Monde