Les Marocains résidant en France, en Belgique, au Canada ou encore aux États-Unis sont confrontés à de multiples problèmes lors de la fête de l'Aïd Al Adha. Très attachés à leurs traditions, ces derniers font leur possible pour accomplir le sacrifice rituel. Une tâche loin d’être aisée dans les pays d'accueil où les réglementations sont très strictes.
L'Aïd El Adha est l’une des fêtes les plus importantes pour un musulman. Mais il n’est pas toujours évident de vivre ses traditions quand on habite à l’étranger. Surtout quand les associations de défense des droits des animaux montent chaque année au créneau en menant des actions contre l'abattage des moutons et que tous les moyens ne sont pas mis en œuvre pour veiller au bon déroulement de la fête dans le pays d’accueil.
En effet, les Marocains résidents à l’étranger (MRE) sont confrontés à divers problèmes. À commencer par le sacrifice en lui-même. Si au Maroc, le jour de la fête, il est courant de voir des places ensanglantées et des bouchers arpentant les rues couteau à la main pour proposer leurs services, à l’étranger c’est une autre histoire. En France par exemple, il est interdit d’abattre l’animal dans son appartement et même dans son jardin, sauf autorisation exceptionnelle. Dans ce sens, le gouvernement met à la disposition de la communauté musulmane des abattoirs mobiles ou fixes pour la pratique du rituel. Cependant en 2014, il n’existait en France que près d'une centaine d'abattoirs. Bien que leur nombre soit en augmentation, certaines régions en sont encore dépourvues. Il n’est donc pas rare que certaines familles soient obligées de faire un long trajet pour accomplir le sacrifice rituel. Mais là encore les familles vont être confrontées à un autre problème : celui du transport. Selon une circulaire, le transport sans agrément d’un animal vivant est puni de six mois d’emprisonnement. Ce même document stipule que l’égorgement doit être réalisé par des abatteurs munis d’un certificat de compétence, outre la carte d’habilitation au sacrifice délivrée par une des trois Grandes Mosquées (Paris, Évry et Lyon), sans cela, ils risquent 750 euros d’amende. Autant dire que pour celui qui se ferait prendre, ce serait le mouton le plus cher de sa vie.
Mais le point qui fait débat à chaque veille de sacrifice est celui de la méthode choisie pour l’égorgement de la bête. En effet, en France l’abattage sans étourdissement de l’animal est interdit (sauf autorisation de dérogation à l’obligation d’étourdissement des animaux, accordée par le préfet). Ce qui est contraire aux préceptes de l’Islam. Tout récemment, la Belgique a suivi le modèle français justifiant cette décision non seulement par des raisons de bien-être des animaux, mais aussi par des motifs légaux, la réglementation européenne n'autorisant l'abattage sans étourdissement que dans un abattoir régulier. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir le Conseil des théologiens de l'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB). Celui-ci s'est réuni mercredi 2 septembre suite à la décision des gouvernements locaux de Flandre et de Wallonie d'interdire l'abattage des moutons sans étourdissement, et a rappelé, dans un communiqué, que la pratique du culte est un droit garanti par la Constitution belge, invitant la communauté musulmane à veiller à la pratique de ce rituel dans un cadre adéquat, de façon valide d'un point de vue théologique, à savoir sans étourdissement quelconque. Certains milieux ont même appelé au boycott de la fête en guise de protestation.
Avec toutes ces contraintes, certains musulmans choisissent de déléguer la tâche du sacrifice à leurs proches. «J’envoie de l’argent à mes parents au pays pour qu’ils accomplissent le sacrifice pour moi. Je leur laisse ensuite le soin de donner une partie de la viande aux nécessiteux. Le jour même, j’achète de la viande pour faire des brochettes et célébrer l’occasion. L’ambiance n’est pas la même, c’est sûr», se désole Brahim, résidant au Canada. D’autant plus que si, au Maroc, les Marocains bénéficient de 2 jours fériés, à l’étranger, à moins que la fête ne tombe un week-end, il n’existe aucun traitement de faveur. «Cette année, l’Aïd est annoncé le 24, un jeudi. Je compte poser quelques jours de congé pour pouvoir faire les choses correctement», déclare Abdelkader, depuis la France. D’autres n’auront pas cette chance. «Je vais être obligé d’aller abattre mon mouton après mes heures de travail. C’est comme ça tous les ans, mais je n’ai pas le choix. Je rentre généralement assez tard, car sur place il y a bien souvent la queue et il faut attendre. Nous ne mangeons la viande que le lendemain», assure Tarik qui a fait le choix de s’installer aux États-Unis. Enfin, les plus chanceux pourront bénéficier de l’aide précieuse de leur commerçant de quartier. «Je n’ai pas besoin de me déplacer. Je commande le mouton chez mon boucher qui s’occupe de tout puisqu’il dispose de contacts avec les abattoirs qui ont les autorisations nécessaires. Mais il faut s’y prendre à l’avance, car les places sont limitées», conclut finalement Ayoub, installé depuis 3 ans en région parisienne.
11/9/2015, Priscilla Maingre
Source : Le Matin