L'afflux de milliers de réfugiés chaque jour en Allemagne, qui donne lieu à des manifestations remarquées de solidarité et d'entraide, touche une corde sensible dans un pays qui a connu ces 70 dernières années son lot de migrations, souvent douloureuses.
1944-1950: 12 millions d'Allemands sur les routes
A partir de l'hiver 1944-45, les Allemands installés dans l'est du Reich nazi, notamment sur les territoires pris à la Pologne, fuient l'Armée rouge. Des familles entières se mettent en route pour l'Allemagne, par un froid glacial et à pied.
Après la défaite allemande de mai 1945, la conférence de Potsdam décide du rapatriement des Allemands installés sur les territoires restitués à la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, l'URSS et la Roumanie.
Entre 10 et 12 millions de personnes au total sont jetées sur les routes et arrivent dans une Allemagne exsangue. Les estimations du nombre de morts vont de 400.000 à 2 millions.
Les réfugiés sont logés dans des camps, des hébergements d'urgence et chez l'habitant. Dans certaines régions, ces "expulsés" peuvent représenter jusqu'à un tiers de la population.
Le traumatisme généré a été occulté par les horreurs perpétrées par les Nazis, qui interdisaient de voir dans les Allemands des victimes.
1950-70: les "travailleurs invités" des Trente glorieuses
Le miracle économique allemand (de l'Ouest) a rapidement besoin de bras, et la RFA passe dans les années 1950 des accords avec plusieurs pays - Italie, Grèce, Portugal, Turquie - pour recruter.
Ces hommes pour la plupart jeunes et peu qualifiés viennent travailler dans les usines automobiles et chimiques et les mines de la Ruhr (ouest). En 1973, quand la crise économique met fin à la pratique, ces "travailleurs invités", comme on les désigne en allemand, sont 2,6 millions.
Beaucoup se sont installés avec leurs familles, mais leur intégration dans une société allemande qui ne voit en eux qu'une main-d'oeuvre bon marché temporaire est laborieuse.
Les descendants de ces "travailleurs invités" font désormais partie intégrante de la société, mais le manque de considération pour leurs parents et grands-parents a laissé un souvenir amer.
"Nous devrions tirer les leçons des années 1960 et dès le départ donner la priorité absolue à l'intégration", a plaidé la chancelière Angela Merkel cette semaine.
1989-1990: l'Allemagne et l'Europe reconfigurées
En 1989 et 1990, une fois le Mur tombé, 750.000 Allemands de l'Est se sont installés à l'Ouest. Au total ce sont 1,1 million de personnes qui tournent le dos à l'ex-RDA entre 1991 et 2012.
Déjà dans les années 1980, la RFA avait commencé à accueillir une immigration de souche allemande venant d'URSS (Russie et Kazakhstan), mais aussi en Roumanie. La chute de l'Union soviétique a accéléré le mouvement. Depuis 1989, près de 3 millions de ces "rapatriés" sont arrivés en Allemagne.
1992-1995: exode de Yougoslavie
L'Allemagne a été la première destination des réfugiés fuyant les guerres en Yougoslavie. Rien qu'en 1992, le pays a vu arriver plus de 400.000 demandeurs d'asile - jusqu'à cette année, c'était le record depuis 1945.
Le flux en provenance des Balkans ne s'est jamais tari, même si les chances pour les ressortissants de ces pays de se voir accorder le statut de réfugié sont maintenant quasi nulles.
11 sept. 2015
Source : AFP