samedi 23 novembre 2024 20:54

Fermeture

Un spectre hante l’Union européenne : celui du nationalisme. Il a un précurseur, un exemple, un pionnier : Viktor Orbán. La politique du Premier ministre hongrois incarne de manière brutale ce que les droites dures envisagent dans beaucoup de pays : fermeture des frontières, souverainisme plus ou moins affirmé, dureté envers les immigrés, dénonciation des musulmans, appel aux valeurs traditionnelles, refus de la solidarité européenne. Zemmour le rêve, Orbán le fait.

Par la voix de Guy Verhofstadt, l’Union semble enfin s’en inquiéter, en remarquant qu’Orbán contredit frontalement les valeurs humanistes de ceux qui ont fondé l’Europe d’aujourd’hui. Il est donc temps de réagir en faisant jouer les mécanismes de sauvegarde démocratique prévus par les traités. Mais la contagion va bien au-delà. En France, la critique du «politiquement correct» - c’est-à-dire des valeurs universelles héritées des Lumières - et les lamentations sur la décadence du pays n’ont d’autre fonction que de réintroduire par la bande ce nationalisme largement discrédité après la guerre. Tout un petit monde d’intellectuels et de publicistes s’y emploie, dénonçant rituellement la «pensée unique» pour imposer leurs idées d’avant-guerre, jouant les martyrs dès qu’on fait mine d’exprimer un désaccord. Quoique intraitable avec le Front national, Nicolas Sarkozy ne dédaigne pas les incursions sur ces terres dangereuses, en parlant d’un tsunami de migrants qui menacerait de tout emporter. C’est sans doute le combat principal des années à venir : ouverture ou fermeture, coopération européenne ou affrontement. Comme le dit Verhofstadt, ce combat suppose la définition d’une politique d’immigration humaniste et réaliste à l’échelle de l’Union. Et, bien au-delà, la redéfinition des politiques progressistes capables de faire face aux défis du continent.

24 septembre 2015, Laurent Joffrin , ÉDITORIAL

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