dimanche 24 novembre 2024 00:27

Migrants: l'UE lance une opération navale contre les trafiquants en Méditerranée

L'Union européenne a mis sur pied lundi une opération navale sans précédent pour combattre les trafiquants qui "font mourir" des migrants en Méditerranée en les obligeant à des traversées vers l'Europe au péril de leur vie.

Cette décision a été prise un mois jour pour jour après que 800 migrants, dont beaucoup enfermés dans la cale, ont péri dans le chavirement d'un chalutier au large de la Libye.

L'opération militaire "doit rendre impossible, pour les organisations criminelles, de réemployer les instruments qu'elles utilisent pour faire mourir des personnes en mer", a martelé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Cette mission, baptisée "EU Navfor Med", va déployer des bâtiments de guerre et des avions de surveillance des armées européennes au large de la Libye, devenue la principale plate-forme du trafic.
Elle requiert un accord des Nations unies et ne doit être véritablement lancée qu'en juin.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 34.500 migrants sont arrivés en Italie depuis le début de l'année et quelque 1.770 sont morts ou ont disparu en mer, soit plus de la moitié des près de 3.300 morts enregistrés en 2014.

Réserves libyennes

Mais d'emblée, le gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale a exprimé son rejet d'une option militaire.

"Toute action militaire doit se dérouler avec la coopération des autorités libyennes", a déclaré à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Hatem el-Ouraybi.

"L'option militaire n'est pas humaine lorsqu'il s'agit de faire face aux embarcations se trouvant dans ou hors des eaux libyennes", a-t-il poursuivi, invoquant notamment "la sécurité des pêcheurs libyens".
Réunis à Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères et de la Défense ont souligné espérer obtenir "le consentement" préalable des autorités libyennes, alors que ce pays est plongé dans le chaos sécuritaire et politique, avec deux parlements et gouvernements rivaux.

Pour encadrer le volet militaire de leur action, les Européens comptent sur une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU. "Je n'ai constaté aucune résistance politique majeure", a affirmé Mme Mogherini.
D'abord réticente, la Russie semble prête à soutenir un texte ne mentionnant pas spécifiquement la destruction des navires.

La mission militaire est unanimement dénoncée par les ONG, pour qui elle va seulement déplacer les routes migratoires et augmenter les risques pour les clandestins. "De la folie pure", a critiqué Human Rights Watch.

 Infiltrations de l'EI?

Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, a rétorqué que les Européens travaillaient à une réponse globale au problème.

"Les missions de sauvetage ne vont rien changer à elles seules, la mission militaire ne changera rien à elle seule. Nous devons aussi obtenir un engagement des pays d'origine des réfugiés et une stabilisation de la Libye", a-t-il plaidé.

L'opération n'est pas sans risques: des trafiquants ont déjà ouvert le feu sur les gardes-côtes italiens pour les pousser à abandonner un navire intercepté.

Certains craignent aussi les infiltrations de jihadistes de l'État islamique, groupe qui a mis à profit le chaos ambiant en Libye pour s'y implanter.

"Il peut y avoir des combattants étrangers, des terroristes qui se cachent, se mêlent aux migrants", a fait observer le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg.

EU Navfor Med aura son quartier général à Rome et sera commandée par l'amiral italien Enrico Credendino, qui devra obtenir des promesses de contributions, en navires, avions de reconnaissance, hélicoptères et marins, des 28 États membres.

La France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne ont déjà proposé des navires, la Pologne ou la Slovénie des avions ou hélicoptères.

C'est aussi à l'amiral Credendino qu'incombera la responsabilité de déterminer la zone d'opération et donc jusqu'où les bâtiments européens pourront s'approcher des côtes libyennes.

Le secrétaire d'État français aux Affaires européenne, Harlem Désir, a estimé qu'il fallait pouvoir "intervenir au plus près des côtes de départ", même si les opérations terrestres en Libye sont exclues.
"Il faut d'abord sauver les personnes qui sont à bord des bateaux, et s'il le faut, les ramener au port de départ", a poursuivi M. Désir. Les embarcations doivent ensuite être "neutralisées, par exemple en détruisant les moteurs".

18 mai 2015, Alix RIJCKAERT

Source : AFP

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