samedi 23 novembre 2024 20:54

Allemagne: Freital, ville-symbole des violences contre les réfugiés

"Je veux retourner en Syrie. Très peur ici". En arrivant à Freital (est), Taher fuyait la violence. Mais il s'est vite heurté à celle d'une partie des habitants de cette ville devenue symbole de l'hostilité aux réfugiés en Allemagne.

L'Allemagne est la première destination européenne pour les demandeurs d'asile: ils devraient être 500.000 en 2015, du jamais vu. Parallèlement, les attaques contre les foyers de réfugiés, largement imputées à l'extrême-droite, explosent: 202 entre janvier et juin, autant que pour l'ensemble de 2014.
"Nous nous engageons avec force pour que de tels événements (...) ne se reproduisent pas", a assuré mercredi un porte-parole du ministère de l'Intérieur, alors que les autorités semblent désemparées.

C'est dans ce contexte que Freital, petite commune de 40.000 habitants près de Dresde, fait depuis quelques semaines les gros titres, après plusieurs manifestations électriques contre l'accueil de 280 candidats à l'asile dans un ancien hôtel.

Les "étrangers criminels" et les "cochons de demandeurs d'asile" y sont conspués. Dans la presse, des photos montrent des manifestants effectuant un salut hitlérien.

"La situation devient de plus en plus tendue (...) Freital est profondément divisée" entre pro et anti-réfugiés, s'alarme Steffi Brachtel, 40 ans, membre d'un collectif qui organise les contre-manifestations face à Frigida, fer de lance des anti-asile et déclinaison locale de Pegida.

Hostile à l'islam et aux réfugiés, le mouvement Pegida enchaîne depuis l'automne les rassemblements à Dresde. Dans la riche capitale de la Saxe , plusieurs centaines de demandeurs d'asile sont hébergés depuis vendredi dans un campement de la Croix-rouge.

 'Brun sombre'

Des échauffourées entre militants d'extrême-droite et défenseurs du droit d'asile ont éclaté dès vendredi soir devant le camp. Auparavant, des jets de pierre avaient visé des membres de la Croix rouge.
Frigida, qui milite pour que Freital reste "propre", a décliné une rencontre avec l'AFP.

Devant le foyer d'accueil de Freital, un ancien hôtel à l'écart du centre-ville, anti et pro-réfugiés se sont opposés plusieurs fois en juin et juillet, séparés par la police. Début juillet, un face-à-face houleux à la mairie entre anti-asile et élus a même tourné à l'affrontement physique entre les deux parties.
Lundi, la tension est encore montée d'un cran : la voiture d'un dirigeant local du parti de gauche radicale Die Linke, actif dans l'aide aux réfugiés, a brûlé. Pour l'heure, l'enquête n'a dégagé aucune piste mais beaucoup pensent à l'extrême-droite.

Freital est devenue "brune" après la chute du Mur, en 1989. Située en ex-RDA communiste où l'extrême-droite est bien implantée, elle "vire de plus en plus au +brun sombre+", s'inquiète Mme Brachtel.
En cette fin juillet, les manifestations ont cessé. Mais devant le foyer, gardé par des vigiles sourcilleux, des stickers sur les lampadaires invitent toujours les réfugiés "à continuer à fuir".

Arrivé en juin, Taher, 27 ans, montre une lettre dans laquelle il retire sa demande d'asile. "Je veux retourner en Syrie, je ne veux pas rester ici", dit-il à l'AFP dans un anglais rudimentaire.

 'Encore plus peur'

Il explique avoir été agressé en ville. "Très peur. Je viens de Syrie parce que (j'avais) peur mais ici, encore plus peur (...) Je rentre".

"Pendant les manifestations, on ne sortait pas", rapportent Suheyla, 24 ans, et Samir, 29 ans, originaires de Syrie et de Libye. "Mais maintenant, c'est fini", assure la jeune femme.

Attractive du fait de sa santé économique, l'Allemagne semble désemparé par cet afflux de réfugiés qui sature ses structures et suscite des tensions dans la coalition sociaux-démocrates/conservateurs d'Angela Merkel.

Mercredi, le gouvernement a adopté des mesures afin de mieux intégrer sur le marché du travail les réfugiés appelés à rester longtemps en Allemagne.

Mais les sociaux-démocrates (SPD) veulent aller plus loin, avec une loi globale sur l'immigration et l'intégration des réfugiés.

En attendant, on semble s'acheminer vers un allongement de la liste des pays des Balkans jugés sûrs.

Pour l'heure, Berlin reconnaît comme sûrs la Serbie, la Bosnie-Herzégovine et la Macédoine, dont les ressortissants n'ont quasiment aucune chance d'obtenir l'asile. Les conservateurs souhaitent que la nouvelle liste englobe Kosovo, Albanie et Monténégro, le SPD les suivrait.

Plusieurs Länder, aux limites de leurs capacités, ont aussi tiré la sonnette d'alarme, comme la Bavière ou le Bade-Wurtemberg, qui plaide pour que les migrants soient d'avantage ventilés vers l'Est du pays.

30 juil 2015

Damien STROKA

Source : AFP

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