L'Allemagne débloque des milliards pour faire face aux "changements" provoqués par la crise migratoire, Paris et Londres promettent d'accueillir des dizaines de milliers de réfugiés : l'Europe s'est mobilisée lundi face à un afflux de migrants qui ne tarit pas.
Après un nombre-record d'arrivées ce week-end en Allemagne, la pression née de la pire crise migratoire sur le continent européen depuis des décennies ne diminue pas-. Plus de 15.000 personnes s'entassaient lundi sur l'île grecque de Lesbos, porte d'entrée vers l'Europe pour ceux fuyant la guerre qui déchire la Syrie.
Après moult tergiversations, le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé que son pays était prêt à accueillir 20.000 Syriens en cinq ans, et la France s'est engagée à accepter 24.000 réfugiés en deux ans, dans le cadre d'un plan de répartition de l'Union européenne.
Federica Mogherini, qui dirige la diplomatie européenne, a salué cette décision de Paris, appelant tous les membres de l'UE à agir "avec le même courage".
Sans politique d'ensemble, ce sera "la fin de (l'espace de libre-circulation) Schengen", a de son côté averti le président français François Hollande qui souhaite aussi une conférence internationale sur la crise.
"Ce que nous vivons est quelque chose qui va (...) nous changer, et nous voulons que le changement soit positif et nous pensons que nous pouvons y arriver", a souligné de son côté la chancelière Angela Merkel à Berlin, détaillant un programme fédéral de six milliards d'euros pour 2016 qui vise à améliorer la prise en charge et l'intégration des migrants.
La dirigeante conservatrice a souligné que la facture pourrait atteindre un total de 10 milliards d'euros l'année prochaine.
'Début d'un véritable exode'
Selon le président du Conseil européen, Donald Tusk, cet "exode" risque de durer. "La vague actuelle d'émigration n'est pas un incident ponctuel mais le commencement d'un véritable exode, ce qui signifie que nous devrons traiter de ce problème pendant bien des années à venir", a expliqué M. Tusk à Bruxelles. Il a ajouté qu'il était "très important d'apprendre comment vivre avec elle (la crise) sans s'accuser les uns les autres".
Encore 3.000 migrants étaient parvenus en milieu d'après-midi en Allemagne, à l'issue d'un week-end qui a vu l'arrivée dans ce pays de 20.000 personnes en provenance de Hongrie via l'Autriche.
De son côté, la Commission européenne va proposer mercredi de répartir entre Etats membres de l'UE 120.000 réfugiés au cours des deux prochaines années. Un projet qui va s'ajouter à la réinstallation de 40.000 migrants annoncée en mai.
Ces quotas d'accueil placent l'Allemagne en première ligne (26,2%, 31.443 réfugiés), suivie de la France (20%, 24.031) et de l'Espagne (12,4%, 14.931).
L'Allemagne s'attend à recevoir 800.000 demandes d'asile cette année, quatre fois plus que l'année précédente. Un mouvement qui n'a fait que croître depuis que les autorités ont décidé de ne plus renvoyer les Syriens vers leur point d'entrée en Europe.
-'Le temps presse'-
Le principe des quotas est loin de faire l'unanimité, notamment en Europe de l'Est.
Le Premier ministre populiste hongrois Viktor Orban a d'ores et déjà jugé prématuré de débattre de la répartition, tant que l'afflux de migrants ne serait pas sous contrôle.
Des centaines d'entre eux ont marché à contresens sur une autoroute hongroise sur une quinzaine de kilomètres en direction de Budapest, lundi soir avant d'accepter d'être transférés dans un centre d'accueil.
Au Danemark la police a partiellement fermé dans la soirée une autoroute, empêchant ainsi des réfugiés syriens de marcher vers la Suède.
Le Britannique David Cameron a quant à lui évoqué "la compassion extraordinaire" de son pays qui a accepté 20.000 réfugiés sur cinq ans.
Au-delà des frontières européennes, le Québec a annoncé qu'il accueillerait 3.650 réfugiés syriens d'ici à décembre.
"Entre 15.000 à 17.000 réfugiés" se pressent actuellement sur l'île grecque de Lesbos où la situation est "au bord de l'explosion", selon Athènes. Des renforts de police et de l'armée y ont été dépêchés.
2.600 autres réfugiés et migrants ont été recueillis en mer par les garde-côtes grecs entre vendredi et lundi matin.
Et plus de 2.000 migrants sont entrés de Grèce en Macédoine lundi tandis que quelque 8.000 autres attendaient de pouvoir franchir la frontière pour rejoindre l'Europe occidentale. A plusieurs reprises, la police macédonienne est intervenue à coups de matraque.
Dans le même temps, la marine italienne a annoncé avoir débarqué en Sicile 60 corps de migrants retrouvés auprès de l'épave du chalutier dont le naufrage avait fait quelque 800 morts en avril. Au total, 118 corps ont été retrouvés depuis la promesse du chef du gouvernement Matteo Renzi de renflouer le chalutier, dont l'épave gît encore au nord des côtés libyennes.
Depuis le début de l'année, 366.402 personnes sont arrivées par la Méditerranée, a annoncé le Haut-Commissariat de l'ONU (HCR) pour les réfugiés. 2.800 autres sont mortes ou ont été portées disparues.
Selon l'envoyé spécial de l'ONU en Syrie, Staffan de Mistura, des milliers de nouveaux réfugiés syriens pourraient vouloir se rendre en Europe à cause de la poursuite de la guerre civile chez eux.
"Pourquoi les gens partent-ils ? Parce qu'ils ont perdu tout espoir après cinq ans de conflit et qu'ils ne voient qu'un seul gagnant, Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique)", a-t-il déploré devant la presse à Bruxelles, plaidant pour qu'on trouve une solution, "sinon il ne restera plus de Syriens".
8 sept 2015,Yannick PASQUET
Source : AFP