Son visage s'éclaire à chaque fois qu'il évoque la destination finale de son voyage, les Etats-Unis. En dépit des dangers encourus et du renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine, Juan s'est lancé sur la route, pour traverser d'abord illégalement la frontière sud du Mexique, avant de poursuivre vers le nord.
Ce jeune homme svelte de 16 ans, dont le nom a été changé pour des raisons de sécurité, a la même histoire que des milliers de jeunes mineurs venus d'Amérique centrale.
"Je veux échapper à ma situation économique et à la violence. Je veux échapper aux gangs, à la drogue, car si je retourne au Honduras, ils peuvent me tuer", indique à l'AFP l'adolescent rencontré le long d'une voie ferrée, alors qu'il chemine depuis des jours sous une chaleur torride.
Jusqu'à présent, Juan s'est "seulement" fait voler au Guatemala, où on lui a braqué une arme contre le front pour lui dérober ses chaussures et ses vêtements.
"S'ils me tuent, ils me tuent, et si je reste vivant, j'irai de l'avant", dit-il à l'AFP après avoir échoué à grimper à bord de "La Bestia", le train qui traverse le Mexique jusqu'à la frontière des Etats-Unis, dont la vitesse s'est récemment accélérée pour empêcher les clandestins d'embarquer.
Juan finit par réussir à se hisser dans un train. Mais son périlleux voyage s'interrompt peu après. Vers minuit ce jour-là, près de Palenque, dans l'Etat du Chiapas qui partage une frontière avec le Guatemala, des agents de l'immigration prennent d'assaut ce train. Juan est alors conduit avec une dizaine d'autres migrants dans un véhicule de police avant d'être transféré vers un centre de rétention.
Il y a quelques mois, le jeune homme avait déjà été arrêté à Mexico et reconduit dans son pays, le Honduras. Mais sa mère l'a poussé à reprendre son sac à dos et repartir sur la route, malgré les nombreux périls qui pouvaient l'y guetter.
Augmentation des arrestations
Comme beaucoup d'autres, Juan a été pris au piège du vaste filet déployé par le Mexique depuis près d'un an, l'objectif étant de stopper l'afflux d'enfants non accompagnés vers les Etats-Unis suite à l'appel lancé en juillet 2014 par le président Barack Obama.
Selon des chiffres des autorités américaines, le nombre d'enfants migrants arrivant à la frontière américaine a diminué. Environ 23.000 mineurs ont été détenus entre octobre et juin, soit deux fois moins qu'à la même période l'an dernier.
Dans le même temps, les interpellations au Mexique ont augmenté de 20% en un an. Entre janvier et mai, 6.113 migrants mineurs ont été stoppés sur leur trajet.
Selon le père Tomas Gonzalez, qui dirige un refuge pour migrants dans l'Etat de Tabasco, l'appel lancé par Washington pour endiguer le flux de migrants mineurs a servi d'excuse à la mise en place d'un plan anti-immigration clandestine sur le sol mexicain.
"Les mineurs partent vers le nord depuis plus de 10 ans", relève M. Gonzalez, qui dénonce l'invention d'un soi-disant flux massif de migrants mineurs pour "justifier" ce plan Frontière Sud et "la vague de répression qui en a découlé".
Barack Obama a également demandé au Congrès américain d'approuver un plan d'aide d'un milliard de dollars pour aider les pays d'Amérique centrale, mais les militants attendent qu'une solution structurelle soit trouvée pour lutter véritablement contre la pauvreté et la violence qui poussent à l'immigration.
Pas découragés
Malgré le plan Frontière Sud et de nombreuses arrestations, beaucoup d'enfants centraméricains continuent de tenter leur chance.
Mauricio, un adolescent de 16 ans aux cheveux bouclés, était presque arrivé à la frontière avec le Texas lorsqu'il a été arrêté et renvoyé au Honduras. Deux mois plus tard, il était de retour à Mexico.
"S'ils m'attrapent, je recommencerai jusqu'à ce que j'arrive là-bas", lance ce fils d'agriculteurs qui rêve d'offrir une vie meilleure à sa mère et ses quatre frères.
Beaucoup d'autres font le voyage pour la première fois.
Carlos Antonio, 17 ans, est allongé au bord de la route, avec un petit groupe, après avoir marché 48 heures sans rien manger. Interrogé par l'AFP, l'adolescent indique être venu jusqu'ici "par la grâce de Dieu" et explique avoir des ampoules sous les pieds "aussi grosses que des doigts". Il affirme que la police lui a volé ses affaires à Mexico.
Un autre Hondurien, Alberto, 15 ans, espère, lui, rejoindre le Texas pour y trouver un emploi qui pourrait rapporter davantage que les 4,5 dollars journaliers qu'il touche dans son pays.
"C'est dur là-bas (au Honduras) avec les gangs. La plupart des jeunes les rejoignent. C'est une vie facile mais dangereuse", dit-il. Alberto estime qu'il "vaut mieux prendre des risques ici que là-bas". Puis il remet son sac sur le dos. Et reprend la route.
27 juin 2015
Carola SOLÉ
Source : AFP