Damien STROKA L'Allemagne a appelé mardi ses partenaires européens à ouvrir plus grand leurs portes aux dizaines de milliers de réfugiés qui se pressent aux frontières du Vieux Continent, tandis que Bruxelles veut renforcer son combat contre les passeurs "meurtriers".
Devenue le lieu emblématique d'une vague sans précédent depuis 1945, la petite île grecque de Lesbos doit accueillir à elle seule 20.000 candidats à l'exil, soit le quart de sa population. Depuis lundi soir, les autorités y ont enregistré 14.000 personnes.
Des centaines de personnes attendaient mardi soir dans le principal port de l'île pour prendre un ferry et poursuivre leur voyage vers l'Europe du nord.
L'Allemagne reste la destination souhaitée par la plupart des migrants, un choix qui devrait encore être conforté par les dernières déclarations de la chancelière allemande Angela Merkel et de son ministre de l'Economie, Sigmar Gabriel.
"Nous avons besoin au final d'un système ouvert de quotas pour la répartition obligatoire des personnes qui ont un droit à l'asile", a déclaré Mme Merkel, jugeant que plafonner à l'avance le nombre de migrants n'avait aucun sens.
Selon elle, la proposition attendue mercredi de la Commission européenne de répartir 120.000 migrants en Europe n'est qu'un "premier pas", malgré les réticences de certains pays européens.
Concernant la seule Allemagne, "je pense que nous pouvons certainement gérer un chiffre de l'ordre du demi-million (de réfugiés par an) pendant plusieurs années (...) peut-être même plus", a déclaré de son côté le vice-chancelier social-démocate, Sigmar Gabriel.
Poursuivre leur route, coûte que coûte
Selon les derniers chiffres de l'ONU, plus de 380.000 migrants et réfugiés sont arrivés en Europe par la Méditerranée depuis janvier et 2.850 sont morts ou portés disparus.
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui avait parlé lundi d'un "exode" qui risquait de durer "des années", a déclaré mardi qu'il fallait se "concentrer sur le combat contre le trafic d'êtres humains et les passeurs" ainsi que sur les opérations pour "sauver la vie des gens".
A la frontière nord de la Grèce, qui permet à des milliers de migrants de passer chaque jour vers la Macédoine, la police a choisi d'identifier une personne par groupe parlant anglais, chargée de rassembler les papiers de tous ses camarades. Elle se voit affecter un numéro et quand ce numéro est appelé, c'est tout le groupe qui passe la frontière.
Dans un flux continu, ils prennent ensuite le chemin de la Serbie, de la Hongrie et de l'Autriche d'où ils veulent rejoindre l'Allemagne.
Dans le sud de la Hongrie, près de la frontière serbe, des centaines de migrants, exaspérés, ont forcé mardi des cordons policiers pour poursuivre leur route coûte que coûte vers le nord. Lors de cet incident, une opératrice de télévision hongroise a été filmée en train de donner des coups de pied à des migrants, dont un enfant.
Une loi récemment votée par Budapest qui rend l'immigration illégale passible d'une peine allant jusqu'à trois ans de prison pourrait "conduire au chaos", a averti mardi le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
Plus loin, l'Autriche a renoncé à contrôler les trains à la frontière avec la Hongrie et des trains spéciaux relient désormais Vienne à Münich.
L'Allemagne, qui s'attend à 800.000 demandes d'asile juste cette année, a vu arriver environ 6.000 personnes entre lundi et mardi matin, en plus des 20.000 du week-end.
'Dans la rue s'il le faut'
Cependant, après avoir, pour beaucoup, fui les horreurs de la guerre pour gagner la plus puissante économie européenne, les réfugiés se retrouvent plongés dans les méandres de la bureaucratie allemande, débordée.
Dans les centres d'accueil, l'atmosphère était mardi chaotique alors que les places dans les centres d'hébergement font défaut partout en Allemagne.
Mais il n'y a pas assez d'appartements à Berlin et les hôtels souvent "ne veulent pas accepter les réfugiés", affirmait à Berlin Veron, un Syrien de 30 ans. "Nous resterons dans la rue s'il le faut", assurait-il.
Malgré les difficultés, les signes de solidarité, publics et privés, se multiplient un peu partout en Europe.
Les clubs de foot engagés dans l'Europa League vont ainsi donner un euro par billet vendu de leur première rencontre européenne. En Norvège, un milliardaire a offert 5.000 nuitées dans les établissements de son groupe hôtelier.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a exhorté les dirigeants européens à se montrer solidaires des réfugiés, "qui ont le droit de chercher asile sans subir aucune forme de discrimination", et organisera le 30 septembre, à New York, une réunion sur ce dossier.
Au Royaume-Uni, où le gouvernement s'est dit prêt à accueillir 20.000 réfugiés en cinq ans, l'opposition travailliste a appelé mardi le Premier ministre David Cameron à proposer un plan "plus ambitieux".
En Espagne, les municipalités dirigées par le mouvement des "indignés", notamment Barcelone, ont lancé un mouvement citoyen pour créer un réseau de "villes-refuges européennes".
Après avoir paru en retrait, la France s'organise pour ramener dès mercredi d'Allemagne, par "solidarité", un premier contingent de 200 Syriens ou d'Irakiens. L'Hexagone s'est dit prêt à ouvrir ses portes à 24.000 réfugiés dans les deux prochaines années.
"On ne trie pas en fonction de la religion", a rétorqué le Premier ministre Manuel Valls, après que les maires de deux villes moyennes ont souhaité n'accueillir que des "chrétiens".
8 sept 2015
Source : AFP