Indésirables au Bangladesh comme en Birmanie, des centaines de migrants, retrouvés amaigris et affamés sur un bateau à la dérive dans le Golfe du Bengale, vivent depuis trois jours dans des tentes à la frontière entre les deux pays.
Après avoir vécu des semaines entassés sur un bateau à destination de la Malaisie - un voyage périlleux tenté pour fuir les persécutions ou la pauvreté-, ils sont de retour quasiment à l'endroit où tout a commencé.
Les autorités birmanes ont découvert, il y a quelques jours, à bord de ce bateau, 733 personnes, membres de la minorité musulmane persécutée des Rohingyas et Bangladais. Dans leur grande majorité, ce sont des hommes mais des femmes et enfants se trouvaient également sur l'embarcation abandonnée par des passeurs à la fin du mois dernier.
Mercredi, la Birmanie leur a permis de débarquer en Etat Rakhine, dans l'ouest du pays.
Ils ont été conduits dans des camps dans une région isolée à la frontière entre la Birmanie et le Bangladesh, où ils ont retrouvé un autre groupe de 200 migrants, sur les lieux depuis plusieurs jours en attendant de savoir quel pays va les accueillir.
Aucune nation ne semble prête à les accepter pour l'instant et les groupes de défense des droits de l'Homme craignent que certains puissent être envoyés du mauvais côté de la frontière.
"Je veux retourner au Bangladesh. Je prie Dieu pour être en mesure de rentrer à la maison rapidement", confie Shophikuu, de Chittagong, au Bangladesh, qui espérait trouver du travail en Malaisie.
Nishok, qui a été kidnappé et forcé de monter sur le bateau, s'accroche lui aussi à l'espoir de revoir sa famille.
"Un trafiquant m'a demandé si je voulais aller en Malaisie. Comme je refusais de venir, il a pointé son arme sur moi et m'a emmené jusqu'au bateau", raconte le jeune homme de 24 ans, originaire de la région pauvre de Cox's Bazar au Bangladesh où vivent environ 300.000 réfugiés rohingyas.
D'après des témoignages recueillis par des ONG, certains migrants seraient en effet emmenés de force par des trafiquants qui les revendent ensuite à des entreprises malaises ou exigent de leur famille des rançons pour leur libération.
Evoquant les difficultés du voyage, Nishok confie n'avoir eu le droit qu'à un seul maigre repas par jour. "Ma mère et mon père me manquent tellement. Je veux vraiment les voir", dit-il.
Vérification des nationalités
La crise des migrants en Asie du sud-est est la conséquence de la nouvelle politique répressive de la Thaïlande, autrefois voie de passage des filières clandestines. Le sort de milliers de migrants abandonnés en mer par leurs passeurs a suscité l'émotion du monde entier.
Depuis, la Birmanie et le Bangladesh, pays de départ des migrants, sont sous pression, la communauté internationale leur demandant d'aider les migrants en perdition et d'améliorer les conditions de vie pour mettre un terme à l'exode.
Les autorités birmanes ont laissé certaines organisations comme le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) et Médecins sans frontières accéder aux camps de migrants pour qu'ils puissent distribuer de la nourriture, de l'eau et prodiguer les premiers soins.
Mais leurs perspectives restent floues.
Un fonctionnaire de l'immigration birmane a déclaré à l'AFP que la plupart des 200 premiers boat people accueillis dans ces camps seraient rapatriés au Bangladesh.
Un porte-parole des gardes-frontières du Bengladesh à Cox's Bazar a de son côté confirmé que son pays allait rapatrier lundi 150 de ses ressortissants figurant dans ce groupe, Dacca n'acceptant de recevoir que ses propres citoyens.
En Birmanie, la plupart des 1,3 million de Rohingyas sont apatrides et n'ont donc pas la citoyenneté, puisque le gouvernement les considère comme des immigrants illégaux en provenance du Bangladesh. Discriminés, ils n'ont pas accès au marché du travail, au système de santé et à l'école.
Depuis 2012, l'exode des Rohingyas de l'Etat Rakhine en cours depuis de nombreuses années, s'est encore accéléré après une série de violences, qui ont fait plus de 200 morts.
"Je veux revenir chez moi et voir mes enfants et mes parents", témoigne Mar Moot Toyo, Rohingya de 25 ans originaire de l'Etat Rakhine, en montant dans un camion qui l'emmène dans un camp.
06 juin 2015,Phyo Hein KYAW
Source : AFP