jeudi 4 juillet 2024 04:26

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Mémoire d'une immigration à Lampedusa

C’est dans un contexte tendu que le collectif Askavusa nait en 2009, à Lampedusa, en Italie. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Roberto Maroni, veut remplacer le centre d’accueil et de premier secours par un centre d’identification et d’expulsion.

Un grand mouvement de protestation se lève face à ce projet de centre de rétention et un bras de fer démarre entre la population de Lampedusa et le ministre qui militarise les frontières. Ce dernier n’aura pas gain de cause et doit abandonner son idée.

Qu’est-ce que ce collectif ? Askavusa, pieds-nus en sicilien, veut promouvoir des activités culturelles autour de la migration et des libertés civiles, un engagement auprès des immigrés, une dénonciation des politiques migratoires et de la militarisation des frontières en Méditerranée. Askavusa, c’est le « Lampedusa InFestival», un festival de cinéma et de documentaires autour des flux migratoires, de la culture du bassin méditerranéen, de la question des rencontres et de la coexistence entre des populations et des traditions culturelles différentes. Askavusa, c’est aussi une exploration quasi quotidienne des plages et une collecte d’objets trouvés dans les bateaux abandonnés de migrants, traces de leur passage.

En février 2014, ces objets sont réunis dans un espace baptisé « Porto M ». Pourquoi M ? M comme migration, Méditerranée, militarisation, mémoire, mer, etc. Alignés sur de fragiles rayonnages en bois, des centaines d’objets sont précieusement exposés sans artifices, leur seule existence parlant bien plus que des mots qui pourraient altérer leur valeur intrinsèque. Nettoyés, restaurés et conservés, ces objets-archives vont de la photographie à la nourriture, en passant par des livres, des vêtements, des lettres, de la vaisselle, des cassettes de musique ou bien encore des gilets de sauvetage orange criard.

Ce sont aujourd’hui plus de 800 objets qui sont archivés, étiquetés et datés par l’association. Parmi eux, une quarantaine de lettres, numérisées et traduites par Askavusa, ont été envoyées pour être restaurées par la bibliothèque régionale de Palerme.

Porto M est le seul espace de mémoire consacré aux migrants. Il témoigne du passage de milliers d’hommes et de femmes sur cette petite île italienne de 24 km2. Elle est un peu l’Ellis Island du XXIème siècle, aujourd’hui visité par de nombreux descendants d’immigrants qui y sont passés entre 1892 et 1954. Dans plusieurs décennies, peut être que des enfants et des petits-enfants voudront venir se recueillir et/ou voir dans quelles conditions sont arrivés leurs ancêtres en Europe. Pour ceux qui y sont arrivés.

A la croisée des cultures, Antonino Taranto, fondateur bénévole du petit musée des archives historiques de Lampedusa, accueille les migrants dans son musée Via Roma. Résultat d’une collecte de plus de 40 ans, on y trouve des témoignages, du matériel et des images qui nous plongent dans la mémoire de Lampedusa. Depuis quelques années maintenant, son activité s’ouvre à une nouvelle mémoire, la trace du passage des migrants. Et c’est avec des documentaires sur l’histoire de l’île, et la projection de musiques de leurs pays, qu’il établit une connexion entre la culture Lampedusienne et celle des réfugiés.

« Il est important de se souvenir de nos racines, cela redonne leur identité et leur dignité aux habitants. Seule la connaissance de l’histoire permet de respecter son environnement » (Antonino Taranto)

15 juin 2015, Camille Causse

Source : liberation.fr

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