La crise migratoire européenne est devenue plus aigüe mercredi, avec les réticences de la Hongrie à appliquer un règlement de l'UE sur l'asile, alors que l'afflux de dizaines de milliers de migrants mobilise l'ensemble des gouvernements du continent.
"La barque est pleine", avait lancé mardi Zoltan Kovacs, le porte-parole du gouvernement hongrois, en annonçant que son pays suspendait sine die le texte dit "Dublin III", l'une des pierres angulaires de la politique commune envers les migrants.
Sous la pression de Bruxelles et de l'Autriche voisine, courroucée, la Hongrie a fait formellement machine arrière mercredi, tout en demandant à ses partenaires de la "patience".
Concrètement, Budapest continue d'invoquer le manque de places d'accueil sur son sol pour refuser, au moins temporairement, que soient reconduites en Hongrie des personnes qui seraient entrées dans l'UE via ce pays, avant d'être interpellées ailleurs, notamment en Autriche ou en Allemagne.
Selon la branche hongroise de l'ONG Comité d'Helsinki, le nombre de personnes concernées est relativement modeste : quelques centaines depuis le début de l'année.
Le demi-recul de Budapest devrait lui éviter le risque d'une procédure communautaire pour infraction aux traités européens.
Reste que, venant après les appels de l'Italie à plus de solidarité européenne, la valse-hésitation hongroise est une nouvelle mise en cause de la politique migratoire de l'UE, à la veille d'un sommet européen à Bruxelles qui sera en partie consacré à ce sujet.
Il y a une semaine, le dirigeant conservateur hongrois Viktor Orban avait déjà annoncé qu'une clôture de 175 km de long serait érigée à la frontière serbo-hongroise.
Hausse vertigineuse dans les Balkans
La Hongrie est devenue le point de passage principal des très nombreux migrants qui empruntent ce que l'agence européenne Frontex nomme "la route des Balkans occidentaux" pour gagner l'Europe du nord.
C'est l'un des trois itinéraires privilégiés par les personnes qui fuient la guerre, avec la Méditerranée centrale en Italie et la Méditerranée de l'est en Grèce.
Chacun de ces parcours voit passer un tiers environ de ces migrants arrivant d'Irak, de Syrie, d'Afghanistan et de plusieurs pays africains en proie à la violence. Mais selon le dernier bilan établi mardi par Frontex, c'est bien la route des Balkans qui connaît la plus forte augmentation depuis le début de l'année. Entre janvier et mai, plus de 50.000 migrants y ont été repérés, soit une hausse vertigineuse de 880% par rapport à 2014.
Malgré ces chiffres, "tout le monde ne regarde que la Méditerranée", avait accusé mardi Zoltan Kovacs. Peter Szijjarto, le ministre des Affaires étrangères, a encore insisté mercredi matin : son pays est dépassé "techniquement" par l'afflux des migrants.
La Hongrie 'a quitté l'Europe'
Devant les députés hongrois, le gouvernement a expliqué qu'il devrait "augmenter ses capacités d'accueil avant de pouvoir accueillir d'autres réfugiés". "Nous sommes en train de négocier la réception de 6.000 à 7.000 réfugiés, nous avons demandé patience dans leur cas", a précisé Laszlo Tasnàdi, le secrétaire d'Etat aux Armées.
L'opposition de gauche avait auparavant accusé le pouvoir conservateur d'avoir "quitté l'Europe". Selon les mots du parti DK, "le gouvernement ne fait même pas le minimum. Plutôt que gérer quelques centaines de réfugiés, il affiche la pancarte +Complet+".
Le Royaume-Uni a de son côté annoncé mercredi le renforcement du contrôle de l'immigration clandestine au port de Douvres. La veille, des migrants avaient tenté de profiter de la grève de la compagnie MyFerryLink à Calais, sur la rive française de la Manche, pour monter dans des camions et rejoindre l'Angleterre.
Le Premier ministre David Cameron s'est dit prêt, par ailleurs, à accroître la contribution financière britannique aux efforts français pour renforcer la sécurité à Calais.
Enfin en Italie, le chef du gouvernement Matteo Renzi a de nouveau réclamé, dans une tribune à La Stampa, que l'Europe prenne à bras-le-corps le drame des migrants. "Si la solidarité et la responsabilité l'emportent, les solutions se trouvent (...). Si au contraire prévaut l'égoïsme et la peur, nous risquons de perdre l'idée même de l'Europe", a-t-il dit.
24 juin. 2015,Géza MOLNAR et Christophe SCHMIDT
Source : AFP