L'Union européenne se penche à nouveau jeudi sur la crise migratoire à Luxembourg avec des représentants des pays limitrophes de la Syrie dévastée par la guerre, au lendemain d'un appel franco-allemand à changer la politique d'asile sur le continent.
Après un Conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur, les chefs de la diplomatie de l'UE doivent se réunir en une conférence sur la "Route de la Méditerranée orientale et des Balkans occidentaux" en présence de leurs homologues de Jordanie, du Liban et de Turquie ainsi que des pays des Balkans occidentaux.
Mercredi devant le Parlement européen à Strasbourg, la chancelière allemande Angela Merkel et le président français François Hollande ont appelé à l'unité pour changer la politique d'asile "obsolète" en Europe, confrontée à sa pire crise migratoire depuis 1945, mais aussi à empêcher une "guerre totale" en Syrie.
L'accueil des demandeurs d'asile qui affluent en Allemagne est "la tâche la plus difficile" du pays "depuis la Réunification", a répété Mme Merkel mercredi soir au cours d'un talk-show sur la chaîne publique ARD.
L'Allemagne a dénombré 577.307 nouveaux candidats à l'asile entre janvier et septembre, dont plus du tiers en provenance de Syrie, selon un recensement du ministère de l'Intérieur présenté mercredi. L'Allemagne attend 800.000 à un million de demandes d'asile sur l'ensemble de l'année, soit quatre à cinq fois plus que l'an dernier.
M. Hollande a de son côté mis en garde, sous les applaudissements, contre une "fin de l'Europe" et un "retour aux frontières nationales" si l'UE ne faisait pas preuve d'unité.
La chancelière a jeté un pavé dans la mare, en estimant que le processus de Dublin en vertu duquel les réfugiés arrivant dans l'UE doivent demander l'asile dans le premier pays qu'ils foulent, "est obsolète".
En Méditerranée, les Européens sont passés mercredi à une phase supérieure dans leur opération navale contre les passeurs de migrants au large de la Libye.
Six bâtiments de guerre européens -- italien, français, allemands, britannique et espagnol -- et leurs 1.300 membres d'équipage peuvent désormais arraisonner de force, inspecter, saisir et détruire les embarcations utilisés par les trafiquants, dans les eaux internationales.
Ils verrouillent ainsi toute la côte nord-ouest de la Libye, de la frontière tunisienne jusqu'à Syrte, d'où partent chaque semaine des milliers de réfugiés, mais aussi de ressortissants africains fuyant la misère, sur des radeaux de fortune à destination de l'Europe.
'Sophia'
Pour lui donner un visage plus humain, l'opération a été rebaptisée "Sophia", du nom d'une fillette née après le sauvetage d'une embarcation en perdition, en août, par un bâtiment de guerre allemand.
L'ambassadeur britannique à l'ONU a espéré un vote cette semaine du Conseil de sécurité sur un projet de résolution autorisant l'arraisonnement en haute mer des navires de migrants venant de Libye. Des diplomates ont précisé que le vote sur le projet britannique pourrait avoir lieu dès jeudi.
L'autre route empruntée par les réfugiés syriens et irakiens, qui embarquent des côtes turques vers les îles grecques en mer Egée, puis rallient le nord de l'Europe via les Balkans, la Hongrie ou la Croatie, continue de voir affluer des milliers de personnes.
Trois trains sont partis de la frontière serbe vers la Hongrie en traversant la Croatie entre mardi et mercredi. Ce mode de transport est désormais privilégié par les autorités pour des questions d'efficacité: un train peut transporter jusqu'à 1.000 personnes.
L'Europe, déjà traumatisée par la crise grecque, a étalé ces dernières semaines ses divisions sur les mesures à prendre pour accueillir les demandeurs d'asile, mais aussi pour assurer le contrôle de ses frontières extérieures.
Les pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque, Slovaquie) se réunissent à ce propos à partir de jeudi en sommet pour deux jours avec leur homologue croate en Hongrie, à Balatonfured, pour tenter d'harmoniser les positions des Etats concernés dans l'est et le centre de l'Europe.
D'un côté, la Hongrie a fermé sa frontière avec la Serbie, désormais jalonnée de clôtures et barbelés. Budapest entend rendre étanche "dès que possible" la zone frontalière avec son voisin croate, ce qui a poussé la Commission européenne a lui demandé mardi des "éclaircissements".
De l'autre, l'Allemagne a accueilli à bras ouverts des centaines de milliers de réfugiés syriens.
Le président allemand Joachim Gauck a appelé mercredi, lors d'une rencontre avec le président Barack Obama, les Etats-Unis à s'impliquer pleinement face à la crise migratoire à laquelle l'Europe est confrontée.
08 oct. 2015, Marine LAOUCHEZ
Source : AFP