C'est un vaste hangar aménagé et entouré de grillage face à la mer: le centre d'accueil de Pozzallo, dans le sud de la Sicile, devrait devenir l'un de ces "hotspots" d'enregistrement de migrants que l'Union européenne (UE) réclame mais qui laissent encore l'Italie perplexe.
Pour l'instant, le centre accueille la majeure partie des migrants débarquant chaque semaine à Pozzallo, le temps de se laver, se reposer, s'identifier pour ceux qui l'acceptent, avant d'être conduits vers un centre de premier accueil pour déposer une demander d'asile.
En général, c'est lors de cette deuxième étape que jusqu'aux deux tiers des migrants arrivés en Italie faussent compagnie à leurs hôtes pour continuer leur route vers le nord.
Lorsque Pozzallo sera devenu un "hotspot" européen, peut-être fin novembre, les nouveaux arrivants passeront systématiquement par là et devront tous donner leurs empreintes digitales pour demander l'asile, faute de quoi ils seront conduits dans un centre de rétention en vue d'une expulsion rapide.
La majorité des demandeurs d'asile intègreront le circuit italien classique, tandis que ceux dont le pays d'origine a une moyenne d'acceptation des demandes d'asile supérieure à 75% au sein de l'UE -- Syriens, Erythréens, Irakiens -- seront conduits dans un centre temporaire puis répartis au sein de l'Union.
Mais une phase expérimentale lancée il y a deux semaines sur l'île de Lampedusa a révélé que les questions ne manquaient pas.
Que deviendra un Syrien ou un Erythréen refusant de donner ses empreintes, étant donné qu'il ne peut être question de l'expulser ? Restera-t-il en centre de rétention jusqu'à ce qu'il change d'avis ?
L'Italie continuera-t-elle à fermer les yeux s'il escalade le grillage ?
Et comment convaincre ceux qui auront joué le jeu dans l'espoir de rejoindre des cousins ou des amis en Allemagne d'accepter de partir s'installer au Portugal ou en Lituanie ?
"Ils n'obtiendront probablement pas tous satisfaction, mais on n'y pense pas trop pour ne pas se démoraliser", reconnaît à l'AFP Angelo Malandrino, directeur adjoint du département Libertés civiles et Immigration au ministère de l'Intérieur.
Migrants fixés en Italie
"Ce schéma ne peut fonctionner que si l'information est très claire et l'accueil de bonne qualité", insiste Carlotta Sami, porte-parole en Italie du Haut commissariat de l'ONU aux réfugiés (HCR). "Nous serons là pour fournir cette information, et aussi pour contrôler la qualité des centres".
Il y aura d'ailleurs du monde dans ces centres: les agences européennes chargées du droit d'asile (Easo), mais aussi du contrôle des frontières (Frontex), de la police (Europol) et de la coopération judiciaire (Eurojust) y oeuvreront, essentiellement pour lutter contre les réseaux de passeurs et la menace terroriste.
A Pozzallo, des agents de Frontex sont déjà installés dans deux préfabriqués dans la cour, pour aider à l'identification des migrants.
D'aspect un peu sommaire à l'extérieur, le centre est engageant à l'intérieur, ses murs couverts de dessins d'enfants et de panneaux multilingues, même si l'alignement des dizaines de lits superposés dans le vrombissement des souffleries du vaste espace principal offre peu d'intimité.
Prévu pour 180 places, le centre de Pozzallo peut accueillir jusqu'à 250 personnes. Avec les autres "hotspots" prévus à Lampedusa et ailleurs en Sicile, la capacité totale sera d'environ 1.500 places. En sachant que les vagues d'arrivées de 4 à 6.000 personnes en 48 heures ne sont pas rares...
Pour l'Italie, la répartition en Europe des Syriens et Erythréens ne modifiera pas la donne puisqu'ils ne faisaient déjà que traverser la péninsule. Il s'agira seulement d'organiser leur transfert plutôt que de les laisser à la merci des passeurs.
En revanche, la nouvelle procédure fixera en Italie -- au moins pour les 6 à 24 mois d'examen de leur demande d'asile et éventuels recours -- tous les autres qui jusqu'à présents continuaient leur route: Somaliens, Soudanais, Ethiopiens...
Entre janvier 2014 et fin mai 2015, selon les statistiques disponibles les plus récentes, 217.000 migrants sont arrivés en Italie, dont seulement 90.000 ont déposé une demande d'asile. Parmi les autres partis plus au nord, plus de 37.000 n'étaient ni Syriens ni Erythréens.
Autre conséquence: l'augmentation de ce type de demandeurs d'asile devrait mécaniquement augmenter le nombre de rejets. D'où l'insistance de l'Italie pour la mise en place d'un système européen d'expulsion des déboutés.
02 oct. 2015,Fanny CARRIER
Source : AFP