Afin de « prévenir les flux de migrations irrégulières », il est demandé aux pays de transit comme la Tunisie, l’Égypte, le Soudan, le Mali et le Niger de mieux contrôler les routes migratoires terrestres et maritimes. Des « officiers de liaison » européens spécialisés dans les questions migratoires seront envoyés dans ces pays pour « rassembler des informations ». Les expulsions seront facilitées, les financements dédiés au co-développement étant mis à contribution pour « promouvoir les réadmissions de migrants économiques en situation irrégulière ». Dans les pays de l’UE en première ligne (Italie, Grèce, Espagne, Malte), un nouveau programme de « retour rapide » de personnes identifiées comme n’étant pas des demandeurs d’asile sera mis en place et coordonné parFrontex.
Quatrième aspect : la « solidarité ». Un certain nombre de réfugiés (Combien : 5 000 ? 10 000 ? Les chefs d’État et de gouvernement ne se sont pas accordés dans l’immédiat sur un volume) vont bénéficier d’un projet pilote de réinstallation. Les pays sur la « ligne de front » des arrivées seront aidés pour gérer le traitement des demandes d’asile dans les situations d’urgence. Ils recevront le soutien de fonctionnaires européens pour l’identification des personnes et la prise des empreintes digitales. Mais aucune réforme consistante du système de répartition n’a été obtenue, malgré les demandes répétées des pays du Sud.
Europe Assistance
Voilà, résumé par la presse, l’essentiel du plan européen d’action en dix points sur la migration. La première réflexion qui vient à l’esprit est qu’on est là presque entièrement dans le registre de la gestion du fait accompli. Certes, trois mesures visent à gêner le trafiquants en amont de la migration, mais seulement une consiste en une action de force : la destruction « des embarcations (on espère vides) utilisées par les contrebandiers ». Les sept autres actions consistent à recueillir les migrants, les dispacher entre les pays européens et à faire rentrer chez eux les « migrants en situation irrégulière ». Autrement dit, ce plan, c’est Europe Assistance ! Et, en réalité, une véritable garantie de succès donnée aux trafiquants de boat-people. On les imagine sur les marchés : « Oyez ! Oyez ! Embarquement sans risque ; sauvetage assuré en cas d’incident grâce à nos sous-traitants Triton, Poséidon et Frontex ; réception assurée par nos agents de l’EASO qui traiteront en urgence vos demandes d’asile ; pour ceux d’entre vous qui ont « besoin de protection », leur réinstallation (en Europe) sera facilitée par un « large plan pilote volontaire de l’UE » ; les rares qui seront déboûtés et ceux qui, finalement, ne se plairont pas en Europe pourront revenir dans le cadre d’un plan de retour et de réinstallation dans leur pays financé par l’argent de la coopération économique ! » Autant dire que c’est un véritable encouragement à embarquer. Jusque là, les candidats à l’émigration couraient des risques insensés ; dorénavant, leur périple sera sécurisé. Parions que les prix vont flamber et le marché exploser.
Dans cette Europe gangrénée par le virus idéologique du cosmopolitisme, tout, décidément, participe au projet de destruction des Nations. En effet, il n’y a aucun doute que cette option de traitement « humanitaire » des naufrages en Méditerranée ait été privilégiée contre une autre : l’intervention militaire, résolue et radicale, en amont du problème, en vue du rétablissement d’un état de droit en Libye. Il faut finir le travail commencé en 2011 avec l’élimination de Kadhafi. Tout, hormis l’idéologie des Européens, concourt à faire de cette option une solution non seulement souhaitable mais viable. Viable car le contexte humain, politique et géopolitique, s’y prête.
Stabiliser la Libye et s’occuper enfin de fixer les Africains chez eux
Qui ne voudrait, aujourd’hui, que soit mis fin au chaos libyen ? Les Libyens eux-mêmes, c’est-à-dire la population libyenne ? Il est impossible d’imaginer qu’ils se complaisent dans l’anarchie actuelle qui en fait les victimes immédiates du racket des profiteurs du chaos. Les voisins africains ? Aucun pays frontalier de la Libye ne s’opposera à ce que les djihadistes qui lancent des raids à leurs frontières perdent le sanctuaire qui leur sert de base.
L’Occident, avec son hypocrisie habituelle, cachera les vraies raisons de sa non-intervention derrière des arguties pseudo-légalistes. Intervenir en pays souverain ? Oh, là là, non ! Vous n’y pensez pas ? Ce serait du néocolonialisme. Et on ne peut pas le faire sans mandat de l’ONU. Qui nous le refuserait car la Russie y opposerait son veto. Et puis, on n’a plus les moyens d’envoyer des forces d’intervention. Etc, etc. Toutes considérations balayées d’un revers de main quand il a été question de bombarder la Libye dans le seul but de supprimer un témoin gênant des turpitudes de nos gouvernants.
La Libye a un gouvernement légal, certes contesté et incapable d’exercer son administration sur tout le pays. Il peut très bien demander une intervention internationale. Et celle-ci serait assurée par une coalition des pays limitrophes, tous au moins aussi intéressés que l’Europe à une stabilisation du pays, sous la conduite, par exemple, de l’Egypte.
Mais une intervention militaire en Libye ne peut à elle seule résoudre le problème fondamental de l’exode des populations africaines affamées et sans perspectives autres que l’émigration. Or, celle-ci résulte en grande partie de l’exploitation néocoloniale des ressources de l’Afrique par les Occidentaux, notamment les anciennes puissances tutélaires. S’agissant des états de l’ancien empire français, des pans entiers de leur économie sont tenus par des intérêts privés français. Quand à leur agriculture, elle est ruinée par l’importation de produits européens subventionnés et par l’accaparement de terres par des multinationales (comme Bolloré) en vue de la culture de céréales ogm destinées à l’alimentation animale en Europe et en Amérique. C’est évidemment là qu’une politique nouvelle pourrait être initiée afin que le produit de cette économie profite entièrement aux populations autochtones. Dans leur intérêt mais aussi dans le nôtre.
17 mai 2015, Kader Hamiche
Source : mediapart