L'Union européenne peine à se mettre d'accord sur un minimum de solidarité pour accueillir des demandeurs d'asile et soulager les pays méditerranéens, poussant l'Italie à envisager un "plan B" qui fait craindre qu'elle laissera passer chez ses voisins les migrants affluant sur son territoire.
"Il est temps de regarder au-delà des intérêts nationaux", a lancé le commissaire Dimitris Avramopoulos après une réunion des ministres de l'Intérieur européens à Luxembourg où aucun compromis n'a pu être dégagé.
"La solidarité n'est pas volontaire. Cela ne peut pas marcher", a-t-il affirmé. "Elle ne se négocie pas", a-t-il ajouté, demandant aux Européens "d'éviter les marchandages (...) ou les accusations mutuelles".
La Commission européenne a proposé en mai que les États se partagent la prise en charge de 40.000 demandeurs d'asile originaires de Syrie et d'Érythrée arrivés en Italie et en Grèce depuis le 15 avril, alors que 100.000 personnes sont clandestinement entrées dans l'UE depuis le début de l'année, selon l'agence Frontex.
L'exécutif européen a également invité les 28 à accueillir 20.000 réfugiés syriens en provenance de pays extérieurs à l'UE.
L'Italie, en première ligne en raison de sa proximité avec la Libye, pays plongé dans le chaos, a dû prendre en charge près de 60.000 personnes arrivées par la mer depuis le début de l'année. Et de plus en plus de migrants passent clandestinement en Grèce par la Turquie.
Le Premier ministre italien Matteo Renzi a haussé le ton lundi. "Les Européens ont le devoir d'affronter tous ensemble le problème des immigrés".
"L'Europe doit faire sa part (...) Si elle ne le fait pas, nous ferons tous seuls. C'est notre +plan B+" qui représenterait "une défaite" pour l'Europe, a-t-il lâché.
En 2011, le gouvernement dirigé par Silvio Berlusconi avait décidé de laisser passer les migrants arrivés sur le territoire italien sans les contrôler, pour dénoncer le refus des autres États de l'UE de l'aider à gérer les flux migratoires irréguliers.
Le ministre italien Angelino Alfano a démenti mardi que Rome envisage de donner aux migrants et aux candidats à l'asile des permis provisoires de trois mois leur permettant de circuler dans l'espace Schengen.
-'Crise migratoire'-
Un scénario de "crise migratoire" que la France et l'Allemagne cherchent à éviter à tout prix. Les ministres français, italien et allemand se sont d'ailleurs rencontrés en marge, pour évoquer notamment la situation près de Vintimille.
Les gendarmes français empêchent depuis jeudi 200 migrants africains d'entrer en France depuis cette ville côtière italienne, au grand dam de Rome qui dénonce "un coup de poing à la face de l'Europe".
Le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a appelé à la "responsabilité". "La responsabilité, c'est un dispositif qui permette à partir des points d'arrivée des migrants de distinguer ceux qui relèvent de l'asile en Europe de ceux qui relèvent de l'immigration économique irrégulière, et organiser le retour des migrants en situation irrégulière", a-t-il expliqué.
"Si cette responsabilité n'est pas mise en oeuvre, cela risque de signifier la fin de la libre circulation en Europe. Nous voulons l'éviter, mais chacun doit être conscient du danger", a insisté à ses côtés l'Allemand Thomas de Maizière.
Les désaccords entre Européens sont tels que la discussion a été renvoyée au sommet de chefs d'Etat la semaine prochaine.
Les 28 contestent les propositions de Bruxelles tant sur le fond que sur la forme. La clef de répartition des demandeurs d'asile, en fonction notamment du PIB et du chômage, divise.
Certains craignent que ce mécanisme ne devienne ensuite permanent. "Ce qui peut être acceptable pour 40.000 personnes devient impossible pour 200.000", selon un diplomate européen. D'autres refusent obstinément le caractère obligatoire, préférant un programme sur la base du volontariat.
Concrètement, la France est appelée sous deux ans à prendre en charge 9.000 réfugiés et demandeurs d'asile syriens et érythréens, et l'Allemagne 11.849. Or, ces deux pays sont ceux qui traitent le plus de demandes d'asile chaque année.
Le commissaire Dimitris Avramopoulos s'est toutefois dit "optimiste", assurant qu'un accord peut être trouvé fin juillet.
16 juin 2015,Christian SPILLMANN
Source : AFP