Les Luxembourgeois ont massivement rejeté lors d'un référendum dimanche l'octroi du droit de vote aux étrangers, qui représentent 46% de la population, infligeant un camouflet au Premier ministre libéral Xavier Bettel qui voulait "moderniser" la société.
Le "non" au droit de vote des étrangers résidant depuis plus de dix ans dans le Grand Duché a recueilli 78,02% des voix, selon les résultats définitifs.
"Le message est clair et a été très bien compris. Ce n'est pas un succès pour les partis du gouvernement. On respectera le résultat", a réagi M. Bettel, un libéral de 42 ans arrivé à la tête du gouvernement fin 2013.
M. Bettel avait personnellement fait campagne pour la "modernisation" du Grand-Duché jusqu'à samedi, tentant de convaincre des électeurs hésitants dans des rues animées de la capitale.
"Il n'y aura pas un avant et un après référendum", a-t-il regretté. "Mais il n'y a qu'un Luxembourg, qu'une société où l'on doit vivre ensemble", a jugé le Premier ministre, qui a épousé à la mi-mai son compagnon, devenant le premier chef de gouvernement de l'UE à être uni par les liens d'un mariage homosexuel.
S'il avait été adopté, ce nouveau droit de vote pour les élections législatives aurait été accordé à quelque 35.000 personnes en grande majorité originaires d'Europe, à commencer par les Portugais qui représentent 16,4% de la population.
Viennent ensuite les Français (7%), Italiens (3,5%), Belges (3,3%) et Allemands (2,3%). Les étrangers non Européens représentent 7% de la population. Parmi eux, les Capverdiens, les Nord-Américains et les Chinois sont les plus nombreux.
Le sujet divisait profondément la population luxembourgeoise qui craint la dilution de son influence dans la société alors que les étrangers sont déjà indispensables à l'économie très ouverte de ce pays enclavé entre la France, la Belgique et l'Allemagne.
En raison de leur moyenne d'âge, moins élevée que celle de l'électorat luxembourgeois, et de leur profil socio-professionnel --une majorité travaille dans le secteur privé tandis que de nombreux électeurs luxembourgeois viennent de la fonction publique--, l'octroi du droit de vote aux étrangers aurait profondément modifié le paysage politique.
'Se faire Luxembourgeois'
La coalition libéraux-socialistes-Verts au pouvoir faisait campagne pour le "oui", soutenue par les syndicats, l'Eglise catholique et la société civile. Mais le parti chrétien-social CSV de Jean-Claude Juncker, rejeté dans l'opposition en 2013 après avoir dirigé le pays presque sans discontinuer depuis 1945, était contre.
Sortant du bureau de vote de Gasperich, quartier populaire de la capitale, Nicole, 55 ans, une employée communale mariée à un Français, a voté "non", estimant qu'il faut régler le problème en accordant la nationalité à plus d'étrangers.
"Je crois que les gens doivent se faire Luxembourgeois", avait-elle expliqué.
M. Bettel a saisi dimanche soir cette perche, tendue notamment par le CSV, qui a déposé une proposition de loi pour assouplir les procédures de naturalisation des étrangers. "Les Luxembourgeois ont préféré le choix de la naturalisation. On doit faire un texte avec un consensus le plus large possible pour continuer l'intégration" des étrangers, a-t-il plaidé.
Même dans des localités accueillant une importante population issue de l'immigration, le "non" est largement majoritaire. A Gasperich, Jena, une mère de famille d'origine portugaise, a voté contre. "Ce n'est pas notre pays. Moi j'ai opté pour la double nationalité et je me suis intégrée dans cette culture qui n'était pas la mienne. Chacun doit rester à sa place", a-t-elle dit à l'AFP.
Les Luxembourgeois ont également rejeté massivement les deux autres questions posées ce dimanche, sur l'abaissement de l'âge du droit de vote de 18 à 16 ans ("non" à 80,87%) et sur la limitation des mandats de ministres à dix ans consécutifs ("non" à 69,93%).
Le vote est obligatoire au Luxembourg. Les ressortissants européens participent déjà aux scrutins locaux et européens.
07 juin 2015, Véronique POUJOL
Source : AFP