Depuis le 5 mai, tous les consulats de France au Maroc ont externalisé leur service d’accueil des visas. Un visa plus cher, mais peut-être un plus grand nombre de visas délivrés. Yabiladi s’est demandé ce que les Marocains avaient à y gagner.
« J’ai demandé mon rendez-vous pour le visa le 11 mai, la première date de libre c’était le 3 juillet », note Dounia, 29 ans, employée dans une société française à Casablanca. Depuis le 28 avril, à Casablanca, et le 5 mai, à Rabat, les consulats de France externalisent l’accueil du public du service des visas. La réception des dossiers de demande de visa de courts séjours et la délivrance des visas est assurée par la société privée française TLS Contact, mais la décision est toujours rendue par les services des consulats français.
Désormais, partout dans le pays, celui qui demande un visa court séjour auprès de la France, peut prendre rendez-vous sur internet et non seulement par téléphone – le numéro n’est plus surtaxé - et suivre sa demande sur le site TLS contact Maroc. Tous les consulats de France au Maroc sont doublés d’un centre TLS : 6 centres auxquels s’ajoute un centre TLS à Oujda qui permet aux habitants de l’Oriental de ne plus se déplacer jusqu’à Fès. Les services consulaires sont ainsi plus accessibles.
« Avant, au consulat, quand une personne qui demandait un visa ne parlait pas français, une personne âgée, par exemple, qui allait rendre visite à ses enfants en France, il fallait s’arranger pour trouver quelqu’un qui veuille bien traduire », se souvient Aberrazak, la quarantaine, qui s’apprête à demander à nouveau un visa pour la France, à l’approche des vacances. Aujourd’hui, le problème ne se pose plus car les employés de TLS contact sont Marocains. A contrario, cependant, les rendez-vous sont donnés par SMS. Les personnes analphabètes sont donc tout de même obligées de demander de l’aide.
Service premium
« Au consulat, on prenait rendez-vous pour une heure, mais il fallait prendre un ticket et attendre son tour, souvent très longtemps avant d’être reçu pour déposer son dossier de demande », se rappelle Dounia. D’après plusieurs témoignages, le temps d’attente est désormais réduit. Il le sera d’autant plus que le demandeur est riche. TLS Contact offre ainsi un service premium avec salon, petits fours et air de jeu mais aussi « un temps d'attente extrêmement réduit » pour ceux qui peuvent se permettre d’ajouter 269 dirhams aux frais de visa. Le recours à une société privée crée ainsi une distinction entre riches et pauvres dans un service jusque-là publique et donc égal pour tous.
La perspective d’avoir affaire avec une société privée plutôt que des représentants du consulat a aussi pour effet de rassurer un peu les demandeurs. « Toutes les fois où j’allais demander un visa, j’avais l’impression de passer un examen, même si mon dossier était complet. Le fait de savoir que les gens de TLS ne sont là que pour composer et récupérer les documents et pas pour prendre la décision, ça va me tranquilliser », se rassure Dounia.
+269 dirhams
Plus tranquille, mais pas plus rapide. Le temps d’attente pour obtenir un rendez-vous ou le temps d’attente pour obtenir le visa reste encore sensiblement le même, même si l’objectif est de le réduire. Dans ce contexte, le coût du visa augmente. Au montant universel pour un visa Shengen délivré par la France de 640 dirhams, il faut à présent ajouter 269 dirhams pour rémunérer le service de TLS Contact.
Devant le centre TLS Contact d’Abdelmoumen, à Casablanca, Souleymane, intermédiaire depuis 10 ans, accuse : « ils ne cherchent que l’argent, fonctionnent comme des robots, il n’y a pas de communication. » Pendant qu’il parle, les gardiens de TLS à l’entrée ordonnent aux gens qui attendent sur le trottoir devant la porte de s’éloigner.
Pour les consulats, l’externalisation devrait être, en toute logique, synonyme d'économie et donc de réduction du nombre d’employés. « Auparavant, la moitié de mon équipe était dédié à l’accueil du public marocain », reconnaît Gilles Barbao, consul général de France à Fès et répondant aux questions de Oujda City. Cependant, « j’ai la preuve que l’ambassadeur s’est engagé à me préserver mes effectifs, insiste le consul en brandissant la tribune de l’ambassadeur de France au Maroc, Charles Fries « Visa pour la France : Nouvelles orientations », à terme nous voulons offrir plus de visas que nous ne le faisons aujourd’hui ».
Plus de visas ?
La France a-t-elle réellement l’intention d’augmenter le nombre de visas délivrés aux Marocains en externalisant ses services ? « Il n’y a pas une politique qui vise une nationalité plutôt qu’une autre, c’est une politique plus générale. Laurent Fabius s’est donné pour objectif d’augmenter le nombre de visas délivrés aux étrangers, répond Gilles Barbao. Des orientations nous sont clairement données, par exemple, pour favoriser le personnel universitaire. » Le ministère des Affaires étrangères souhaite également favoriser les relations d’affaires et le tourisme, selon le consul.
Deux décisions concrétisent ces orientations générales au Maroc : « la délivrance plus systématique, depuis janvier 2013, de visas de circulation de plusieurs années aux acteurs quotidiens de la relation franco-marocaine […] et la délivrance quasi systématique, depuis le 1er mars 2014, d’un visa de circulation d’au moins un an aux jeunes diplômés marocains récemment titulaires d’un master obtenu en France », a écrit Charles Fries fin 2014. Le tourisme marocain en France reste visiblement à l’écart de ces facilitations.
Un accord de facilitation des visas est également en négociation entre le Maroc et l’Union européenne depuis longtemps. Il reste cependant conditionné à la ratification par le Maroc d’un accord de réadmission par lequel il s’engagerait à recevoir sur son sol tous les immigrés irréguliers expulsés d’Europe qui seraient passés par le Maroc. Accord que le Maroc se refuse toujours à signer, mais s’est engagé à négocier.
28.06.2015, Julie Chaudier
Source : yabiladi.com