jeudi 4 juillet 2024 02:24

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Récit : Ouvrier le jour, imprésario le soir

Faire de la culture un combat. Un combat joyeux et constructif qui pourrait résumer l’engagement de Mostafa Idbihi. Parti de Casablanca, sa ville natale, pour Paris en pleines révoltes de cette fameuse année 68, Idbihi revêt son bleu de travail et rejoint les chaînes de montage des usines Renault-Billancourt. Il aurait pu faire comme beaucoup d’autres, passer des années à répéter les mêmes gestes et essayer de grimper quelques échelons avant une retraite bien méritée.

Non. Quand la passion anime, les jours se suivent mais ne peuvent se ressembler. En ces temps de révolution en France, c’était aussi l’époque d’un secteur de l’automobile en plein essor. Un appel massif à la main-d’œuvre immigrée était lancé. Résultat, de 1964 à 1972, 90% des ouvriers spécialisés, dits OS, sont des migrants, devenant la force principale de la production.

Le comité d’entreprise, essentiel dans cette usine, devait alors s’adapter à ce nouveau profil d’employés. C’est là que la vie professionnelle d’Idbihi bascule. Promouvoir les cultures du Maghreb comme lien social devient son cheval de bataille. En plus de son travail, il devient écrivain public et conseiller des délégués syndicaux marocains avant d’endosser le rôle d’imprésario pour des artistes marocains, algériens ou tunisiens. Pour lui, engagement syndical rime avec action culturelle. C’est ainsi qu’après ses journées à l’usine, il négocie le soir venu des contrats d’artistes. Grâce à lui, Nass El Ghiwane joue à Paris tout comme Izenzaren, Najat Atabou se produit à l’Olympia et beaucoup d’autres encore. Sa passion pour la musique marocaine le guide.

C’est sous la plume de son ami et écrivain Youssef Haji que Mostafa Idbihi se raconte. L’auteur de cet ouvrage simplement intitulé “Idbihi” aux éditions Éditeur de Talents, lui-même grand militant associatif de l’immigration, a su décrire l’ambiance de ces années charnières, le parcours d’ouvriers immigrés partagés entre leur nouvelle vie en France et leur pays d’origine où ils ont leurs souvenirs et surtout leurs familles. Des destins fragilisés par le racisme et l’exploitation mais renforcés par la solidarité. Un ouvrage essentiel pour mettre toute la lumière sur la richesse de cette immigration, sur ces parcours singuliers dont la mémoire doit obligatoirement être préservée. Les réalités passées de travailleurs immigrés qui résonnent encore aujourd’hui.

7/8/2015, Stéphanie JACOB

Source : l’économiste

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