jeudi 4 juillet 2024 04:30

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Rien de changé depuis l'immigration des Italiens fin du XIXè

L’immigration Italienne ne fut pas "bien reçue". Quand j’ai l’occasion d’en faire mention autour de moi, on me répond « c’était différent ils étaient catholiques » ! Les Français ne retiennent de leur histoire que ce qui les arrangent. Et si on a le malheur de comparer le traitement actuel des Maghrébins avec celui des Italiens, on a l’air de commettre un crime de lèse-majesté !

Dans la bibliothèque de ma ville j’ai trouvé un petit livre de 80 p. qui relate l’émigration d’une nourrice piémontaise (Une nourrice piémontaise à Marseille, Catherine Blanc, Ed. Les Alpes de Lumière)J’en ai extrait ce qui suit :

« Confondue dans l’épopée gigantesque de toutes les émigrations de masse, l’histoire de chacun des émigrés de toute origine et de toute période a, presque toujours, laissé place à des histoires de grandes dimensions dans lesquelles il est difficile de retrouver, dans le témoignage d’une vicissitude collective, les différentes phases d’une histoire personnelle. (…)

C’est dans le cas de l’émigration des Piémontais en France qui se situe entre la fin du XIXè et le début du X siècle, un exode que l’histoire officielle a presque entièrement gommé(…)

Il s’agit pourtant d’un mouvement de population, transfrontalier ou permanent, qui a eu pour protagonistes quelques millions d’individus, presque un « exode biblique » d’hommes et de femmes à la recherche d’un avenir de survie et de travail que leur pays natal, l’Italie, ne leur offrait pas.(…)

A partir des montagnes, des collines et des plaines de l’Italie entière, du Nord et du Sud des hommes et des femmes se jetaient dans une aventure, seuls ou par famille entière, humiliés et avilis par le sous-développement de leur patrie et par leurs conditions personnelles qui les rendaient, toujours, ou presque toujours, des « parias » dans leur nouvelle situation. L’absence de capacités professionnelles et le fait de ne pas savoir ni lire, ni écrire, en italien comme évidemment en français, étaient autant d’obstacles auxquels ces hommes et ces femmes ont dû faire face. Leurs histoires restent encore à écrire : seules quelques recherches ont donné des éclairages révélateurs sur cette présence de ces « nouveaux venus » qui, chaque année, se présentaient, par dizaines de milliers, aux frontières françaises en quête d’un travail et d’un avenir et que plusieurs parmi les habitants du lieu considéraient des intrus, voire des malvenus. Voici, par exemple, la description de l’arrivée des Italiens par bateau : »(…)

Encore tous transis d’une nuit glaciale et d’une matinée presque froide, les gens qui étaient là, parqués comme un bétail dans l’entrepont, avaient l’air de se dégeler au contact de la bonne chaleur automnale. Les hommes gesticulaient et vociféraient en des dialectes divers. (…) Après avoir fauché les foins et les blés, arrachés le maïs, cueilli le raisin, gaulé les châtaignes et les noix dans les champs du pays natal, ils s’en allaient, selon leur coutume, passer l’hiver à Marseille. (…) Les riches plaines qui se déployaient (…) ils y avaient séjourné en qualité de manœuvres agricoles, de terrassiers et d’ouvriers d’usine. Brutaux, loquaces et vantards, ils tendaient leurs bras vers la terre vermeille, avec des gestes de possession…» «

Le romancier Louis Bertrand décrit :

«   Les Piémontais se trouvaient, en majorité, facilement reconnaissables à leurs feutres hyperboliques et à leur foulard d’un rouge cru. De tenue plus discrète et plus citadine, les Toscans et les Romagnols formaient aussi un contingent respectable…la grande foule houleuse et bigarrée de l’invasion italienne, où sonnaient tous les dialectes de la Péninsule. De loin en loin, quelques provençaux de pure race, reconnaissables à la finesse de leurs traits et à la jolie couleur blonde de leurs moustaches, coudoyaient les gars du Piémont, aux pommettes rouges et à l’encolure de taureaux... »

Il existerait un dessin paru dans Le Charivari, le 12 janvier 1856, son titre « L’invasion » d’Honoré Daumier, qui représenteraient les Italiens comme des chiens éthiques qui violent la vie et la tranquillité des Français, introuvable sur le net.

Cette concurrence dans le travail ne tarda pas à susciter des querelles, et, partant, une vive xénophobie, preuve que l’homme ne retient jamais les leçon de l’Histoire. La population française s’accroissait de façon très moyenne, tandis que les industries et les travaux publics faisaient face à un progrès vertigineux. La France était donc à la recherche d’une main-d’œuvre abondante.

Or, le fait que les ouvriers italiens acceptaient des salaires médiocres était très mal vus par leurs collègues français et la réputation d’Italien «briseur de salaire» était communément répandue, à tel point que, pour l’ouvrier français, l’immigration italienne était une cause de la misère et du chômage. Les patrons français ne s’y trompaient pas et avaient beau jeu de proposer des salaires misérables à des hommes affamés. On trouvait dans leurs bouches des propos forcément élogieux :

« [Les Italiens] se distinguent des autres ouvriers par leurs habitudes d’ordre et leur sobriété. (…) Ils sont en général laborieux, vivant de peu (…) plus dociles que nos nationaux, font volontiers des quarts d’heure et même des demi-heures en sus de la durée réglementaire.

On les appelait "les Ritals", "les Macaronis" ou "les Babis". Arrivés en masse au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle à Marseille et en Provence, les Italiens ont accompagné l'essor industriel et commercial de la cité phocéenne. Main-d’œuvre bon marché et corvéable, parfois utilisée par le patronat pour "casser" les grèves, ils ont constitué jusqu'à 25 % de la population marseillaise dans l'entre-deux guerres.

On accuse en effet les "Babis" de tous les maux : incapables de s'intégrer, ils continuent de parler leur langue. Ils font également trop d'enfants, prennent le travail des Français et sont coupables de tous les crimes et délits. Des griefs qui font écho au discours actuel de l'extrême-droite, mais qui émane souvent à l'époque... de syndicalistes et de la gauche. "Les affiches ou des articles dans les journaux du début du siècle dernier sont d'une violence inimaginable : certains sont de vrais appels au meurtre" rappelle Ramzi Tadros. "Paradoxalement, les personnes issues de cette immigration l'ont oublié, comme si les aspects négatifs avaient été occultés de la mémoire familiale".

Il nous est resté en mémoire quelques célébrités qui ont fait la gloire de la France : Émile Zola, Coluchi, Cavanna, Pierre Milza, … et aussi leur coutumes alimentaires : les raviolis (1), les pizzas, la soupe (minestrone) au pistou, la polenta (maïs), des fromages que nous avons adopté dans notre quotidien : parmesan, mozarelle,

C'est à la fois l'actualité constante depuis un siècle et demi dirigée toujours contre les derniers arrivants, et l'annonce du livre de Blaz (De la visibilité migratoire: mon premier livre publié) qui m'ont inspirée de repéter toujours les mêmes choses… les humains étant ce qu'ils sont n'apprenant rien de leur expérience passée, dirait-on.

07 juin 2015, Annie Stasse

Source : mediapart.fr

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