Parfois, le vendredi, des réfugiés syriens font la manche devant le chapiteau qui tient lieu de mosquée à Saint-Ouen, au nord de Paris. Mais ils ne s'aventurent pas à l'intérieur et les contacts avec leurs coreligionnaires en restent là.
"Il y a des fidèles qui font des dons pour les Syriens, mais ce sont des initiatives individuelles, il n'y a rien d'organisé", explique Hajib, un des responsables de cette mosquée, située à proximité d'un squat de Syriens.
"On réfléchit à convoquer une réunion pour voir si on peut lancer un appel aux dons en leur faveur", ajoute-t-il. Mais les portefeuilles des fidèles ne sont pas rembourrés dans cette banlieue populaire et ils sont déjà bien sollicités pour la Palestine et un projet de future mosquée.
A quelques encablures, environ 25 familles syriennes survivent sur les trottoirs, soutenues par des particuliers, dont de nombreuses femmes voilées. Pour elles, c'est une question d'humanité, pas de religion. "On ne peut pas laisser les enfants comme ça", lâche une jeune femme venue d'un département voisin, avant de reprendre une distribution de bouteilles d'eau.
Début septembre, dans le sillage du pape François, plusieurs responsables de l'Islam en France, où vit la principale communauté musulmane d'Europe avec environ cinq millions de croyants, ont lancé un appel à la mobilisation en faveur des exilés.
A l'occasion de la fête du sacrifice, l'Aïd al-Adha, jeudi, "nous pourrions peut-être imaginer une nouvelle forme de solidarité pour venir en aide aux migrants en collectant les fonds du sacrifice à leur profit", a ainsi lancé Abdallah Zekri, l'un des responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM) qui représente les musulmans auprès des autorités.
Las, quinze jours après son appel, les réponses tardent à se concrétiser. "Il n'y a pas beaucoup de gens qui ont ouvert leur portefeuille et leur coeur", déplore M. Zekri. "Qu'attendent les musulmans de France pour apporter leur contribution à ces enfants, ces femmes et ces hommes dans le besoin, alors que l'hiver approche ?"
'Couscous de l'amitié'
Le Secours islamique, qui a lancé un appel aux dons pour les réfugiés, reconnaît aussi que la mobilisation reste faible. "Les gens attendent que nous menions des actions concrètes", avance une porte-parole. Pour l'instant l'association a distribué 6.000 repas à Calais (nord), où des milliers de migrants attendent de passer en Angleterre, et 350 repas lors d'un "couscous de l'amitié" à Paris. Un "groupe de travail" est lancé pour passer à la vitesse supérieure.
A Baraka City, ONG islamique populaire dans les milieux les plus pratiquants, on nuance: "La photo du petit Aylan a ému tout le monde, les dons suivent". Tant et si bien que son fondateur, Idriss Sihamedi, se dit prêt à accueillir des réfugiés dans des préfabriqués sur un terrain de 7.000 m2 que possède l'association.
D'autres organisations mènent ici et là des actions ponctuelles mais, pour l'instant, aucun réseau structuré ne s'est construit autour des mosquées qui, en France, sont rattachées à des fédérations différentes (liées au Maroc, à l'Algérie ou à la Turquie par exemple) et agissent rarement de concert.
La rédactrice en chef du site musulman d'informations Saphirnews, Hanan Ben Rhouma, observe toutefois, "depuis deux-trois semaines, un retour sur le terrain des mosquées qui relaient les appels à l'aide d'associations ou appellent les musulmans à accueillir des migrants chez eux".
Attention, insiste-t-elle, contrairement à certains appels ciblés sur les chrétiens d'Orient, "il n'y a jamais d'affinité religieuse affirmée dans ces appels. Les musulmans aident les migrants quelle que soit leur confession".
Il existe quand même des affinités autour de la foi. "Quand une famille de réfugiés se présente dans telle ou telle mosquée, un élan de solidarité se crée pour prier avec elle, l'aider à s'installer", assure le président du CFCM Anouar Kbibech.
"Leur intégration religieuse ne pose aucun problème", poursuit-il, puisque "les réfugiés musulmans qui arrivent en Europe sont principalement des sunnites", comme les musulmans de France, majoritairement originaires du Maghreb et d'Afrique subsaharienne.
20 sept. 2015,Benoît FAUCHET et Charlotte PLANTIVE
Source : AFP