La France a rallié samedi le camp, emmené par la Grande-Bretagne, des opposants à l'instauration proposée cette semaine par Bruxelles de "quotas" obligatoires pour répartir réfugiés et migrants entre les pays de l'Union européenne.
"Nous souhaitons être particulièrement clairs sur ce point : je suis contre l'instauration de quotas de migrants. Ceci n'a jamais correspondu aux propositions françaises", a déclaré le Premier ministre socialiste Manuel Valls.
Il s'exprimait au cours d'un déplacement à Menton (sud-est), sur la frontière franco-italienne, où un millier de migrants ont été arrêtés au cours des derniers jours.
Le plan d'action pour l'immigration et l'asile de la Commission européenne prévoit des quotas pour une répartition équitable des réfugiés et de l'immigration légale ainsi qu'en cas de crise, un transfert des demandeurs d'asile entre les États membres de l'UE.
Le gouvernement du conservateur britannique David Cameron était parti en guerre contre ce plan avant même sa présentation mercredi, prônant le "renvoi" pur et simple des migrants qui tentent de gagner les rives méridionales de l'UE en traversant la Méditerranée.
Londres a été rejoint depuis dans son opposition par quatre pays d'Europe centrale (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie).
Le Premier ministre conservateur hongrois Viktor Orban a dénoncé, en parlant des quotas, une "idée folle".
"Nous ne disons pas que nous n'allons pas accueillir d'immigrés. Nous disons que nous voulons être crédibles dans cette offre", a déclaré vendredi son homologue polonaise Ewa Kopacz.
"L'asile est un droit, attribué selon des critères internationaux appliqués par tous les pays de l'Union européenne. C'est aussi pour cette raison que le nombre de ses bénéficiaires ne peut faire l'objet de quotas : on est demandeur d'asile ou on ne l'est pas", a fait valoir samedi Manuel Valls.
"Ce que la France dit, c'est que les réfugiés doivent être répartis entre les Etats membres de façon plus équitable. Cela suppose de tenir compte des efforts déjà consentis par chacun", a ajouté le Premier ministre français.
"Aujourd'hui, la France, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède accueillent 75% des réfugiés, des demandeurs d'asile en Europe", a souligné M. Valls.
'La France, déjà, a fait beaucoup'-
"La France, déjà, a fait beaucoup : ainsi, 5.000 réfugiés syriens et 4.500 Irakiens ont déjà été accueillis en France depuis 2012. Nous continuerons à le faire, avec le souci que les efforts soient équitablement répartis", a-t-il encore fait valoir.
L'immigration est un sujet politiquement sensible en France. L'extrême droite y multiplie depuis un an les succès électoraux et son chef de file, Marine Le Pen, à la tête du Front national, pointe en tête des intentions de vote à la présidentielle de 2017 avec un discours europhobe et anti-immigrés virulent.
L'opposition de droite, dirigée par l'ancien président Nicolas Sarkozy, plaide de son côté régulièrement pour une révision des accords de Schengen sur la libre circulation dans l'UE.
Le déplacement et la sortie de Manuel Valls contre le projet de Bruxelles sont intervenus samedi à un moment où le regain d'interpellations de migrants dans le sud-est de la France ces derniers jours faisait la Une de la presse française.
"Migrants : alerte rouge à la frontière franco-italienne", titrait le quotidien de droite Le Figaro, fustigeant la "mauvaise solution" avancée par Bruxelles.
Selon les autorités françaises, 944 personnes ont été interpellées entre lundi et jeudi dans cette région, où 54 passeurs ont été arrêtés depuis le début de l'année.
Le plan de la Commission européenne sera discuté par les ministres de l'Intérieur de l'UE le 15 juin à Luxembourg, avant d'être soumis aux chefs d'Etat ou de gouvernement au sommet de Bruxelles du 30 juin.
Dans le cas de la France, l'instauration de quotas pour l'asile lui imposerait de prendre en charge 2.375 réfugiés, soit trois fois plus que l'offre du président François Hollande fin avril après la succession de tragédies liées à l'immigration en Méditerrannée.
17 mai 2015,Bertrand PINON
Source : AFP