A la veille des premiers transferts de réfugiés au sein de l'UE, les gouvernements européens préparaient jeudi à Luxembourg des mesures pour renvoyer plus systématiquement chez eux les migrants économiques.
Le rythme des réunions européennes sur la crise migratoire ne faiblit pas. Après avoir accouché dans la douleur d'une répartition de 160.000 réfugiés entre Etats membres, les 28 sont à nouveau réunis, mais pour afficher cette fois leur fermeté face aux migrants qu'ils ne considèrent pas comme des réfugiés.
Les ministres de l'Intérieur seront rejoints jeusi soir par leurs collègues des Affaires étrangères pour élargir leur perspective.
Ils se concerteront avec leurs homologues des pays situés sur la "Route des Balkans" - Albanie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Monténégro, Serbie et Kosovo -, empruntée chaque jour par des milliers de réfugiés syriens et irakiens.
La Turquie, avec qui l'UE tente difficilement de mettre en place un plan d'action commun, mais aussi le Liban et la Jordanie --trois pays limitrophes de la Syrie en pleine guerre- seront également représentés à Luxembourg.
Mais auparavant, les ministres européens vont tenter d'avancer sur leur "politique des retours" des non-réfugiés, jugée inefficace. En 2014, seulement 39% des migrants illégaux faisant l'objet d'une obligation de quitter l'UE ont réellement quitté le territoire européen, selon des statistiques européennes.
"Nous pouvons accepter et soutenir les gens qui ont besoin d'une protection (les réfugiés, ndlr) seulement si ceux qui n'en ont pas besoin ne viennent pas ou sont renvoyés rapidement", a estimé le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière.
"Les retours sont toujours durs, c'est comme ça", mais "ceux qui n'ont pas besoin de protection doivent quitter l'Europe", a insisté celui dont le pays s'est distingué pour son ouverture affichée aux demandeurs d'asile syriens.
"Il faut réprimer ceux qui abusent de notre système d'asile", a martelé de son côté la ministre de l'Intérieur britannique Theresa May.
"L'UE et les Etats membres doivent faire plus en termes de retour", devraient acquiescer les ministres réunis jeudi au sein du Conseil de l'UE, selon un projet de conclusions consulté par l'AFP.
"Un mélange équilibré de pressions et d'incitations devrait être utilisé avec les pays tiers" pour qu'ils coopèrent davantage à cette politique des retours de leurs ressortissants, peut-on lire dans ce document.
Ce dossier sera l'un des sujets majeurs du sommet prévu les 11 et 12 novembre à La Vallette (Malte), qui va réunir l'UE et des pays africains, selon plusieurs diplomates.
'Hotspots'
Par ailleurs, les ministres de l'Intérieur se penchent jeudi sur la manière de reprendre la maîtrise des frontières extérieures de l'UE, apparues comme perméables au point de conduire plusieurs Etats à rétablir provisoirement des contrôles aux frontières nationales à l'intérieur de l'espace Schengen.
Enfin, un point doit être fait jeudi sur la gestion des "hotspots" en Italie et en Grèce, où sont en train d'être mis sur pied des centres d'accueil et d'enregistrement des migrants.
C'est là que doit être opéré un premier "tri" entre les arrivants dont la vie n'est pas menacée dans leur pays, et qui doivent donc être rapatriés, et ceux qui peuvent prétendre au statut de réfugiés.
Parmi ces derniers, Syriens, Irakiens et Erythréens arrivés en Italie et en Grèce sont concernés par le plan de répartition des 160.000 réfugiés mis en place par l'UE.
Ce plan de "relocalisation", adopté malgré l'opposition de plusieurs pays de l'Est, va commencer à se matérialiser vendredi. "Des réfugiés érythréens seront relocalisés à partir de l'Italie vers la Suède", a précisé la Commission européenne.
Les relocalisations "ne peuvent tenir que dès lors qu'il y a un veritable contrôle aux frontières extérieures de l'UE et une politique de retour qui se met en place", a insisté jeudi le ministre français Bernard Cazeneuve.
La mise en place des "hotspots" en Italie et en Grèce et le renforcement des frontières extérieures nécessitera une montée en puissance de l'agence européenne Frontex, également discutée jeudi à Luxembourg.
L'agence de surveillance des frontières a ainsi appelé cette semaine les pays membres de l'UE à mettre à sa disposition 775 garde-frontières supplémentaires pour "gérer la pression migratoire".
Selon le patron de Frontex, Fabrice Leggeri, quelque 630.000 personnes sont entrées illégalement en Europe depuis le début de l'année.
Mais en Allemagne, 8.000 manifestants ont à nouveau protesté mercredi à Erfurt(est) contre la politique d'accueil des réfugiés d'Angela Merkel.
Face à la crise migratoire, la chancelière allemande et le président français François Hollande ont appelé les Européens à l'"unité", devant le Parlement européen réuni à Strasbourg.
08 oct. 2015, Cédric SIMON
Source : AFP