Une étude sur les enfants français adoptés, majoritairement à l’étranger, livre des résultats inédits sur les liens entre les difficultés vécues avant l’adoption et le parcours ultérieur de ces jeunes.
Quels sont les facteurs favorisant l’intégration familiale, scolaire ou professionnelle des enfants adoptés à l’étranger ? Quel jugement portent-ils eux-mêmes sur leur parcours ? Jusqu’à présent, faute d’étude menée en France, il était impossible de trouver une réponse à ces questions.
Une enquête (1) vient combler ce vide en apportant pour la première fois des éléments de réponses à partir d’information recueillies sur 1 450 jeunes, dont 83 % d’adoptés et 17 % d’enfants biologiques au sein de familles adoptantes. Parmi les adoptés, 17 % sont nés en France, 30 % en Amérique latine, 22 % en Afrique, 20 % en Asie et 11 % en Europe de l’Est.
Les deux tiers se disent satisfaits de leur vie
L’étude se révèle plutôt encourageante sur le devenir des enfants qui sont donc principalement issus de l’adoption internationale.
Les enfants sont 57 % à exprimer une « très bonne estime de soi » (70 % chez les enfants biologiques) et 22 % une bonne estime (23 % chez les biologiques) ; 68 % d’entre eux se déclarent satisfaits de leur vie (84 % chez les biologiques).
L’enquête, dont les résultats complets seront présentés à l’occasion d’un colloque international (2), confirme sur ce point des études réalisées dans les pays anglo-saxons.
Autre indice positif, les relations des adoptés avec leurs parents sont « toujours bonnes », pour 80 % d’entre eux. Si leur sentiment d'isolement est plus prononcé, ils ont autant d'activités sportives, culturelles ou amicales que les autres. « Globalement, les adoptés sont socialisés de façon comparable à leur fratrie biologique », note l'étude.
Sentiment d'échec
« L’étude est encourageante et montre que le lien d'ancrage est bien celui de la famille adoptive », commente Janice Peyré, présidente d'honneur de l'association Enfance et familles d'adoption et membre du comité de pilotage de l'enquête. En outre, poursuit-elle, « un cadre bienveillant les aide à se tourner vers le pays d'où ils viennent et à concilier leurs origines avec leur vie ».
Cela n’exclut pas les difficultés. Si 91 % des enfants biologiques ne manifestent ni troubles de comportements ni troubles émotionnels, cette proportion tombe à 73 % pour les adoptés. La réussite scolaire montre aussi des limites. Alors que 93 % des enfants biologiques sont orientés vers une filière générale après le collège, seuls 57 % des adoptés le sont. Chez eux, le sentiment d'échec scolaire est plus élevé (20 %) que chez les biologiques (5 %).
Les traumatismes pré-adoption
L'enquête apporte également des enseignements sur les sources des difficultés rencontrées, en s'intéressant à la vie de ces enfants avant l'adoption : 32 % des enfants adoptés sont concernés par un problème de santé précoce et 30 % sont de probables ou certaines victimes de maltraitance. Si 90 % ont vécu dans un milieu protégé (institution ou famille d'accueil), 9 % ont vécu dans la rue.
Or l'étude semble établir un lien direct entre ces traumatismes pré-adoption et le parcours d'intégration des enfants. Ainsi, la proportion de bacheliers est en moyenne de 53 % chez les adoptés mais elle monte à 66 % chez les adoptés sans problème de santé précoce ni risque de maltraitance. De plus, si l'on écarte ceux qui ont connu un redoublement précoce, cette proportion atteint 70 %, soit un taux supérieur à la moyenne nationale - mais nettement inférieur à la proportion de 90 % de bacheliers des enfants biologiques de ces familles adoptantes.
« Tout doit être fait pour que l'on ait le maximum d'informations sur la vie des enfants avant l'adoption, souligne Janice Peyré. Il ne faut pas chercher à maquiller le passé. Les résultats de cette étude sont importants aussi pour tous les enfants adoptés nés en France et pour la situation des enfants placés. »
4/6/15, BERNARD GORCE
Source : La Croix