Résolu à agir contre la politique européenne d’immigration qui a déjà coûté la vie à quelque 2 000 personnes en 2015, un collectif d’artistes berlinois se mobilise. Citoyens et Eglises suivent le mouvement.
Ils étaient plus de 5 000, selon la police, à manifester à Berlin le 21 juin et à planter des croix sur la pelouse du Bundestag. “Il est trop facile de rester ferme comme le fait Berlin sur sa politique de fermeture des frontières, quand on ne voit pas les cadavres”, dénonce Philipp Ruch, directeur du collectif d’artistes Zentrum für politische Schönheit (ZPS, Centre de beauté politique), auquel revient l’initiative.
“Aux migrants inconnus”
Le ZPS a entrepris d’offrir, au moins symboliquement, une sépulture aux migrants morts en Méditerranée, et avait appelé à une “Marche des [citoyens] résolus”, pour dénoncer la “politique mortelle d’immigration de l’Allemagne et de l’Union européenne”, ainsi que la militarisation des frontières extérieures de l’Union, relate Der Freitag. Le monument en forme d’arc portant l’inscription “Aux migrants inconnus” que le collectif souhaitait laisser devant la chancellerie n’a toutefois pas pu être érigé.
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La mobilisation avait démarré le 16 juin par les funérailles, au moins formelles, de l’“Inconnue N°2” – une Syrienne qui a péri en mars en Méditerranée avec son enfant de 2 ans, tandis que son mari et trois autres de ses enfants parvenaient à survivre –, au cimetière musulman de Berlin-Gatow, en présence d’un imam. Une pratique qui pourrait se répéter à l’avenir car, explique Philipp Ruch à Der Spiegel, après des mois de recherches en Italie, en Grèce, en Libye, aux frontières extérieures de la forteresse Europe, le ZPS serait en mesure d’inhumer dix corps identifiés et aptes à être transférés à Berlin.
Die Tageszeitung, de son côté, rend compte de l’enquête menée par l’un des artistes du collectif. Il s’est rendu notamment à la morgue d’Augusta, en Sicile, où 17 cadavres d’Africains, repêchés après le naufrage du 31 mai en Méditerranée, restaient empilés dans des draps et sacs poubelles, avant un futur enterrement anonyme.
23 000 cloches
L’action des artistes semble avoir touché une fibre dans le pays. Les Eglises, par ailleurs très impliquées dans l’aide aux réfugiés, commencent elles aussi à manifester haut et fort leur désaccord et leur impatience face aux chiffres croissants de victimes en Méditerranée.
Ainsi, au soir du 19 juin, l’évêché de Cologne a appelé au recueillement sur le parvis de la cathédrale et mis à contribution 230 églises pour faire retentir 23 000 coups de cloches, en mémoire des 23 000 migrants morts en Méditerranée depuis 2000. Objectif : “Réveiller la société civile et le monde politique [et] exiger une politique européenne d’immigration qui offre une voie légale aux réfugiés”, explique le cardinal Woelki au magazine Der Spiegel.
Deux jours plus tard, relate Die Tageszeitung, les ministres des Affaires étrangères de l’UE réunis à Luxembourg ont lancé la première phase d’“Eunavfor Med”, le programme militaire européen de lutte contre les passeurs.
23/06/2015 , Danièle Renon
Source : Courrier international