Le 29 septembre 2015, les Pays-Bas et le Maroc sont parvenus à un accord dans l’affaire de la réduction des droits sociaux des Marocains résidant aux Pays-Bas dont la famille vit au Maroc ou qui sont revenus vivre au Maroc. Si la pension des veuves ne sera quasiment pas réduite, les allocations familiales seront bien supprimées d’ici 6 ans pour toutes les nouvelles naissances.
Alors que la dénonciation de la convention de sécurité sociale était annoncée le 1er septembre, le Maroc et les Pays-Bas sont finalement parvenus à un compromis le 29 septembre 2015. Le Maroc recule et accepte la révision de l’article 5 de l’accord de sécurité sociale ratifié en 1972 qui stipule que « les prestations […] acquises au titre de la législation de l’un des parties contractantes ne peuvent subir aucune réduction […] du fait que le bénéficiaire ou l’enfant réside sur le territoire de la partie contractante autre que celui où se trouve l’institution débitrice. »
« Le Maroc a simplement accordé les propositions des Pays-Bas faites en avril dernier », assure même Abdou Menebhi président de l’association néerlando-marocaines EMCEMO. Le gouvernement est cependant parvenu par sa résistance à limiter la baisse qui devait toucher les pensions des veuves et à ralentir la suppression des allocations familiales.
Les ministères de l’Emploi, des MRE et des Affaires étrangères affirment fièrement dans un communiqué conjoint publié hier, jeudi 8 septembre, que les négociations « ont abouti au maintien à 100% des droits aux allocations familiales attribuées aux bénéficiaires avant le 1er janvier 2016 pendant toute la période d’ouverture de leur droit. » C’est un effet du droit. Les Pays-Bas n’avaient tout simplement pas le droit de prendre la décision de réduire ses pensions et allocations en l’état de l’accord de sécurité sociale. « Le gouvernement est obligé de respecter la décision du tribunal qui a donné raisons aux veuves et aux enfants contre l’Etat », rappelle Abdou Menebhi.
Un compromis mi-figue mi-raisin
Les effets des lois des Pays-Bas qui réduisent de 40% puis suppriment les allocations et pensions ont donc été repoussés du 1er juillet 2012 - date de l’entrée en vigueur de la première loi - au 1er janvier 2016 - date à partir de laquelle s’appliquera l’accord de sécurité social révisé sur la base du compromis trouvé par les deux pays. Les Marocains résidant aux Pays-Bas et leurs familles ont donc gagné 3 ans parce que les Pays-Bas sont allés contre le droit international et que des associations marocaines, comme l’EMCEMO, se sont mobilisées aux côtés d’associations turques pour défendre leurs droits.
C’est sur ce qui va se passer après le 1er janvier 2016 que le Maroc a négocié avec les Pays-Bas. S’il avait refusé de négocier, les réductions drastiques des allocations et pensions qui ont été décidées par les Pays-Bas se seraient appliquées immédiatement après la rupture/dénonciation de la convention.
Au final, le Maroc est donc parvenu à obtenir que les allocations d’invalidité ne soient pas réduites puis supprimées en vertu du ‘coefficient de résidence’. En revanche, la prestation d’invalidité partielle (WGA) sera réduite de 10% pour tous les nouveaux ayant droits et le supplément dans le cadre de l’allocation d’invalidité (TW) sera progressivement réduit jusqu’à -40% en 2019.
Les pensions du survivant qui sont une allocation versée aux veuves et veufs qui vivent au Maroc de Marocain(e)s qui avaient travaillé aux Pays-Bas, ne seront pas diminués de 40% puis supprimées, comme prévu, mais simplement réduites de 10% pour toutes les nouvelles veuves. « Je pense que le gouvernement a estimé que ce n’était pas une grande concession puisque ces pensions ne concernent aujourd’hui que 800 veuves », explique Abdou Menebhi.
Une nouvelle plainte contre les Pays-Bas... et le Maroc ?
Les allocations familiales qui concernent beaucoup plus de personnes - 3400 enfants, aujourd’hui, selon un communiqué de l’ambassade des Pays-Bas à Rabat – vont bien être réduites de 40% puis supprimées, comme l’ont décidé les Pays-Bas, mais la baisse sera étalée sur 6 ans pour chaque nouvel enfant au lieu d’être abruptement appliquée d’une année sur l’autre.
En somme le Maroc est parvenu à sauver les allocations que touchaient les veuves, mais pas celles que touchaient les mères et pères de famille pour leurs enfants restés aux pays. Dans tous les cas, le Royaume a renoncé à l’article 5 de la convention. La façon dont il sera réécrit permettra de savoir si les Pays-Bas auront désormais le pouvoir, ou non d’ajuster les allocations sociales aux ayants droits de MRE comme ils l’entendent, voire à revenir par exemple sur leur promesse de ne baisser que de 10% les allocations aux veuves.
« Nous allons étudier la possibilité avec notre avocat de porter plainte contre le Maroc et les Pays-Bas, car ce compromis instaure une discrimination entre ceux dont la famille vit aux Pays-Bas et ceux dont elle vit à l’étranger et nous estimons qu’il va à l’encontre de la convention euro-méditerranéenne des droits sociaux », conclut Abdou Menebhi.
10.10.2015, Julie Chaudier
Source : yabiladi.com