Les Belgo-Marocains se sentent fortement liés à leur identité d’origine et sont majoritairement très fiers d’être musulmans. Pourtant, une grande majorité d’entre eux se sent autant belge que marocaine. C’est ce qui ressort d’une récente étude de la Fondation Roi Baudouin sur les Belgo-Marocains et les Belgo-Turcs.
Destinée à cerner le profil sociodémographique de ces deux communautés, de mieux comprendre leur positionnement et attitudes dans la société belge, cette étude a révélé que 61,7% des Belgo-Marocains se sentent «très fortement» et «fortement liés» à leur identité d’origine. Si on ajoute ceux qui ont répondu «assez bien» à cette question, ce taux s’élève à 84,3%. Une infime minorité (2,6%) de ces Belgo-Marocains considère que ce n’est pas du tout le cas. Les personnes considérant que leur identité d’origine est plus importante que leur sentiment d’appartenance à l’identité belge sont un peu plus nombreuses dans le groupe des Belgo-Turcs : 21,3% des enquêtés contre 15,7% dans le groupe des personnes d’origine marocaine. En 2009, ils étaient 19% à se sentir uniquement d’appartenance marocaine.
Cependant, précise l’étude, la majorité des Marocains (60%) se sent tout autant belge que marocaine. Il s’agit là d’une évolution majeure car ils n’étaient que 20% à déclarer la même chose en 2009 pour les Belgo-Marocains et 14% en 2007 pour les Belgo-Turcs. 17,1% se sentent plus belges que marocains.
Les analyses multivariées ont fait ressortir que plus la personne est active sur le marché de l’emploi, plus elle a un lien positif avec le fait de se sentir autant, voire plus belge qu’appartenant à son identité d’origine et ce pour les deux groupes.
Le document de la Fondation Roi Baudouin démontre, par ailleurs, que ce sentiment d’appartenance n’épargne pas ces Belgo-Marocains de se sentir discriminés. Au total, près de 49,9% d’origine marocaine estiment avoir été victimes de discriminations. La probabilité de se sentir victime de discrimination est corrélée de manière positive avec le fait d’avoir un diplôme de l’enseignement supérieur. Il semblerait donc qu’avoir un bagage intellectuel plus important rende plus sensible à la question de la discrimination. 40% des Belgo-Marocains sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur (universitaire, non-universitaire et bachelier).
L’emploi et l’espace public constituent les espaces les plus souvent répertoriés par les Belgo-Marocains comme étant des lieux où l’on se sent victime de discrimination. Le logement et les loisirs constituent des lieux de discrimination potentiels également significativement mentionnés par eux.
De manière contre-intuitive, l’étude précise que les personnes interviewées estiment avoir été victimes de discrimination majoritairement sur la base de leur origine ethnique et donc de leur appartenance au groupe des personnes d’origine étrangère.
Concernant la question de l’islam, l’étude a indiqué que les Belgo-Marocains sont très majoritairement fiers d’être musulmans. Si toutes les pratiques religieuses sont très suivies, il existe une diversité de profils ou, pour le dire autrement, de manière d’être musulman(e). Ainsi, il y a ceux qui pratiquent beaucoup et ceux qui ne pratiquent pas du tout (minoritaires) mais il y a aussi ceux qui «bricolent», c’est-à-dire qui prient mais ne vont pas à la mosquée, font le Ramadan mais boivent de l’alcool, mangent halal mais ne portent pas le voile, etc.
A la question posée par les chercheurs à l’origine de l’enquête selon laquelle les Belgo-Belges devaient s’adapter aux musulmans». 51,1% des Belgo-Marocains sont tout à fait et plutôt contre cette proposition. La question inverse, à savoir si les musulmans devraient s’adapter à la société belge, ils sont 73,1% des Belgo-Marocains à être tout à fait et plutôt d’accord avec cette proposition. Ils ne sont qu’une minorité, à savoir 5,8%, à ne pas être du tout d’accord avec cette idée. Une vraie douche froide pour les discours populistes qui sont contre toute inclusion de l’islam dans la société belge et qui estiment que les musulmans d’Europe cherchent à imposer la charia à l’Occident.
1 Juillet 2015, Hassan Bentaleb
Source : Libération