La 5-ème édition du Forum mondial sur les transferts d'argent et le développement "GFRD-2015" a ouvert ses travaux, mardi à Milan, en présence de hauts responsables gouvernementaux de plusieurs pays, de décideurs politiques, d'acteurs du secteur privé et de responsables de la société civile, dans le but d'"établir une feuille de route pour l'amélioration des envois de fonds".
La tenue de ce Forum coïncide avec la célébration de la première Journée mondiale du transfert d'argent, déclarée officiellement par le FIDA, et qui se tiendra chaque année le 16 juin dans l'objectif de "reconnaître et de sensibiliser la communauté internationale à la contribution fondamentale des travailleurs migrants au bien-être de leurs familles et communautés ainsi qu'au développement durable de leurs pays d'origine".
Organisée par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA), la Banque mondiale (BM) et la Commission européenne en collaboration avec l'Exposition universelle de Milan "Expo-2015", qui se tient à Milan du 1-er au 31 octobre prochain sous le thème "Nourrir la planète, Energie pour la vie", cette 5-ème édition est dédiée aux marchés mondiaux des transferts d'argent avec une attention particulière au développement des corridors européens et leur impact sur le développement économique mondial.
Les participants aborderont plusieurs sujets se rapportant aux transferts internationaux d'argent et aux solutions à trouver pour optimiser l'impact de ces flux sur le développement. Les discussions porteront sur une série de thèmes, qui seront au centre d'ateliers d'échanges et de sessions plénières, notamment "les corridors européens et le transfert d'argent", "les politiques et réglementations", "les réalisations, les enseignements et les défis", "le G20 et le programme de développement" et "le rôle de l'inclusion financière".
Les travaux du Forum seront marqués en particulier par la présentation du rapport "Travailleurs migrants et envois de fonds: flux et marchés européens", publié la veille par le FIDA et selon lequel les travailleurs migrants qui vivent en Europe ont transféré en 2014 dans leur pays d'origine 109,4 milliards de dollars US, apportant ainsi une aide précieuse à plus de 150 millions de personnes dans le monde.
L'une des principales conclusions de ce rapport, qui relève que ce montant représente un quart des envois de fonds à l'échelle mondiale, est que les familles qui en bénéficient dans le pays d'origine pourraient en tirer des avantages bien supérieurs à condition d'avoir accès à "des marchés de transfert d'argent plus compétitifs et à des services financiers ciblés pour les aider à économiser et/ou investir leurs fonds".
Selon ce document, l'Europe occidentale et la Russie étaient en 2014 les principales sources des envois de fonds. Les pays occupant les six premières places étaient la Russie (20,6 milliards de dollars), le Royaume-Uni (17,1 milliards), l'Allemagne (14 milliards), la France (10,5 milliards), l'Italie (10,4 milliards) et l'Espagne (9,6 milliards ), totalisant environ 75 pc de tous les envois en provenance d'Europe.
Malgré ces chiffres, les envois de fonds ne correspondent pas pour ces pays à une "sortie importante de richesse". D'après le rapport, les envois de fonds ont représenté pour chaque pays moins de 0,7 pc du PIB.
Côté pays destinataires, en 2014, environ un tiers des envois de fonds en provenance d'Europe, soit 36,5 milliards de dollars étaient destinés à 19 pays des Balkans, de la Baltique et d'Europe orientale, y compris 10 Etats membres de l'Union européenne. Les deux tiers restants, soit 72,9 milliards d'USD, ont été envoyés à plus de 50 pays en développement non européens.
Le rapport indique que sur les 19 pays européens destinataires d'envois de fonds, neuf sont les pays dont la plupart ont une économie essentiellement agricole qui dépendent le plus des envois de fonds en provenance d'Europe: ainsi, ces envois représentaient 22 pc du PIB pour la Moldavie et 17 pc pour le Kosovo.
En dehors de l'Europe, l'Afrique du Nord et l'Asie centrale sont les régions qui dépendent le plus des envois de fonds en provenance d'Europe, principalement de France et de Russie.
A une époque où le nombre de réfugiés fuyant les conflits et tentant de rejoindre l'Europe atteint des niveaux sans précédent, le rapport note également que l'Europe représente pour les Etats fragiles, dont par exemple l'Irak, le Mali, la Somalie, le Soudan, la Syrie ou le Yémen, une source considérable d'envois de fonds et que l'on pourrait faire beaucoup plus pour démultiplier l'impact des envois de fonds afin d'aider les pays à se stabiliser et à se reconstruire.
La majorité des fonds reçus est utilisée pour des biens essentiels nourriture, vêtements, logement, santé et éducation. Des études montrent cependant qu'il serait possible de consacrer jusqu'à 20 pc des fonds à l'épargne, aux investissements ou au remboursement de prêts consentis pour monter de petites activités.
Environ 40 pc des fonds envoyés sont destinés aux zones rurales, selon le rapport, qui note que les envois de fonds jouent un rôle de premier plan dans la transformation des communautés vulnérables.
Les envois de fonds équivalent à au moins trois fois l'aide publique au développement en faveur des pays en développement, relève le même rapport.
"L'immense potentiel de développement que présentent les envois de fonds reste largement sous-utilisé, mais nous pouvons faire en sorte que chaque euro, chaque rouble, chaque livre, chaque couronne ou chaque franc suisse durement gagné et envoyé au pays soit encore davantage mis à profit", déclare Kanayo F. Nwanze, président du FIDA.
Dans le rapport, il est recommandé d'améliorer l'accès aux services financiers de base tels que l'épargne et le crédit, mais également de fournir aux familles des services non financiers adaptés à leurs besoins, comme l'assistance technique pour le développement d'entreprises ou des programmes d'éducation financière.
"Les envois de fonds offrent une occasion exceptionnelle d'attirer des millions de personnes dans le secteur financier formel", estime Pedro De Vasconcelos, co-auteur du rapport et coordonnateur du Mécanisme de financement pour l'envoi de fonds au FIDA.
"Compte tenu de l'interaction fréquente entre les expéditeurs et destinataires des envois de fonds et le système financier, les envois de fonds pourraient donner naissance à des rapports entre les banques et les familles, sur le long terme, susceptibles d'améliorer les conditions de vie de ces familles".
Des progrès importants ont été accomplis au cours des dernières années en matière de réduction des frais de transfert. Mais De Vasconcelos ajoute qu'il serait possible de faire beaucoup plus avec une concurrence accrue. Si l'on parvenait à ramener les frais de transfert à 5 pc, conformément à l'objectif du G20 fixé en 2009, les migrants et leurs familles dans le pays d'origine pourraient économiser la somme de 2,5 milliards de dollars.
"Nous devons faire en sorte que cet argent durement gagné puisse être transféré à moindre frais, mais surtout qu'il permette aux familles de se construire un avenir meilleur, en particulier dans les communautés les plus défavorisées pour lesquelles cette aide est essentielle", a déclaré Nwanze à propos des conclusions du rapport, présenté lundi lors d'une conférence de presse à Rome.
Avec plus de 500 milliards de dollars américains envoyés par les travailleurs migrants vers leurs pays d'origine d'ici à la fin 2015, les transferts d'argent représentent un flux essentiel de devise étrangère avec un impact énorme sur les communautés locales car "ces sommes d'argent importantes permettent de subvenir aux besoins de millions de familles".
16 juin 2015
Source : MAP