Alors que la nouvelle instance de dialogue avec l’islam va se tenir pour la première fois dans une semaine, le ministre de l'Intérieur a reçu samedi une trentaine de musulmans afin de discuter de la place de leur religion en France.
Dans un grand salon du ministère de l’Intérieur, ils attendent sagement le maître des lieux, Bernard Cazeneuve. Choisis par des médias communautaires, une trentaine de Français de confession musulmane, des quadras majoritairement, parmi lesquels une douzaine de femmes, ont été conviés, samedi en fin de journée, afin de discuter avec lui des dossiers liés à l’islam.
La République doit «inclure tous ses enfants», plaide, d’abord dans sa courte introduction, le ministre, qui multiplie les rencontres avec les milieux musulmans depuis les attentats de janvier. L’entretien, lui, a une portée particulière car il se tient huit jours avant que le gouvernement ne réunisse, pour la première fois, la nouvelle instance de dialogue avec l’islam. Incluant le Conseil français du culte musulman (CFCM), ce sommet de l’islam de France rassemblera, le 15 juin, plus de 150 personnalités issues du monde musulman français pour aborder des dossiers qui vont des actes antimusulmans jusqu’aux financements du culte.
Un discours d’apaisement
Ce samedi à Beauvau, dès l’ouverture des débats, le CFCM est pris à partie. «Au bout de cinq mandats, il n’a résolu aucun des problèmes qui concernent le culte musulman, pointe vigoureusement Abdelatif, un responsable d’association. Rien n’a bougé.» Plutôt zen, Bernard Cazeneuve se livre à un difficile exercice d’équilibriste pour défendre l’institution : «Je pense que le CFCM a fait de son mieux», dit-il, reconnaissant aussi une «responsabilité de l’Etat» dans le fait que les dossiers n’aient pas suffisamment avancé. A propos du financement du culte ou des constructions de mosquées, le ministre estime qu’il faut «mettre des règles pour assurer la transparence». Plaidant pour une laïcité elle aussi «inclusive», il s’insurge qu’on l’invoque à tort et à travers, comme pour interdire les repas de substitution dans les cantines scolaires.
Un participant soulève un autre dossier très polémique, la question des circuits de la viande halal. «Les contrôles ne sont pas sérieux, dit-il. A peu près n’importe qui peut prétendre commercialiser du halal.» Une femme évoque pour sa part la possibilité de prélever une taxe qui permettrait de financer le culte musulman et des actions innovantes. Bernard Cazeneuve réfute cette idée, non conforme, selon lui, au droit français. «Mais, poursuit-il, nous sommes disposés à aider les professionnels du secteur à mener ensemble une réflexion.»
Pour conforter son discours d’apaisement, le ministre regrette l’instrumentalisation de questions liées à l’islam «pour alimenter les polémiques» politiques. Au premier rang, Leïla l’interpelle sur le port du voile à l’université. Le ministre n’est clairement pas favorable à son interdiction. En revanche, il est plus évasif sur la question de l’accompagnement des sorties scolaires par les mères voilées. «Pour la fête de l’école, on sait nous demander de cuisiner des gâteaux, pointe une participante voilée. Mais lorsqu’il s’agit des sorties scolaires, c’est plus compliqué. Mon fils ne comprend pas pourquoi je ne peux pas les accompagner.» Cazeneuve botte en touche, en appelant au cas par cas mais posant le principe de l’interdiction du «prosélytisme à l’école».
Au fil du débat, les invitations pleuvent. Le ministre est convié à un repas de rupture du jeûne pendant le mois du ramadan (à partir du 18 juin), à l’inauguration d’une mosquée, à un match de foot… Il prend note. Autour du buffet, il est encore assailli de questions. Chacun veut aussi sa photo souvenir. Il propose d’en faire une collective sur les marches de l’hôtel de Beauvau.
7 juin 2015, Bernadette SAUVAGET
Source : Libération