La diversité fait de nouveau débat au Parti socialiste, au moment où les candidats aux législatives de 2012 sont en train d'être désignés. Le bureau national du PS a décidé, mardi 29 novembre, d'investir six candidats "issus de la diversité". Il s'agit de circonscriptions où "les conditions locales d'investiture étaient telles qu'il y avait des refus d'accueillir un candidat ou une candidate issue de l'immigration ou des DOM", explique Christophe Borgel, secrétaire national aux élections.
Une manière d'avouer que refléter à travers les candidats la société française telle qu'elle est reste difficile au Parti socialiste. Au total, le PS a "fléché", c'est-à-dire réservé, 22 circonscriptions pour des candidats de la diversité.
Ont ainsi été désignés d'office Kader Arif, député européen, sur la 10e circonscription de Haute-Garonne, Seybah Dagoma, conseillère de Paris, dans la 5e à Paris, Razzy Hammadi, secrétaire national aux services publics, sur la 7e de Seine-Saint-Denis (Montreuil-Bagnolet), Yacine Djaziri, entrepreneur et blogueur du Bondy Blog, sur la 4e des Hauts-de-Seine (Nanterre-Suresnes), Farida Boudaoud, secrétaire nationale au mouvement associatif et adjointe au maire de Décines-Charpieu, dans la 13e du Rhône et, enfin, Pouria Amirshahi, secrétaire national aux droits de l'homme, sur la 9e des Français de l'étranger.
"PAS ASSEZ DE SUIVI SUR LES LÉGISLATIVES"
Pour les autres circonscriptions réservées "diversité", ce sera aux militants de départager les candidats issus de l'immigration ou des DOM les 1er et 2 décembre, lors des votes en section. La convention sur la rénovation au printemps n'avait pas fixé de nombre de candidat issus de la diversité à atteindre. Mais elle avait mis l'accent sur la nécessité "d'organiser les conditions de l'égalité réelle d'accès aux responsabilités et mandats électifs" et "de créer les conditions d'assurer la diversité en notre sein". Le texte précisait que le bureau national du parti devait définir en décembre 2010 "un nombre de circonscriptions de renouvellement/diversité (...) y compris les circonscriptions gagnables".
Cela n'a pas été fait. Les turbulences liées à la primaire socialiste ont fait passer au second plan la préparation sur le terrain des législatives. "Nous avons sensibilisé les premiers fédéraux pour les régionales mais pas assez suivi le travail sur les législatives", reconnaît Christophe Borgel, secrétaire national aux élections. Du coup, les candidats proposés naturellement par les sections étaient – presque – tous des mâles, blancs, quinquagénaires.
"IL Y A DES ENDROITS OÙ ON A DÛ TAPER SUR LA TABLE"
"Dans les fédérations, on est un peu comme aux premiers jours de la parité : la diversité, ça fait au mieux sourire, sinon ricaner. Il y a toujours d'autres priorités", raconte Malek Boutih, membre du bureau national (BN). L'état des lieux des candidatures était tel que de nombreux cadres ou candidats déboutés, tous courants confondus, ont donné de la voix. "Cette fois, les militants ont fait pression", affirme encore M. Boutih. Martine Aubry en a pris la mesure et réclamé des réajustements. Non sans mal.
"Il y a des endroits où on a dû taper sur la table", affirme M. Borgel. Et d'autres où le blocage était tel que le BN a dû imposer son choix en "fléchant" des circonscriptions réservées. "Ce n'est pas suffisant, mais ce qui est essentiel est d'avoir des candidats dans des circonscriptions sûres ou gagnables", insiste le secrétaire national. Qui ajoute : "On va avoir au moins dix élus PS issus de la diversité en juin 2012. Personne ne pensait il y a un mois qu'on y arriverait !" Le chiffre laisse Malek Boutih sceptique : "Si on a cinq, ce sera un miracle."
CONTESTÉS PAR LES DISSIDENTS
Car même désignés, les candidats peuvent être contestés par des dissidents sans trop de conséquences. M. Boutih en a fait l'amère expérience en 2007 dans la 4e circonscription de la Charente. Désigné, il a été devancé au premier tour par Martine Pinville, soutenue par la section locale et qui fut élue au second tour. La députée siège au groupe PS depuis.
"Le PS continue à avoir du mal avec ses arabes et ses noirs !", réagit Zohra Bitan, conseillère municipale à Thiais (Val-de-Marne). Cette ancienne porte-parole de Manuel Valls lors de la primaire réfute pourtant le "pack diversité" décidé par la direction socialiste : "Vingt-cinq ans après la Marche des beurs et autant d'années de militantisme au PS, on est encore obligés de mettre le pétard sur la tempe des premiers fédéraux pour avoir des femmes et des colorés."
30/11/2011, Sylvia Zappi
Source : Le Monde