L’examen en première lecture du projet de loi immigration s’est poursuivi mardi 21 juillet, avec de très vives discussions sur le droit des étrangers à séjourner en France.
Dans l’opposition, le député LR de l’Yonne Guillaume Larrivé, défendant une « politique de réduction de l’immigration », a proposé que les parlementaires fixent des plafonds d’immigration annuels.
Thomas Liebig, spécialiste des migrations internationales à l’OCDE, analyse cette proposition.
« Les marges de manœuvre pour mettre un frein à l’immigration légale sont limitées. Selon nos dernières estimations (2013), il y aurait environ 260 000 personnes – sans compter les 50 000 étudiants étrangers – qui entrent chaque année en France pour s’y installer durablement, soit 4 personnes pour 1 000 habitants déjà présents sur le territoire.
Cela paraît important, mais c’est moins que la moyenne des pays de l’OCDE (6 pour 1 000), et bien moins que des pays comme la Suède (9 pour 1 000) ou la Suisse (16 pour 1 000).
« L’immigration familiale peu contrôlable »
Parmi ces 260 000 personnes, nous distinguons quatre catégories. Tout d’abord, il y a l’immigration familiale (environ 100 000 personnes). Il y a très peu de chose à faire pour la contrôler. En effet, c’est le droit des Français de pouvoir vivre avec un conjoint étranger. Il est aussi très compliqué, au regard du droit européen, de couper les étrangers installés en France de leurs ascendants directs.
Une directive européenne de 2003 pose néanmoins des conditions de ressources et de logement pour séjourner dans un pays de l’UE. À la marge, les aides sociales peuvent elles aussi être limitées.
« La libre-circulation bénéfique »
Autre catégorie : l’immigration intra-européenne (95 000 personnes). Là encore, les possibilités de réduction sont limitées, à moins de remettre en question la libre circulation dans l’UE, dont on sait qu’elle a des effets bénéfiques sur l’emploi.
Cette immigration-là a beaucoup augmenté ces dernières années : en 2007, ils étaient seulement 54 000. Les seules personnes dont on peut refuser le séjour sont celles qui n’ont ni attaches ni travail, et dont le seul but est de se maintenir sur le territoire.
« Le levier de l’asile peu opérant »
Il y a aussi l’immigration humanitaire : plus de 12 000 personnes par an qui obtiennent le statut de réfugié ou la protection subsidiaire. Avec la multiplication des conflits et l’engagement de la France à respecter la convention de Genève, il est très difficile de jouer sur le levier de l’asile.
Enfin, il y a l’immigration de travail (31 000 personnes). Cette catégorie est composée à 35 % d’étudiants qui trouvent du travail en France après leur cursus.
Paradoxalement, c’est à la fois là qu’il y a le plus de liberté pour limiter l’immigration, mais aussi là qu’il y a le moins d’intérêt à le faire. En effet, face à la concurrence internationale, la plupart des pays sont désireux d’attirer les migrants les plus qualifiés. »
21/7/15, Jean-Baptiste François
Source : la-croix.com